ALLER,
MARCHER, TRAVAILLER
Version
française – – Marco Valdo M.I. – 2019
Dialogue
Maïeutique
Andare,
camminare, lavorare – ALLER, MARCHER, TRAVAILLER, tel est Lucien
l’âne mon ami, le destin des gens d’à présent. Depuis un
certain temps déjà et pas seulement des hommes, mais des femmes
aussi – souvent encore, selon les endroits, aussi des enfants et
des vieux. Est-ce heureux ? Je n’en sais rien. En vérité, je
pense vraiment que ce ne l’est pas.
Pourquoi
donc, Marco Valdo M.I., me dis-tu tout ça ?
Je
dis tout ça, car Andare, camminare, lavorare – ALLER, MARCHER,
TRAVAILLER, c’est le titre de la chanson dont je viens d’achever
la version française ; et je te le dis, j’y ai mis du temps.
Oh,
dit Lucien l’âne, c’est toujours comme ça avec la poésie. Cela
dit, je pense que tu aurais pu intituler ta version française :
Métro, boulot, dodo. Une antienne de ces années-là qui me semble
vouloir figurer la même réalité, celle de cette société libérale
du travail obligatoire (S.T.O.), dont la devise est Arbeit
macht frei. Tu parles d’une farce, une réalité glaçante qui
telle une peste frappe les contemporains et s’étend partout dans
le monde. Nulle population touchée par la civilisation n’y
échappe, sauf à se cacher – mais où ? Ou à mourir, c’est
le cas le plus fréquent. Cette civilisation est une véritable
escroquerie qui tue la vie quotidienne de tous ceux qu’elle arrive
à convaincre ou à contraindre au
travail ;
pour elle, peu importe. Alors, de gré ou de force, on finit par
étouffer. Burn out, qu’ils disent.
Sans doute, Lucien l’âne mon ami, mais au temps de Ciampi, vers 1975,
c’était encore un mal circonscrit. Depuis la civilisation a touché
jusqu’aux coins les plus reculés de la planète. Les Inuits, les
Amérindiens, les Maoris et de lointaines peuplades africaines,
amazoniennes, enfin, les gens du monde entier peuvent aussi
bénéficier de l’alcool, des drogues, du coca et du porno. La
plupart de ceux-là n’ont même pas la chance de la malédiction du
travail stipendié, car chez eux, il n’arrive même pas. De toute
façon, dans ce système du travail : ou on en a trop, ou on
n’en a pas, mais dans les deux cas, on crève. Cependant, le destin
des gens d’ici – des « privilégiés » – est de se
lever matin et d’aller au boulot. Il y avait affichée sur les murs
de cette époque lointaine une petite vignette qui disait très
exactement : « Métro-boulot-dodo ! Y en a
marre ! ». On la collait un peu partout – va-t’en
savoir qui ?
Des
anarchistes, certainement, répond Lucien l’âne. Mais parle-moi un
peu de Piero Ciampi, quand même.
Piero
Ciampi, répond Marco Valdo M.I., Piero Ciampi est à la fois
l’auteur et l’interprète de la chanson ; le commentaire
italien dit ceci : « Piero Ciampi (Livourne, 28 septembre
1934 – Rome, 19 janvier 1980) – À l’été 1975, dans les
juke-boxes de la plage, on mettait une pièce de monnaie et on
écoutait ce simple captivant, récemment sorti, d’un chanteur que
personne ne connaissait. Tout le monde ricanait et léchait de la
glace. Et nous sommes toujours là pour nous souvenir d’une voix
qui a laissé des traces de pas et des cicatrices sur ce beau monde
poétique qui est le nôtre. Un être alcoolique et fainéant.
Indigne de confiance et souvent insupportable, menteur et vantard.
Mais qu’est-ce qu’il avait probablement pressenti longtemps à
l’avance… »
C’est
dommage qu’il soit parti si vite cet homme-là, dit Lucien l’âne.
Pour en revenir à al chanson, finalement, la question est de savoir
si ce que se demandait le phoque – celui de « La
Complainte du Phoque en Alaska »
– n’est
pas la vraie interrogation :
« Ça
ne vaut pas la peine
De laisser ceux qu’on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez. »
De laisser ceux qu’on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez. »
Cependant,
ils sont tellement nombreux à le faire nos contemporains. En fait,
ils sont tous coincés dans la
Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin
d’accroître leurs richesses, de multiplier
leurs profits, d’étendre leur pouvoir et de renforcer leur
domination. Quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde
gangrené par le travail, fatigué, épuisé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Aller,
marcher, travailler,
Aller
l’épée à la main,
Bande
de timides, d’inconscients, d’endettés, de désespérés.
Pas
de découragement, allons, allons travailler,
Aller,
marcher, travailler, du vin contre du pétrole,
Grande
victoire, grande victoire, très grande victoire !
Aller,
marcher, travailler,
Le
sud rugit, le nord ne monte pas,
Pas
de panique, la descente est par là,
Aller,
marcher, travailler,
Fuyons
vite, fuyons vite, fuyons vite !
Aller,
marcher, travailler,
Les
puissants tous sous clé,
Au
chenil, les chiens avec les chiens ;
Les
roses avec les roses, au jardin ;
Les
chats dans les cours.
Aller,
marcher, travailler,
Aller,
marcher, travailler,
Allez,
travailler !
Et
quel est ce feu ?
Pompiers,
pompiers, ponctuels, vous qui êtes sérieux,
Éteignez
ces incendies dans les couvents, les âmes, les banques.
Aller,
marcher, travailler,
Ces
coffres-forts, quelle invention infernale, vive la richesse mobile !
Aller,
marcher, travailler,
Aller,
marcher, travailler,
Travailler,
travailler !
Aller,
marcher, travailler,
Le
passé dans le tiroir fermé à clé,
Le
futur dans la loterie pour espérer,
Le
présent pour aimer,
Ce
n’est pas le moment s’en aller.
Aller,
marcher, travailler,
Aller,
marcher, travailler,
Allez,
travaillez !
Nourrissons
le travail, allez ! Menez paître les agneaux
Parmi
les hennissements des chevaux,
Tous
surveillés par des troupes de bergers,
Aller,
marcher, travailler,
Pas
de peur, bleus, bleus, attaquer, attaquer, attaquez à coups de pied,
Le
dimanche, tout le monde en colline à pédaler.
Travailler,
pédaler, travailler,
Avec
l’argent au restaurant, avec l’argent,
Avec
pour les mariés, des souhaits tant tant tant tant!
Aller,
marcher, travailler, la péninsule en auto,
Au
mariage, tous en auto !
Allez !
La Péninsule au volant, cette belle péninsule est devenue un
volant.
Aller,
marcher, travailler,
ALLEZ
TRAVAILLER À PIED !
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