LE BOURREAU
Version
française – LE BOURREAU – Marco Valdo M.I. – 2019
Texte :
Pit Budde
Dialogue
maïeutique
Je
suppose, Lucien l’âne mon ami, que tu sais ce qu’est un bourreau
et que sans doute, tu en as vu à l’œuvre ou que tu en as entendu
parler.
D’abord,
Marco Valdo M.I. mon ami, si j’en ai vu à l’œuvre, comme tu
dis, c’est que j’y étais contraint, car souvent, je n’étais
qu’une sorte de véhicule et qu’on m’avait amené là sans me
demander mon avis. Cela étant précisé, des bourreaux, il y en
avait à toutes les époques et dans tous les pays que j’ai
traversés et ils usaient plus volontiers de la hache, du braquemart,
de la corde, du feu ou de l’eau que de la bien aimable ciguë
socratique, sans compter les lapidations ou les fusillades qui sont
des œuvres collectives. Personnellement, quand on ne m’y menait
pas de force, je m’en suis toujours tenu à l’écart, car ils
s’en prenaient même aux animaux.
Je
sais, dit Marco Valdo M.I., selon la fable, tout spécialement à
l’âne lui-même « ce pelé, ce galeux d’où venait tout le
mal », comme ils disaient.
Exactement,
reprend Lucien l’âne, mais il y a lieu de distinguer, car il y a
des bourreaux et le bourreau. Il y a ceux qui torturent, qui mettent
à la question comme sous l’Inquisition et qui tuent malignement et
il y a celui qui exerce la terrible fonction d’exécuteur public ;
celui-là est une sorte de fonctionnaire-délégué. Ce ne sont pas
les mêmes usages. À tel point qu’en France, bien entendu avant
l’abolition de la peine de mort où le métier de bourreau a
disparu, le bourreau était appelé « Monsieur », pas
monsieur Machin ou monsieur Truc, mais tout simplement « Monsieur »,
sans nom accolé, pour rester anonyme dans sa fonction.
Effectivement,
Lucien l’âne mon ami, je m’en souviens bien. On était même
bourreau de père en fils ; c’était une charge héréditaire.
Une des raisons de cette hérédité, c’était la tradition, au
sens de la transmission. Mais nous ne sommes pas des historiens et
ces explications suffisent. Il convient aussi d’ajouter que les
bourreaux, même officiels, continuent d’exercer dans d’autres
pays où la peine de mort est encore d’application. Maintenant,
pour ce qui est de la chanson, elle se présente comme une scénette
où un bourreau est saisi par les gens et mis en accusation ;
presque condamné par la vindicte, lors même que ces gens font le
public fort intéressé par ces exécutions.
Ça,
dit Lucien l’âne, c’est vrai. Je les ai vu s’attrouper sur les
places en attendant – pendant des heures – la mise à mort comme
un spectacle. Ils y allaient comme à la foire et les marchands de
victuailles, de boissons et d’objets souvenirs, pendant tout ce
temps, faisaient de bonnes affaires.
La
chanson ne précise pas tout ça, répond Marco Valdo M.I. ;
elle fait écho à un débat dans une foule (le peuple, la
démocratie, que sais-je ?). À la réflexion, avec la
conclusion, il me paraît qu’il s’agit peut-être d’une autre
sorte de bourreau, un bourreau plus politique, un bourreau dans le
genre « industriel », un bourreau national. On en a connu
dans nombre de pays et pour ce qui est de l’Allemagne, leurs
bourreaux leur ont coûté fort cher. Et, c’est la fin de la
chanson, ils pourraient recommencer.
Je
me disais, conclut Lucien l’âne, qu’en somme, on n’en avait
pas fini avec les bourreaux. Certains en certains pays en réclament
à cor et à cri. C’est inquiétant. Alors, tissons le linceul de
ce vieux monde exécuteur, vindicatif, tueur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
« Aidez-moi »,
criait le bourreau.
« Ce
n’était pas ma faute à moi !
Les
ordres venaient d’en haut,
Soyez
indulgents avec moi !
J’étais
juste un petit écrou
De
la machinerie géante de l’État !
C’était
mon travail après tout.
Je
ne décidais jamais, moi ! »
Dans
la foule, quelqu’un a crié :
« L’homme
a raison, entièrement !
On
ne peut pas le condamner.
C’était
juste un exécutant ! »
« Mais
si on le laisse partir,
Est-ce
qu’on peut nous garantir
Qu’il
ne frappera pas à nouveau ?
Peut-on
vivre avec le bourreau ? »
« On
deviendra nous-mêmes des bourreaux ! »
On
entendit quelqu’un crier bien haut :
« Nous
ne sommes pas de meilleure engeance ;
Je
dis non à la vengeance ! »
Alors
s’est indigné le suivant :
« Combien
de gens a-t-il tués ?
Comment
pouvons-nous oublier
Le
sable rougi par le sang ? »
Et
comme tous se battent,
Par
l’amour du métier repris,
Sa
hache, le bourreau saisit.
Alors,
encore, à nouveau, il frappe.
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