vendredi 8 novembre 2019

Matthias est revenu

Matthias est revenu


Chanson française – Matthias est revenu – Marco Valdo M.I. – 2015

ARLEQUIN AMOUREUX – 10 bis

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.



Dialogue Maïeutique

Finalement, dit Marco Valdo M.I., après avoir quitté le couvent où il avait hiverné à l’abri du froid, du vent et des militaires, Matthias a recommencé sa longue errance pour parcourir la dernière étape vers chez lui. Mais, cette fois, il n’en est plus très éloigné ; il y parviendra en fin de journée. Ainsi, il reprend le sentier qui serpente en remontant à travers bois le cours du petit ruisseau ; Matthias regarde autour de lui les effets de la paix et du printemps.

C’est donc le retour du déserteur au bercail, dit Lucien l’âne. J’ai souvenir d’avoir entendu dire que souvent au retour, il y a des surprises et pas toujours agréables qui attendent le soldat prodigue.

En effet, reprend Marco Valdo M.I., c’est souvent le cas. On connaît de multiples versions de l’histoire de ces soldats, de ces prisonniers, de ceux-là qui reviennent de loin et se retrouvent devant leur femme remariée ou morte, telle Adèle. Célèbre est aussi l’histoire du croisé et de certaine précaution qu’il avait prise avant son départ pur verrouiller la porte nuptiale. Ou plus encore, l’Odyssée du brave Ulysse qui des milliers d’années plus tard est toujours présente dans les mémoires. Pour lui, selon Tonton Georges, ça se passe bien :

« Heureux qui comme Ulysse
A fait un beau voyage !
Heureux qui comme Ulysse
A vu cent paysages
Et puis a retrouvé
Après maintes traversées
Le pays des vertes a
nnées. »

Moi, dit Lucien l’âne, je ne peux pas me départir de l’impression que ce titre « Matthias est revenu » doit quelque chose à Jacques Brel et à sa « Mathilde est revenue ».

Certainement, tu as de l’oreille, Lucien l’âne mon ami.

Oui et même, de l’oreille d’âne, Marco Valdo M.I. mon ami.

Cela dit, Lucien l’âne mon ami, il y a des bouts de phrases, des noms, des mots qui semblent avoir une vie propre, qui s’échappent de leur contexte et apparaissent, reparaissent ou réapparaissent sans qu’on sache trop d’où ils reviennent. Je n’en ai pas d’autres en tête pour l’instant, mais c’est sans doute dû aussi à leur féroce aptitude à l’autonomie ; ce sont des mots libres qui flottent à la dérive comme des nuages au-dessus d’océans.

Mais, mais, mais, dit Lucien l’âne en souriant, si on en revenait à la chanson, si on en revenait au retour de Matthias Kuře sur ses terres. Que se passe-t-il exactement ?

Oh, répond Marco Valdo M.I., d’abord, Matthias revient à la maison qui est celle de ses parents et qui avant son départ, avait été laissée à sa sœur Katerine et à son mari et qu’il retrouve occupée par son frère cadet Lukas et une femme, qui ne s’attendent pas du tout au retour de Matthias. À vrai dire même, ils lui font sentir qu’ils n’ont aucune envie de partager le bien de famille avec lui. Bref, le frère à son retour d’exil forcé est très mal accueilli. On lui fait comprendre qu’il est importun et on lui signifie poliment qu’il ne devrait pas s’attarder et si possible, même pas pour la nuit.

« On ne t’attendait plus, Matthias mon frère !
Pour ce soir, on te donnera très volontiers
Du lard frit et des pommes de terre
Et un coin de grange, si tu comptes rester. »

Eh bien, dit Lucien l’âne, pauvre Matthias qui a effectué – à pied – la traversée de la moitié de l’Europe en passant par les Alpes et qui est si mal accueilli chez lui. Allons, tissons le linceul de ce vieux monde mesquin, avide, cupide, stupide, idiot et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



La paix est tombée sur l’Europe :
C’est une brume indécise,
Un peu jaune, un peu rose, un peu grise,
Où le sang palpite et le temps galope.

Sur ses plaines, sur ses terres,
S’ébroue une paix toute croustillante,
Courbaturée, encore un peu dolente
Des cicatrices de ses dernières guerres.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Les hirondelles de retour d’Afrique
Regardent les fumiers bourgeonner ;
Conscrits en chômage technique,
Les culs terreux sèment l’orge et le blé.

Matthias coupe à travers bois,
Tout empressé de rentrer chez soi.
Par le secret sentier bien connu,
À la chaumine, Matthias est revenu.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Matthias retrouve trop tard son chaume.
L’aînée Katerine est morte, la bonne fille
Laissant à Lukas l’antre et l’âtre de la famille :
Avec une fille, le couple occupe solidement le home.

On ne t’attendait plus, Matthias mon frère !
Pour ce soir, on te donnera très volontiers
Du lard frit et des pommes de terre
Et un coin de grange, si tu comptes rester.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

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