POUR EN FINIR AVEC LA MÈRE… !
Version
française
– POUR EN FINIR AVEC LA MÈRE… ! – Marco Valdo M.I. –
2019
Texte
de Kurt Tucholsky, publié dans Die Weltbühne en 1924 sous un de ses
pseudonymes, celui de Theobald Tiger.
Musique
de Hanns Eisler
Interprété
par Ernst Busch, album "Ist Das Von Gestern ?"
de 1965.
On
l’imagine avec ses grosses bacchantes,
Avec
ses médailles, son casque |
Poème
dédié à Paul Graetz (1890-1937), un des maîtres du cabaret
berlinois des années Weimar. Paul Graetz, comme Tucholsky lui-même,
fut contraint de fuir l’Allemagne en 1933 et mourut prématurément
(d’une crise cardiaque, pas de sa propre main, comme Tucholsky) à
Hollywood en 1937.
Dans
ce poème, Tucholsky affirme quelle est pour lui la solution aux
aberrations du nationalisme : connaître le monde, connaître
d’autres cultures, vérifier à la première personne que les
Français sont comme les Allemands, des êtres humains. Comme nous le
savons, Tucholsky, grand viveur, aimait Paris et y passait beaucoup
de temps. L’autre chose que Tucholsky aimait (avec les femmes)
était le cabaret (la dédicace à Paul Graetz n’est pas
accidentelle) et s’il y a un élément qui unissait étroitement
Berlin et Paris dans ces années-là était précisément le cabaret,
la vie nocturne.
L’invitation
de Tucholsky aux Allemands, au lieu de continuer à pleurer sur les
guerres passées, est donc d’aller faire une belle promenade sur
les boulevards de Paris. Mais attention, pas comme le général
Ludendorff avait tenté de le faire au début de la Grande Guerre, en
envahissant la Belgique neutre et en rasant avec la Grande Berta les
forteresses de Liège pour ouvrir un corridor vers la capitale
française… Pour mémoire, Ludendorff, avec von Hindenburg, était
le représentant de la classe militaire allemande, le même qui était
non seulement coresponsable du carnage de la guerre, mais qui plus
tard a aidé à concéder l’Allemagne à Hitler…
L’aspect
tragique et moqueur de ces vers est que Ludendorff n’est arrivé
qu’à 40 km de Paris alors qu’Hitler, vers qui Tucholsky se
tourne enfin pour renouveler son invitation à visiter la France, est
vraiment arrivé à Paris, et paspour une visite de courtoisie ou
pour assister à un spectacle cabaret. Mais en juin 1940, le grand
écrivain et poète juif d’origine polonaise – aimant trop la vie
et connaissant bien l’Horreur – avait déjà depuis quelques
années mis fin à des jours en exil à Göteborg…
Contractés,
ratatinés, ankylosés, paralysés,
Depuis
dix ans, ça va comme ça.
Comme
les Allemands sont décimés,
Qui
étaient les tenants de Goethe autrefois !
Il
existe un truc – et il est inouï.
Ce
truc, le voici :
Va
une fois sur les boulevards, Mec !
Va
une fois à Paris, Mec !
Ludendorff,
les forts de Liège une fois pris,
Du
pays n’est plus jamais sorti.
Quelle
journée pour lui ! Le Brave avait été
Pour
la première fois à l’étranger.
On
l’imagine avec ses grosses bacchantes,
Avec
ses médailles, son casque et sa lance,
Une
fois sur les boulevards, Mec !
Une
fois à Paris, Mec !
Entre
au sud, le Hanovre et au nord, la Franconie,
L’horizon
se rétrécit.
Peu
s’en vont de la maison
Et
presque personne dans le monde.
J’aimerais
qu’au lieu des chemins du Brandebourg,
Les
employés en masse fassent un tour
Sur
les boulevards, une fois, seulement !
À
Paris, une fois, seulement !
Là-bas
dehors, nul ne se soucie
De
votre chef de convoi ;
Vous
pouvez crier hiphip et hourra :
Le
monde continue tranquille.
Les
peuples vivent. La joie rit.
Nous,
on traîne derrière.
Ce
qu’on fait en cachette ici,
Ça
sera découvert.
Aux
juges, aux bonzes, oui, jusqu’à
M.
Hitler, je dis comme ça :
Va
une fois sur les boulevards, Mec !
Va
une fois à Paris, Mec !
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