VERDUN, DES ANNÉES PLUS TARD
Version
française – VERDUN, DES ANNÉES
PLUS TARD – Marco Valdo
M.I. – 2019
Texte
d’Erich
Kästner, dans
son recueil
"Gesang zwischen den Stühlen"
Musique de Lee Bach, cantautrice franco-allemande, née à Cuxhaven en 1947.
De son album "Wie ein Vogel frei", 1980.
Musique de Lee Bach, cantautrice franco-allemande, née à Cuxhaven en 1947.
De son album "Wie ein Vogel frei", 1980.
Dialogue
maïeutique
C’était,
souviens-toi, Lucien l’âne mon ami, il y a une centaine d’années
ou un peu plus. Le silence s’appesantissait sur les champs de
Lorraine et sur les hauteurs de la Meuse. Provisoirement, les canons
s’étaient tus. Une décade plus tard, Le silence était toujours
là et le souvenir aussi.
Oui,
dit Lucien l’âne, de tout ça, je me souviens comme tout le monde
qui entend le nom « Verdun ». Je suppose que la chanson
aussi.
Effectivement,
répond Marco Valdo M.I., tout le monde et tu fais bien de dire
ainsi. Car dans nos régions de langue française, quand on entend
Verdun, on pense à l’abomination et en même temps, à des
centaines de milliers de morts en uniforme bleu. On n’imagine pas
un instant – quand je dis « on », ça veut dire « la
plupart des gens », car il y a des exceptions – que le même
nom suscite dans les pays de langue allemande la même sensation. Et
pourtant, finalement, les cadavres ne portent pas d’uniformes ;
je parle des cadavres en tenue de squelettes. Par exemple, ces cent
mille ex-vivants conservés dans l’ossuaire de Douaumont.
À
mon sens, dit Lucien l’âne, tous ces cimetières où s’alignent
des tombes individuelles de gens morts en tas, tous ces monuments,
tout cet art patriotico-tumulaire ne devraient tenir qu’en un seul,
un seul immense mont pour tous les morts de toutes les guerres de
tous les temps et qui grandirait au fur et à mesure des joutes
humaines. Au moins, on pourrait se rendre compte nettement de
l’ampleur du désastre. Surtout quand l’empilement dépassera en
hauteur l’Everest et je ne sais quelle surface au sol. Cette
montagne au-dessus de laquelle planeraient les vautours, se verrait
de loin et finirait peut-être par imposer la paix des armes – au
moins, de celles-là.
C’est
un merveilleux projet, Lucien l’âne mon ami, mais je crains fort
qu’il ne révulse les bonnes âmes. Et puis, comment le financer ?
Qui serait chargé de ce grand œuvre, l’ONU ? Dans le fond,
il n’y a qu’elle pour le faire, mais elle aurait du boulot –
autre chose qu’un mur. Imagine qu’il faudrait rapatrier tous les
ossements, tous les cadavres, tous les restes de toutes les guerres
depuis que la guerre existe et tant qu’elle existerait. Ce serait
le monument de la
Guerre de Cent Mille Ans. Combien de camions, combien de trains,
combien de navires chargés à ras bord d’os et de crânes
faudra-t-il ? Et puis, où le faire ce grand monument fait de
tant d’humanité ? En Afrique, pays des origines ? En
Sibérie ou en Alaska, il conserverait mieux, du moins au sol. Sur
une île de Polynésie, au Pôle ? Et lequel ? Ce serait
quand même un lieu vivant, toujours en croissance, un fameux phare,
un fameux symbole que ce « Tous réunis dans la mort ».
Et il rencontrerait l’appel des morts rapporté par Erich Kästner
dans la chanson :
« Chaque
jour, le chœur des morts répète :
« Ayez
une très bonne mémoire ! »
Oh,
dit Lucien l’âne, la vie est macabre, c’est dans sa nature. Peu
importe la façon dont on la termine, c’est toujours par la mort.
Même nous, les ânes, on meurt ; c’est tout dire. En
attendant, tissons le linceul de ce vieux monde macabre, mortel,
mortifère, morticole et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Sur
le champ de bataille de Verdun,
Les
morts ne trouvent aucun repos.
Quotidiennement,
là, de la terre sortent
Casques,
crânes, carcasses et chaussures.
Sur
le champ de bataille de Verdun
Courent
des chrétiens armés de pelles,
Ils
ramassent les côtes et les têtes
Et
emportent les héros dans des boîtes.
Au-dessus
dans l’ossuaire de Douaumont
Reposent
douze mille morts sur le mont.
Et
huit mille hommes attendent dans les boîtes,
Impuissants,
des sépultures adéquates.
Sur
le champ nettoyé le jour avant,
Gisent
au matin dix nouveaux corps.
Et
l’épouvante saisit le paysan.
On
ne peut rien faire contre les morts.
Ce
coin n’est pas un jardin,
Et
certainement pas un jardin d’Éden.
Sur
le champ de bataille de Verdun,
Les
morts se lèvent et parlent.
Dans
les maïs et les fleurs des champs,
Dans
les sous-bois et les fougères,
Les
mains surgissent de terre,
Pour
avertir les vivants.
Sur
le champ de bataille de Verdun,
Les
cadavres poussent comme une récolte.
Chaque
jour, le chœur des morts répète :
« Ayez
une très bonne mémoire ! »
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