dimanche 26 janvier 2020

La Visite impériale


La Visite impériale

Chanson française – La Visite impériale – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 37

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.




Dialogue Maïeutique

Souviens-toi, dit Marco Valdo M.I., après l’enterrement de Serenus et la longue veille qui s’en était suivi, à laquelle Matthias s’était mêlé, manière de profiter un peu du banquet et avait pour ce faire laissé sur la place du village tout son petit théâtre. Une rébellion, une petite révolution avait secoué la troupe abandonnée. Il s’y était élevé des velléités d’indépendance ; certains s’étaient même quasiment mis en route. Ce n’est que grâce à l’intervention du Docteur Faust et de Polichinelle, la scission avait été évitée. Au matin, tous s’étaient ravisés et sous la houlette de Matthias, devenu entretemps Andrea Sereno, ils avaient repris le chemin de la clandestinité.

De ça, je me souviens, répond Lucien l’âne. Et maintenant, que va-t-il se produire ? Il faut quand même que parfois, ils s’arrêtent et qu’ils donnent un spectacle histoire d’avoir de quoi vivre. Et puis, quel sens aurait une troupe de théâtre qui ne jouerait jamais ? On finirait par s’apercevoir de la supercherie.

En effet, Lucien l’âne mon ami, même s’il est dit « pour vivre heureux, vivons cachés ! », même les déserteurs doivent se nourrir et ne peuvent rester en permanence cachés. Ils doivent nécessairement être quelque part ; en l’occurrence, cette fois, en Enfer. Enfin, dans la salle de l’Auberge « À l’Enfer » et dans cet Enfer, la troupe se sent bien et elle consentirait volontiers – moyennant juste compensation – à y donner quelques représentations divertissantes de théâtre miniature. Tout se présente sous les meilleurs auspices, mais au samedi matin, tout ce petit monde est proprement mis à la porte et poussé hors de la ville ; le tout, sans ménagement. Bref, on dégage ! Cet impromptu est inattendu, tout à fait anormal : il doit se passer quelque chose.

Oui, dit Lucien l’âne, j’ai déjà connu ça ; ce sont des choses qui arrivent. Généralement, on chasse les mendiants, les gitans, les juifs, les étrangers, les sans-papiers, les damnés de la terre. Souvent, ça ressemble à un grand nettoyage de printemps : on balaye tout.

Tu vois juste, Lucien l’âne mon ami, c’est une sorte de grand nettoyage qu’organisent les autorités de Litomyšl, cette petite ville de Bohême d’où Matthias, à l’époque Luigi Sevastiano, avait déjà dû fuir. C’était le récit que faisaient :
L’Aveu théâtral : où pour survivre, Arlequin (alias, alias) à l’instigation de la Comtesse se fait conseiller in teatro auprès du Comte de Wallenstein.
Le Bouffon de Franziska : où Arlequin, conseiller in teatro est captif de la Comtesse qui le traite sous le nom germanisé d’Harlekin.
Une Statue ne porte pas de Caleçon : où Arlequin, revenu sur scène, se retrouve le cul nu sur la scène du théâtre du Comte Wallenstein.
La Pécheresse aux jolis Doigts : où on découvre le portrait d’Arlecchina.
La Confession d’Arlequin : où on apprend comment Arlequin, chassé par le Comte, se réfugie pour l’hiver chez les pères et obtient cette grâce par un artifice de confession.
La Mare aux Cochons : où l’Arlequin qui étouffe entre les murs religieux, fait le mur et tombe dans la mare aux cochons.
Le Retour du Printemps : où Matthias n’en pouvant plus se décide à rentrer chez lui.

On se croirait dans le jeu de l’oie, dit Lucien l’âne, voilà un fameux retour à la case départ. Je me demande ce que va faire Andrea Sereno, qui si je m’y retrouve, est le nouvel habit d’Arlequin.

Après avoir marché un temps, dit Marco Valdo M.I., Andrea Sereno avec sa hotte sur le dos rejoint la propriété de campagne du Comte Wallenstein, composée essentiellement d’un haras et d’une bergerie dont Matthias connaît l’existence et le berger depuis le temps où lui-même travaillait pour ce comte aux ambitions théâtrales. Habituellement, c’est un lieu calme, idyllique, bucolique où il ne passe pas grand monde. Matthias trouve refuge à la bergerie et est même nourri par le berger, mais au matin du dimanche, à l’heure de la grand-messe, arrive toute une cohorte de berlines, suivie par un peloton de gendarmes à cheval. C’est pile le jour de la visite impériale – précisément, celle de François Ier Empereur d’Autriche, mais François II comme Empereur du Saint Empire. C’est un événement qui ne s’est jamais produit qu’une seule fois dans l’Histoire : ce jour-là. Le reste et comment Arlequin rencontre l'Empereur, je te laisse le découvrir avec la chanson.

Je m’en vais le faire à l’instant, Marco Valdo M.I. mon ami, et je suis déjà inquiet de savoir où cette visite perturbante va conduire le déserteur Matěj Kuře, présentement Andrea Sereno, soldat méritoirement démobilisé. En attendant, tissons le linceul de ce vieux monde impérial, bucolique, protocolaire, hasardeux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Septembre mouille le soir de ce jeudi
À l’auberge de l’Enfer – un bel abri,
Où Matthias passe la nuit incognito,
Nul ne l’a reconnu en Andrea Sereno.

Vendredi, à l’Enfer, Sereno et sa troupe
Donneraient volontiers quelques scènes.
Raus ! Dehors !, avec une grossièreté obscène,
Sans explication, on chasse tout le groupe.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Pour lors, ils vont par les prés verts
Chercher un gîte où se mettre à couvert :
À l’écurie du comte, ils trouvent à souper ;
À la bergerie, du fromage de brebis pour déjeuner.

Branle-bas de combat ! Arrive en matinée
Un convoi de sept berlines bien chargées :
Caesar Franciscus Secundus et sa dame,
Des comtes, des burgraves et des gendarmes.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

L’Empereur à Litomysl, le comte Wallenstein rayonne :
Gloire au haras, gloire à la jumenterie !
L’escorte cuit des saucisses et fait une beuverie
Où Andrea s’empiffre et s’entonne.

Face à l’Imperator, dans le petit pavillon,
Les soldats poussent Matthias, le mouton trublion
Et le pitre déclame :« Que son Altesse en sa clémence,
Souffre que devant elle, en artiste, je m’avance ! »

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

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