mardi 1 janvier 2019

LA CHANSON DU CACHALOT


LA CHANSON DU CACHALOT

Version française – LA CHANSON DU CACHALOT – Marco Valdo M.I.2019
Chanson italienneLa canzone del capodoglioLa Fabbrica dei Pesci Rossi2011
Écrite par Maggi et Marchitelli










Pour tous ceux qui, comme moi, célèbrent le cachalot et non le Nouvel An…


Dialogue halieutique

En fait, à quoi elle te fait penser cette chanson du cachalot ? Dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, toi qui viens de la mettre en français ?

À vrai dire, Lucien l’âne, ta question est vraiment pertinente, car cette chanson m’a fait tout d’abord penser à « Bella ciao ».

À « Bella Ciao » ?, dit Lucien l’âne. Là, vraiment, je suis surpris et j’aimerais quand même un mot ou deux d’explication.

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, j’y ai immédiatement pensé rien qu’à voir le début du texte. Compare le premier vers de chacune des chansons : « Stamattina mi sono alzato, » (Bella Ciao) et « Stamattina mi sono spiaggiato » (Capodoglio). Je suis persuadé que ce n’est pas là un hasard et qua la signification est évidente : les deux chansons sont unies par leur chant de résistance.

J’imagine que tu as raison, Marco Valdo M.I. mon ami. Mais je vois à ton œil luisant que tu as d’autres réminiscences en tête. Au fait, quelles sont-elles ?

Tout d’abord, eu égard au titre de la chanson et à ce qu’elle raconte – à première vue – la mort d’un cachalot, animal aquatique, j’ai pensé à La Pêche à la Baleine de Prévert :

« La baleine est sortie,
Asseyez-vous,
Attendez là,
Dans une quinzaine d’années, sans doute elle reviendra… »

Évidemment, ça ne pouvait manquer, dit Lucien l’âne, cette histoire de baleine après celle du cachalot, mais encore ?

Et puis, Lucien l’âne mon ami, animal marin pour animal marin, je me suis souvenu de La complainte du phoque que chantaient nos amis québecois de Beau Dommage.

« Ça ne vaut pas la peine
De laisser ceux qu’on aime
Pour aller faire tourner
Des ballons sur son nez »

Note que ça, ça se discute ; il vaut peut-être mieux faire tourner des ballons sur son nez que de … etc., il y a tant de choses qu’il vaut mieux ne pas faire.

Certes, Marco Valdo M.I. mon ami, la guerre par exemple. Et puis, tu en as encore à proposer de tes réminiscences, qui sont choses inévitables dans la chanson ?

Là, Lucien l’âne mon ami, le chemin est un peu plus long et plus tortueux. Il me faut te ramener au sens général de cette canzone, c’est-à-dire à la mort du cachalot et ce qu’elle incarne, la mort du monde marin, la mort du vivant sur Terre – en tout cas, en ce compris, par ricochet, de l’humanité. Comme tu l’as peut-être entendu, dernièrement, on trouve de plus en plus de poissons et de cétacés et d’autres animaux marins, morts sur les plages, le ventre plein de plastique. C’est là que j’ai dérivé vers Léo Ferré et sa prophétique chanson Le Temps du Plastique, qui date – rends-toi compte de 1959, soixante ans et qui disait alors déjà :

« Il est peut-être pas trop tard
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard…
Trop tard… »

Cependant, même si Les temps changent comme le pensent les optimistes quelque peu béats et crédules, les temps sont (de plus en plus) difficiles, jusqu’à la disparition des temps, résultant de celle des horlogers.

« Maintenant Van Gogh vaut des millions,
Gauguin se vend mieux que du cochon.
Rien n’a changé on tourne en rond
Et dure dure ma chanson,
Le temps que je me marre. ».

Ah, Léo, toujours Léo, dit Lucien l’âne. Tu n’aurais pas un petit Vian à proposer, des fois ?

Évidemment, dit Marco Valdo M.I., et quel Vian, Je voudrais pas crever que j’entends encore avec la voix, la voix inoubliable de Pierre Brasseur, qui joue pour la cause le héraut :

« Je voudrais pas crever,
Non monsieur, non madame,
Avant d’avoir tâté
Le goût qui me tourmente,
Le goût qu’est le plus fort.

Je voudrais pas crever,
Avant d’avoir goûté
La saveur de la mort. »

Tout compte fait, sentencie Lucien l’âne, c’était peut-être ce que pense le cachalot ou la baleine quand il vague entre les vagues. Il faut finir, alors je m’en vais conclure un peu abruptement, mais il le faut. Oh, cachalot, cache-toi dans l’eau et ensemble, tissons le linceul de ce vieux monde assassin, pestiféré, pestilentiel, criminel et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Ce matin, je me suis échoué sur une plage.
Pour m’enfuir, je n’ai pas de jambes
Et le sable, ce n’est pas la mer,
Pas la mer.
Depuis des jours, je nage dans le vide.
La mer s’écrase sous les grandes ombres
Et j’ai une énorme peur,
Énorme peur.

Un grondement a brisé la paix,
Des bulles blanches envahissent la mer,
Maintenant, dans la mer,
Je pourrais me noyer.

Ce matin, j’ai mangé une pomme,
Ce matin, j’ai mangé une pomme,
Avec le ver, avec le ver.
Je suis le ver.

J’ai avalé vos distractions,
Les ersatz que vous avez créés,
Du fer et des additifs, le verre en tessons
De vos festivités.

Depuis des jours, je nage dans le vide
Et le rivage est soudain proche.
En un instant, je te sens
Distant.

Je suis fatigué et la vague de la mer
Pour lui faire un câlin d’hiver
Caresse ma peau.
Telle est la fin d’un cachalot.

On mange tous des pommes,
On mange tous des pommes,
Avec des vers, avec des vers :
Nous sommes les vers.

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