mardi 26 novembre 2019

LA SONATE AU CLAIR DE LUNE


LA SONATE AU CLAIR DE LUNE


Version française – LA SONATE AU CLAIR DE LUNE – Marco Valdo M.I. – 2019
d’après la traduction italienne de Nicola Crocetti
d’une chanson grecque Η σονάτα του σεληνοφώτος (I sonata tou selinofotos) – Yannis Ritsos / Γιάννης Ρίτσος – 1956

Paroles : Yannis Ritsos /Γιάννης Ρίτσος
Musique : Ludwig van Beethoven – Klaviersonate nr. 14 op. 27 nr. 2 (1° movimento)
Interpr
ètes :
1. Moni Ovadia
2.
Christos Tsagas / Χρήστος Τσάγκας
3. Melina Mercouri / Μελίνα Μερκούρη
4. Karyofyllia Karabeti / Καρυοφυλλιά Καραμπέτη











L’événement heureux et singulier proposé par la première interprétation (celle de Moni Ovadia) est la rencontre de trois mondes qui se pénètrent mutuellement, des événements et des temps difficiles : la Grèce, où est née la civilisation occidentale ; l’Europe centrale, un monde nouveau, s’étendant vers des horizons toujours changeants ; la culture juive, un monde ancien, moins visible, mais qui a traversé l’histoire avec des processus d’inculturation troublés et fertiles. Sont témoins de ces mondes : Ritsos, un poète qui, plus que d’autres, a fusionné sans interruption l’engagement politique et social avec l’art ; Beethoven, qui a traduit en musique les attentes et l’enthousiasme de la modernité ; Moni Ovadia, herméneute, à l’écoute attentive de nos préoccupations.

Ce sont trois mondes qui en se croisant présentent des perspectives et des hésitations élaborées au fil des siècles et des millénaires.

Ritsos publie ce texte en 1956, quatre ans après son retour des « camps de rééducation » pour prisonniers politiques : Limnos en 1948, Makronissos en mai 1949 et Ai Stratis en 1952. Dans les années qui suivirent son retour, Ritsos continua à s’impliquer politiquement dans la gestion de l’Eda (Ενιαία Δημοκρατική Αριστερά / United Democratic Left), une activité qui lui aurait valu une autre période d’emprisonnement en 1967 sous la dictature des colonels de Ghiaros, Leros et Samo.

Interprétations

Moni Ovadia alterne dans ses récitations des passages du texte grec avec la version en italien dans la traduction de Nicola Crocetti. La chorégraphe Ornella Balestra, à qui le metteur en scène Moni Ovadia a confié l’interprétation visuelle des sentiments de la femme, contribue à lui conférer une expressivité accrue.

La deuxième interprétation est celle de l’acteur Christos Tsagas, une véritable star qui a joué les scènes du théâtre grec depuis les années 60. Il a été metteur en scène de nombreuses pièces de théâtre, acteur de cinéma et fondateur de la société à but non lucratif Palkoseniko / Παλκοσένικο.

Dans sa troisième représentation, Melina Mercouri fait revivre la Femme en noir avec un portrait d’elle-même : une femme d’une grande féminité qui n’a jamais trahi son rôle d’intellectuelle engagée, surtout dans les années sombres. Actrice jusqu’au bout des ongles, elle est restée, même de nombreuses années après sa mort, de l’avis de l’écrivain, l’âme la plus authentique de la Grèce de la seconde moitié du XXe siècle dans sa plénitude féminine et artistique.

Karyofyllia Karabeti est l’interprète de la quatrième représentation. Actrice de théâtre, de cinéma et de télévision, ses rôles en tant que protagoniste des tragédies grecques classiques pour le Théâtre national grec / Εθνικό Θέατρο Θέατρο et à l’étranger sont remarquables.

