L’Ombre
du Régiment
Chanson
française – L’Ombre – Marco Valdo M.I. – 2019
ARLEQUIN
AMOUREUX – 24
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Dialogue
Maïeutique
Sais-tu,
Lucien l’âne mon ami, ce qu’on nomme une pimprenelle ?
Évidemment,
Marco Valdo M.I., j’en mange même souvent. C’est une herbe fort
goûteuse au demeurant.
Hou
la, Lucien l’âne mon ami, ce n’est pas de cette pimprenelle-là
que je voulais parler ; cependant, tu as raison et comment en
irait-il autrement, étant donné que la pimprenelle est une plante
sauvage des prairies et de plus, assez répandue. Ce n’est pas non
plus de l’herbe médicinale qu’il est question ici, mais de la
pimprenelle, telle qu’elle est désignée en argot, autrement dit,
une jeune fille un peu niaise, un peu réservée, un peu timide comme
l’est précisément Barbora, dont notre Arlequin pense :
« Elle
rêve d’un mot gentil, d’une ritournelle ;
C’est
encore une enfant, c’est une pimprenelle »
Ah,
je vois très bien ce qu’il doit ressentir, répond Lucien l’âne.
On dirait qu’il cultive une sorte de sentiment paternel. Cela dit,
qu’en est-il du reste ?
Comprends-moi,
Lucien l’âne mon ami, si j’ai commencé par cette question à
propos de la pimprenelle, c’était pour que tu ne t’égares pas
dans les considérations complexes à ce sujet.
C’était
une bonne idée, répond Lucien l’âne, et je t’en remercie.
Maintenant, qu’en est-il de l’aventure, car quand même, dans le
titre, il est question de l’ombre du régiment ; une ombre que
je suppose inquiétante comme l’ombre d’un nuage qui se profile
au-dessus de la prairie au ciel d’été, juste avant l’arrivée
de l’orage.
Pour
ce qui est de cette ombre, répond Marco Valdo M.I., tu ne te trompes
pas ; c’est une ombre prémonitoire. Pour le reste, Matěj et
Barbora ont repris leur travail dans les prés au matin et ils ont
poursuivi cette fenaison toute journée. Ils viennent de terminer et
se posent à même les meules. Toutefois, Barbora a l’air ailleurs,
comme si quelque chose la rongeait et Matthias tente de la distraire
et comme tu le sais, en la matière, c’est un expert. Elle commence
par rire et soudain, elle fond en larmes, hoquetante et prise de
sanglots irrépressibles. Matthias ne sait trop que faire de cette
enfant qui lui tombe quasiment dessus, qui se met sous sa houlette ;
à lui, le déserteur condamné à l’errance. L’ombre du régiment
ne lui laisse pas trop la possibilité d’être un parent de
remplacement. C’est sur ce dilemme que s’arrête la chanson.
Oh,
dit Lucien l’âne, deux réflexions. La première, c’est que
cette fin qui débouche sur un précipice est une manière de faire
que l’on trouve dans ce qui fut pendant longtemps, le plus grand
succès de la presse : le feuilleton et ce même procédé qui
est actuellement usé par les « séries ». En somme, c'est suite au prochain numéro. La seconde est
plutôt une question : Matthias ne devine-t-il pas quel sombre
nuage a frappé la jeunesse de Barbora ?
Eh
non, Lucien l’âne mon ami, et pour cause. D’ailleurs, tu
demandes ça, car toi, tu sais déjà la chose : ce pieu qui a
rendu le coq aveugle et fait saigner Barbora ; mais,
rappelle-toi, Matthias, lui, à ce moment, il n’était pas là ;
il dormait dans une meule à l’écart de la ferme, rapport au monde
qui était venu pour la noce de Lukas et de Rosalie. Ah, s’il avait
été là, les choses auraient pu être différentes.
Oui,
dit Lucien l’âne, on ne sait pas. À présent, tissons le linceul
de ce vieux monde doux amer, mi-figue – mi-raisin, mi-folie –
mi-raison, joyeux et triste et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
La
journée des foins touche à sa fin.
Travail
fait, il est temps d’une pause.
Et
Barbora sur la meulette se pose ;
Recrue,
elle sourit aux horizons lointains.
Pour
distraire l’enfant, Matthias sort son mouchoir
D’Arlequin,
et met au jour, venue de nulle part
Une
fée guillerette, une menue marionnette ;
Fringante,
elle fait la révérence et secoue la tête.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Et
la poupée babille, chute et cabriole.
Barbora
rit, rit et rit encore
Et
soudain, elle se convulse sur le sol.
Raidie,
elle pleure, pleure et sanglote encore.
Toute
recroquevillée, noyée dans ses pleurs,
Sur
sa bouche, les poings serrés
Endiguent
les hoquets de sa secrète douleur.
Matthias
perdu tente de la consoler.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Et
Arlequin songe : « S’occuper d’elle ?
Elle
rêve d’un mot gentil, d’une ritournelle ;
C’est
encore une enfant, c’est une pimprenelle
Et
je n’ai pas la fibre maternelle. »
Matěj,
poussin éclos d’un œuf noir,
Il
faut partir et c’est urgent.
Il
n’est plus temps d’un espoir,
Matthias,
il faut fuir l’ombre du régiment.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
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