L’Heure
de l’Hirondelle
Chanson
française – L’Heure
de l’Hirondelle
– Marco
Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 121
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – V, VII)
Ulenspiegel le Gueux – 121
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – V, VII)
Dialogue
Maïeutique
« L’heure
de l’hirondelle », en voilà encore un de tes titres, dit
Lucien l’âne. Je vais essayer d’en deviner le sens avant même
de connaître la chanson.
Voyons
voir, dit Marco Valdo M.I. en souriant.
Donc,
l’heure de l’hirondelle, dit Lucien l’âne, pour moi, a une
double signification. Soit, elle marque un début ; soit, elle
marque une fin. Car, si l’hirondelle annonce le printemps, elle
annonce aussi et en même temps, la fin de l’hiver.
Ça,
Lucien l’âne mon ami, tu as mis pile dans le mille – certains
ajoutent : Émile, comme aurait dit Rousseau. C’est vraiment le sens qu’il faut donner au titre.
Mais ce qui correspond aussi au rythme de ses transhumances, à ses
allers-retours migratoires, l’heure de l’hirondelle peut aussi
annoncer, comme tu le verras, le retour tant espéré de Calleken, la
femme de Lamme et le retour à la vie tranquille de
Lamme lui-même. C’est aussi pour ce fougueux pacifiste la fin de
la guerre, de la guerre de liberté, où tout bien considéré, il
avait déjà assez donné. À d’autres de prendre le relais ;
il y a un temps pour chaque chose. « Faut bien qu’on
vive ! ».
Mais
dis-moi, Marco Valdo M.I., que vient faire là le broer Cornélis ?
Ça
mérite au moins une explication, reprend Marco Valdo M.I. Ce frère
Cornélis, on l’avait déjà entendu prêcher
violemment contre les hérétiques. C’est un de ces
chiens de l’Église qui allaient de par les Pays semant la haine et
la discorde, justifiant au nom de Dieu l’occupation espagnole,
l’Inquisition, les placards, la torture et les bûchers. Ce bon
ecclésiastique avait également un autre but, c’était de
s’occuper – toujours au nom de Dieu – des femmes (de
préférence, jeunes et jolies) et de leur chasteté, y compris de
celle de femmes mariées, auxquelles il interdisait (Deus dixit) les
relations conjugales. Une chasteté qui ne pouvait être rompue
qu’entre les bras du serviteur de Dieu qu’était le père
Cornélis Adriaensen lui-même, en personne. C’était là une façon
catholique de récupérer le mouvement des béguines, femmes libres,
qui avait fortement tendance à échapper à l’Église et à sa
sainte Tutelle.
Oh
oui, dit Lucien l’âne, je me souviens de ces femmes qui vivaient,
en effet, assez librement en communauté. Il y en avait un partout en
Europe en ce temps-là. J’ai même souvenir qu’on en tortura et
qu’on en brûla un certain nombre sur les bûchers de
l’Inquisition, à l’égal des sorcières auxquelles souvent la
propagande catholique les assimilait. Aujourd’hui encore, il me
semble que chez les humains, les communautés de femmes libres et les
femmes libres ne sont pas en odeur de sainteté.
Certes,
Lucien l’âne mon ami, mais les femmes de la communauté de
Cornélis étaient fort peu libres et comme je te l’ai dit, elles
lui devaient des comptes sous l’espionnage de la confession et le
reste sous le mariage virginal avec Dieu, par l’entremise de
Cornélis, évidemment, puisque Dieu lui-même n’est pas équipé
pour la manœuvre. Cependant, et c’est important pour Lamme, le
frère félon – même s’il avait réussi à la dissuader
d’accepter encore les relations conjugales avec son bonhomme de
mari – n’a jamais pu exercer son paternel sentiment sur la
personne de Calleken qui, si elle s’était laissée embrigader dans
le chaste régiment de Dieu, si elle se soumettait aux questions de
la confession, n’a jamais accepté que le dodu moine lui mette la
main dessus.
Bien,
bien, dit Lucien l’âne, voilà qui a dû faire plaisir à Lamme.
Un
dernier élément à signaler, complète Marco Valdo M.I., ce sont
les adieux de Lamme aux Gueux, à Till, à Nelle ; avec ces
adieux s’arrête l’aventure et comme il est dit plus haut :
à d’autres de la poursuivre cette quête de liberté et de
tranquille existence.
Alors
donc, nous voici à la fin de la geste, dit Lucien l’âne. Cette
fin abrupte me rappelle celle qui attend tout être vivant et il me
revient à l’esprit – s’il l’a jamais quitté – ce
philosophe ancien qui disait en toute sérénité : « Il
n’y a rien à craindre de la mort » et aussi, ton presque
contemporain, Boris Vian qui écrivait, je cite de mémoire :
« Un mort, c’est bien. C’est complet.
Ça n’a pas de mémoire. C’est terminé. On n’est pas complet
tant on n’est pas mort. »
Maintenant,
dit Lucien l’âne, il me faut vraiment conclure encore. Tissons le
linceul de ce vieux monde trop catholique, trop religieux, menteur,
vicié et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Lamme
dit : « J’ai un grand dessein
À
l’égard de sa catholique Paternité.
Qu’on
garde en vie ce capucin !
Avec
soin, nous allons l’engraisser.
À
quelque temps de là, Lamme le pèse :
Trois
cent septante livres et demi.
Lamme
dit : « J’en suis fort aise,
Mon
grand œuvre s’accomplit.
« Ouvrons
la cage, le chapon est gras.
Il
est bien plus gros que moi,
Ses
joues tremblent comme gelée de cochon,
Sa
panse pend comme un vieux torchon.
Broer
Cornelis Adriaensen, le prêcheur,
Frère
Cornélis Vauriensen, le menteur,
Prêchait
aux filles la chasteté
Pour
être tout seul à en profiter.
Oh !
Oh Gueux marins ! Oh ! Équipage !
Oh !
Capitaine ! Je m’en vais maintenant.
Faites
engraisser ce moine en sa cage
Comme
une baleine, comme un éléphant !
Mon
hirondelle est revenue, elle est là !
Calleken
a soigné ma blessure,
Calleken
revient se blottir dans mes bras,
Calleken
a fui la religieuse luxure.
Tous
deux, demain, nous partirons
Ensemble
vivre la vie en bord de mer
Calleken
et moi, jusqu’au bout nous irons.
Puis,
elle et moi, nous dormirons sous la terre. »
Et
le frère Cornélis en colère s’écrie :
« Femelle
charnelle, fille d’Ève pervertie,
C’est
ta foi, c’est ton vœu que tu renies :
Sois
maudite et damnée par l’hostie !
Qu’en
ta bouche, le pain te soit cendre !
Que
sur ton sein, le soleil soit glace !
Qu’éternellement,
tu pleures, que toujours, tu souffres !
Tu
refusas mon paternel amour, je te chasse ! »
Lamme
chante et danse en levant les bras :
« Vive
Calleken, mon épouse fidèle, hosanna !
Adieu
les Gueux ! Adieu Till, adieu Nelle !
Adieu
la guerre de l’alouette, c’est l’heure de l’hirondelle ! »
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