(Une soirée de printemps. Une grande pièce d’une maison ancienne. Une vieille femme, vêtue de noir, parle à un jeune homme. Ils n’ont pas allumé la lumière. Un implacable clair de lune entre par les deux fenêtres. La Femme en noir a publié deux ou trois recueils intéressants de vers d’inspiration religieuse. Ainsi, la Femme en noir s’adresse aux plus jeunes :)



Laisse-moi venir avec toi. Quelle lune ce soir !
La lune est bonne – on ne verra pas
que mes cheveux se sont blanchis. La lune
Me les fera blonds à nouveau. Tu ne t’en apercevras pas.
Laisse-moi venir avec toi.

Avec la lune, s’agrandissent les ombres de la maison,
des mains invisibles tirent les rideaux,
un doigt pâle écrit sur la poussière du piano.
Paroles oubliées – Je ne veux pas les entendre. Tais-toi.

Laisse-moi venir avec toi.
un peu plus loin, jusqu’à la clôture de la briqueterie,
Là où la route tourne et apparaît
la ville d’air et de béton, calcinée par le clair de lune,
si indifférent et immatériel,
si positive, presque métaphysique,
que tu peux enfin croire que tu existes et que tu n’existes pas.
que tu n’as jamais existé, n’a jamais existé le temps avec sa ruine.
Laisse-moi venir avec toi.

Nous nous assiérons un peu sur le muret, sur la colline,
À nous rafraîchir dans le vent du printemps
Peut-être même imaginerons-nous voler,
Car souvent, et aussi maintenant, j’entends le bruissement de mon peignoir
Qui semble être le battement de deux ailes fortes,
Et quand tu t’enfermes dans ce bruit du vol,
Tu sens se tendre ton cou, tes hanches, ta chair,
et si serrés dans les muscles du vent bleu,
dans les nerfs forts de la hauteur,
Peu importe que tu partes ou que tu reviennes.
Peu importe que mes cheveux soient blancs,
(Ce n’est pas ça qui me peinece qui me peine
C’est que mon cœur ne blanchit pas aussi).
Laisse-moi venir avec toi.

Je sais, chacun va seul vers l’amour,
Seul vers la gloire et la mort.
Je sais. Je l’ai éprouvé. Ça ne sert à rien.
Laisse-moi venir avec toi.

Cette maison est habitée par des fantômes, elle me chasse.
Je veux dire, elle a beaucoup vieilli, les clous se détachent,
Les tableaux sont comme s’ils plongeaient dans le vide,
Les revêtements tombent en silence
Comme le chapeau du mort tombe du portemanteau dans le couloir sombre.
Comme le gant de laine usé tombe des genoux du silence.
Ou comme un rayon de lune tombe sur un vieux fauteuil éventré.
Un temps, il était jeune, lui aussi – pas la photo que tu regardes avec une telle défiance,
Je parle du fauteuil, si reposant ; tu pouvais t’y asseoir pendant des heures.
Et les yeux fermés, rêver à ton gré
– Une plage humide, lisse, luisante de la lune,
Plus luisante que mes vieilles chaussures vernies que chaque mois, je porte au cireur ici au coin de la rue,
Ou que la voile d’un pêcheur qui se perd à l’horizon, bercée par son propre souffle,
Une voile triangulaire comme un mouchoir plié en travers
Comme s’il n’avait rien à enfermer ou à contenir.
Ou à saluer en s’agitant. J’ai toujours eu la manie des mouchoirs,
Pas pour y tenir plié quelque chose,
Certaines graines de fleurs ou de camomille récoltées dans les champs vers le soir,
Ni pour y faire quatre nœuds, comme font les ouvriers sur le chantier de l’autre côté de la rue,
Ou pour m’essuyer les yeuxj’ai conservé une bonne vue ;
Je n’ai jamais porté de lunettes. Une simple extravagance, les mouchoirs.

À présent, je les plie en quatre, en huit, en seize.
Pour occuper mes doigts. Et maintenant, je me souviens
Que je rythmais ainsi la musique quand j’allais au Conservatoire.
Avec mon tablier bleu, mon col blanc et deux tresses blondes.
– Huit, seize, trente-deux, soixante-quatre –
Donnant la main à une amie – je pêche toutes les fleurs pâles et roses,
(Pardonnez ces motsune mauvaise habitude)trente-deux, soixante-quatreet mes parents mettaient
De grands espoirs dans mon talent musical. Donc, je disais, le fauteuil
Éventré – vous pouvez voir ses ressorts rouillés, la paille
J’ai pensé l’emmener chez le tapissier à côté,
Mais qui a le temps, la volonté, l’argentque chose réparer en premier ?
Je pensais jeter un drap dessus, j’ai eu peur
De ce drap blanc au clair de lune. Ici, se sont assis
Des gens qui ont rêvé de grands rêves, comme toi et comme moi, du reste
Et qui maintenant reposent sous terre sans que la pluie ou la lune ne les dérangent.
Laisse-moi venir avec toi.

Nous nous arrêterons un peu en haut de l’escalier en marbre de Saint-Nicolas,
Puis tu descendras et je reviendrai sur mes pas
Avec sur mon flanc gauche, la chaleur du contact aléatoire avec votre veste,
Quelques cadres de lumière dans les petites fenêtres du quartier
Et ce souffle très blanc de la lune qui semble un grand cortège de cygnes d’argent.
Je n’ai pas peur de cette phrase, parce que moi
Nombre de nuits de printemps, un temps, j’ai parlé avec Dieu, qui m’est apparu
Dans le brouillard et la gloire d’un clair de lune comme celui-ci,
Et je lui ai sacrifié, beaucoup de jeunes gens, plus beaux que toi,
M’évaporant ainsi, blanche et inaccessible dans ma flamme blanche, dans la blancheur de la lumière de la lune,
Brûlée par les regards voraces des hommes et l’extase incertaine des adolescents,
Assiégée par de beaux corps bronzés,
Par des membres forts entraînés à la nage, à la rame, à l’athlétisme, au football (que je faisais semblant de ne pas voir)
Des fronts, des lèvres, des cous, des genoux, des doigts et des yeux
Des thorax, des bras, des cuisses (et véritablement, je ne les voyais pas)
– Tu sais, parfois, admirant, tu oublies ce que tu admires, tu admires seulement –
Mon Dieu, quels yeux pleins d’étoiles, et je m’élevais dans une apothéose d’étoiles refusées
Car, si assiégée, à l’intérieur comme à l’extérieur,
Je n’avais d’autre voie que le haut ou le bas.Non, ça ne suffit pas.
Laisse-moi venir avec toi.

Je sais qu’il est tard maintenant. Laisse-moi,
Car pendant tant d’années, de jours et de nuits, et de midis violets, je suis restée seule,
Irréductible, immaculée et seule,
Jusque dans mon lit nuptial immaculée et seule,
Écrivant des vers glorieux sur les genoux de Dieu,
Des vers qui, je t’assure, resteront gravés sur un marbre irréprochable.
Outre ma vie et la tienne, bien au-delà. Ça ne suffit pas.
Laisse-moi venir avec toi.

Ça ne va plus pour moi, cette maison
Je ne supporte pas de la porter sur mes épaules.
Tu dois toujours t’occuper de ceci et de cela,
À étayer le mur avec le grand buffet
À étayer le buffet avec l’ancienne table sculptée
À étayer la table avec les chaises
À étayer les chaises avec les mains
À étayer la poutre qui a cédé avec l’épaule.
Et le piano, fermé comme un cercueil noir. Tu n’oses pas l’ouvrir.
Toujours s’occuper de ceci et de cela, pour qu’il ne tombe pas, pour que tu ne tombes pas. Je n’en peux plus.
Laisse-moi venir avec toi.

Cette maison, avec tous ses morts, ne veut pas entendre parler de mourir.
Elle s’obstine à vivre avec ses morts
À vivre de ses morts.
À vivre de la certitude de sa mort
Jusqu’à mettre ses morts sur des étagères et des lits branlants.
Laisse-moi venir avec toi.

Ici, si doucement que je marche dans le souffle de la soirée,
En pantoufles ou pieds nus,
Quelque chose craqueun verre ou un miroir craque,
On entend des pasce ne sont pas les miens.
Dehors, dans la rue, il se peut qu’on n’entende pas ces pas
La repentance, dit-on, porte des chaussures en bois.
Et si tu vas regarder dans tel ou tel miroir,
Derrière la poussière et les fissures,
Tu vois plus terne et brisé ton visage,
Ton visage : tu ne demandas rien d’autre à la vie que de le garder intact et pur.
Le bord du verre reluit au clair de lune
Comme un rasoir circulairecomment le porter à tes lèvres,
Alors que tu as si soif ? – Comment ? – Tu vois ?
Je veux encore des similitudes,Il m’est resté ça,
Ça me rassure encore qu’il y en a.
Laisse-moi venir avec toi.

Parfois, au soir, j’ai la sensation
Que devant les fenêtres passe le forain avec sa vieille ourse pesante.
Avec son poil plein de bardanes et d’épines
Soulevant la poussière dans la rue du quartier,
Une nue solitaire de poussière qui incendie le crépuscule,
Et les enfants sont rentrés chez eux pour le dîner et on ne les laisse plus sortir
Même si, derrière les murs, ils devinent les pas de la vieille ourse.
Et l’ourse fatiguée marche dans la sagesse de sa solitude, sans où ni pourquoi -
Elle s’est appesantie, elle n’arrive plus à danser sur ses pattes arrière.
Elle n’arrive plus à porter son bonnet en dentelles pour divertir les enfants, les facétieux, les exigeants,
Elle veut juste se coucher à terre
Les laissant piétiner son ventre, jouant ainsi son dernier jeu,
Montrant son immense force de renoncement,
Sa désobéissance aux intérêts des autres, aux anneaux dans ses lèvres, à la nécessité de ses dents,
Sa désobéissance à la douleur et à la vie
Avec l’alliance sûre de la mortmême d’une mort lente
Son extrême désobéissance à la mort avec la continuité et la notion de la vie
Qui par la connaissance et l’action l’élève au-dessus de son esclavage.
Mais qui peut jouer à ce jeu jusqu’à la fin ?
Et l’ourse se relève et marche
Obéissant à sa dentelle, à ses anneaux, à ses dents,
Souriant avec des lèvres lacérées aux pièces de monnaie des enfants beaux et innocents
(Beaux précisément parce qu’innocents)
Et remerciant. Car les ours vieillis
Ont seulement appris à dire : merci, merci.
Laissez-moi venir avec toi.

Cette maison m’étouffe. Même la cuisine
Est comme le fond de la mer. Les cafetières suspendues brillent
Comme de grands yeux ronds de poissons incroyables,
Les plats se meuvent lents comme des méduses,
Des algues et des coquillages se prennent dans mes cheveuxje n’arrive plus à les arracher,
Je n’arrive pas remonter à la surface.
Le vase tombe de ma main sans bruitje m’effondre.
Je vois monter, monter les bulles de ma respiration,
Je tente de me distraire en les regardant.
Et je me demande ce que dirait quelqu’un qui d’en haut voyait ces bulles,
Peut-être que quelqu’un se noie, ou qu’un plongeur explore les abysses ?
Et vraiment, il n’est pas rare que je trouve là, au fond, là où je me noie,
Des coraux et des perles et des trésors de navires naufragés,
Rencontres imprévisibles d’hier, d’aujourd’hui et du futur,
Presque une confirmation de l’éternité,
Un certain soulagement, un certain sourire d’immortalité, comme on dit,
Un bonheur, une ivresse, jusqu’à un enthousiasme,
Des coraux, des perles, des saphirs ;
Seulement que je n’arrive pas à les donnernon, je les donne ;
Seulement, je ne sais pas s’ils peuvent les prendrede toute façon, moi je les donne.
Laisse-moi venir avec toi.

Un moment, je prends mon gilet.
Avec ce temps instable, quoi qu’il en soit, nous devons nous protéger.
Il y a de l’humidité le soir, et la lune
Ne penses-tu pas vraiment qu’elle renforce la fraîcheur ?
Laisse-moi boutonner ta chemise – quel solide poitrail tu as,
– quelle lune forte – le fauteuil, dis-jeet quand je soulève la tasse de la table
Il reste dessous un trou de silence, je mets ma main là tout de suite.
Pour ne pas regarder en dedans – je remets la tasse à sa place ;
Même la lune est un trou dans le crâne du monde – ne regarde pas en dedans,
Il y a une force magnétique qui attire – ne regarde pas, ne regardez pas,
Faites attention à ce que je vous dis – vous tombez dedans. Ce beau vertige,
Léger – attention, tu tombes
C’est un puits de marbre la lune,
Des ombres, des ailes silencieuses, des voix mystérieuses s’y meuventNe les entendez-vous pas ?

Profonde la chute,
Profonde la remontée,
L’aérienne statue tend ses ailes ouvertes,
Profonde l’implacable charité du silence –
Lumières tremblotantes sur l’autre rive, tandis que tu oscilles sur ta propre fronde,
Le souffle de l’océan. Très léger, très beau
Ce vertige – fais attention de tomber. Ne me regarde pas,
Ma place est l’oscillation – le vertige stupéfiant. Ainsi chaque nuit
J’ai un peu mal à la tête, certains vertiges. Souvent je fais un saut à la pharmacie en face pour de l’aspirine,
Parfois je n’en ai pas envie et je reste avec le mal de tête.
À entendre le bruit sourd des tuyaux d’eau dans les murs,
Ou je me fais un café, toujours distraite.
Et oublieuse, j’en fais deux – qui boira le second ?
C’est ridicule, je le laisse sur la tablette à refroidir,
Ou des fois je bois aussi l’autre, regardant par la fenêtre l’enseigne verte de la pharmacie.
Comme la lumière verte d’un train silencieux qui vient me chercher
Avec mes mouchoirs, mes chaussures déformées, mon sac noir, mes poèmes,
sans bagage – pour en faire quoi ?
Laisse-moi venir avec toi.

Ah, tu t’en vas ? Bonne nuit. Non, je ne viens pas. Bonne nuit.
Sous peu, je sors. Merci. Car enfin, il faudra
Sortir de cette maison en ruines.
Je dois voir un peu de la ville – non, pas la lune -
La ville aux mains calleuses, la ville du salaire quotidien,
La ville qui jure par le pain et le poing,
La ville qui nous tient tous sur ses épaules
Avec notre mesquinité, nos méchancetés, nos inimitiés,
Avec nos ambitions, notre ignorance et la vieillesse,
Je dois entendre les grands pas de la ville,
pour ne plus entendre tes pas.
Ni les pas de Dieu, ni mes pas. Bonne nuit.


(La pièce s’assombrit. On voit qu’un nuage a recouvert la lune. Soudain, comme si quelqu’un avait augmenté le volume de la radio du bar voisin, on entend une phrase musicale bien connue. Alors, je me suis rendu compte que toute cette scène avait été accompagnée à faible volume par la Sonate au Clair de Lune, seulement la première partie. Maintenant, le Jeune homme doit descendre avec un sourire ironique, peut-être de pitié, sur ses lèvres bien dessinées, et avec un sentiment de libération. Quand il sera arrivé à Saint Nicolas, avant de descendre l’escalier de marbre, il rira – un rire fort et irréfrénable. Son rire ne sera pas du tout inconvenant sous la lune. Peut-être la seule chose inconvenante, c’est qu’il n’y a rien d’inconvenant. Peu après, le Jeune se taira, deviendra sérieux et dira : « La décadence d’une époque ». Ainsi, désormais à fait tranquille, il va déboutonner à nouveau sa chemise et suivre son propre chemin. Quant à la Femme en noir, je ne sais pas si elle est finalement sortie de la maison. Le clair de lune brille toujours. Et dans les coins de la pièce, les ombres sont serrées par une contrition incontrôlable, presque une colère, autant pour la vie que pour la confession inutile. Vous l’entendez ? La radio continue.)
Athènes, juin 1956

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