jeudi 3 janvier 2019

L’Heure de l’Hirondelle


L’Heure de l’Hirondelle

Chanson française – L’Heure de l’Hirondelle – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
121
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
V, VII)





Dialogue Maïeutique

« L’heure de l’hirondelle », en voilà encore un de tes titres, dit Lucien l’âne. Je vais essayer d’en deviner le sens avant même de connaître la chanson.

Voyons voir, dit Marco Valdo M.I. en souriant.

Donc, l’heure de l’hirondelle, dit Lucien l’âne, pour moi, a une double signification. Soit, elle marque un début ; soit, elle marque une fin. Car, si l’hirondelle annonce le printemps, elle annonce aussi et en même temps, la fin de l’hiver.

Ça, Lucien l’âne mon ami, tu as mis pile dans le mille – certains ajoutent : Émile, comme aurait dit Rousseau. C’est vraiment le sens qu’il faut donner au titre. Mais ce qui correspond aussi au rythme de ses transhumances, à ses allers-retours migratoires, l’heure de l’hirondelle peut aussi annoncer, comme tu le verras, le retour tant espéré de Calleken, la femme de Lamme et le retour à la vie tranquille de Lamme lui-même. C’est aussi pour ce fougueux pacifiste la fin de la guerre, de la guerre de liberté, où tout bien considéré, il avait déjà assez donné. À d’autres de prendre le relais ; il y a un temps pour chaque chose. « Faut bien qu’on vive ! ».

Mais dis-moi, Marco Valdo M.I., que vient faire là le broer Cornélis ?

Ça mérite au moins une explication, reprend Marco Valdo M.I. Ce frère Cornélis, on l’avait déjà entendu prêcher violemment contre les hérétiques. C’est un de ces chiens de l’Église qui allaient de par les Pays semant la haine et la discorde, justifiant au nom de Dieu l’occupation espagnole, l’Inquisition, les placards, la torture et les bûchers. Ce bon ecclésiastique avait également un autre but, c’était de s’occuper – toujours au nom de Dieu – des femmes (de préférence, jeunes et jolies) et de leur chasteté, y compris de celle de femmes mariées, auxquelles il interdisait (Deus dixit) les relations conjugales. Une chasteté qui ne pouvait être rompue qu’entre les bras du serviteur de Dieu qu’était le père Cornélis Adriaensen lui-même, en personne. C’était là une façon catholique de récupérer le mouvement des béguines, femmes libres, qui avait fortement tendance à échapper à l’Église et à sa sainte Tutelle.

Oh oui, dit Lucien l’âne, je me souviens de ces femmes qui vivaient, en effet, assez librement en communauté. Il y en avait un partout en Europe en ce temps-là. J’ai même souvenir qu’on en tortura et qu’on en brûla un certain nombre sur les bûchers de l’Inquisition, à l’égal des sorcières auxquelles souvent la propagande catholique les assimilait. Aujourd’hui encore, il me semble que chez les humains, les communautés de femmes libres et les femmes libres ne sont pas en odeur de sainteté.

Certes, Lucien l’âne mon ami, mais les femmes de la communauté de Cornélis étaient fort peu libres et comme je te l’ai dit, elles lui devaient des comptes sous l’espionnage de la confession et le reste sous le mariage virginal avec Dieu, par l’entremise de Cornélis, évidemment, puisque Dieu lui-même n’est pas équipé pour la manœuvre. Cependant, et c’est important pour Lamme, le frère félon – même s’il avait réussi à la dissuader d’accepter encore les relations conjugales avec son bonhomme de mari – n’a jamais pu exercer son paternel sentiment sur la personne de Calleken qui, si elle s’était laissée embrigader dans le chaste régiment de Dieu, si elle se soumettait aux questions de la confession, n’a jamais accepté que le dodu moine lui mette la main dessus.

Bien, bien, dit Lucien l’âne, voilà qui a dû faire plaisir à Lamme.

Un dernier élément à signaler, complète Marco Valdo M.I., ce sont les adieux de Lamme aux Gueux, à Till, à Nelle ; avec ces adieux s’arrête l’aventure et comme il est dit plus haut : à d’autres de la poursuivre cette quête de liberté et de tranquille existence.

Alors donc, nous voici à la fin de la geste, dit Lucien l’âne. Cette fin abrupte me rappelle celle qui attend tout être vivant et il me revient à l’esprit – s’il l’a jamais quitté – ce philosophe ancien qui disait en toute sérénité : « Il n’y a rien à craindre de la mort » et aussi, ton presque contemporain, Boris Vian qui écrivait, je cite de mémoire : « Un mort, c’est bien. C’est complet. Ça n’a pas de mémoire. C’est terminé. On n’est pas complet tant on n’est pas mort. »

Maintenant, dit Lucien l’âne, il me faut vraiment conclure encore. Tissons le linceul de ce vieux monde trop catholique, trop religieux, menteur, vicié et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Lamme dit : « J’ai un grand dessein
À l’égard de sa catholique Paternité.
Qu’on garde en vie ce capucin !
Avec soin, nous allons l’engraisser.

À quelque temps de là, Lamme le pèse :
Trois cent septante livres et demi.
Lamme dit : « J’en suis fort aise,
Mon grand œuvre s’accomplit.

« Ouvrons la cage, le chapon est gras.
Il est bien plus gros que moi,
Ses joues tremblent comme gelée de cochon,
Sa panse pend comme un vieux torchon.

Broer Cornelis Adriaensen, le prêcheur,
Frère Cornélis Vauriensen, le menteur,
Prêchait aux filles la chasteté
Pour être tout seul à en profiter.

Oh ! Oh Gueux marins ! Oh ! Équipage !
Oh ! Capitaine ! Je m’en vais maintenant.
Faites engraisser ce moine en sa cage
Comme une baleine, comme un éléphant !

Mon hirondelle est revenue, elle est là !
Calleken a soigné ma blessure,
Calleken revient se blottir dans mes bras,
Calleken a fui la religieuse luxure.

Tous deux, demain, nous partirons
Ensemble vivre la vie en bord de mer
Calleken et moi, jusqu’au bout nous irons.
Puis, elle et moi, nous dormirons sous la terre. »

Et le frère Cornélis en colère s’écrie :
« Femelle charnelle, fille d’Ève pervertie,
C’est ta foi, c’est ton vœu que tu renies :
Sois maudite et damnée par l’hostie !

Qu’en ta bouche, le pain te soit cendre !
Que sur ton sein, le soleil soit glace !
Qu’éternellement, tu pleures, que toujours, tu souffres !
Tu refusas mon paternel amour, je te chasse ! »

Lamme chante et danse en levant les bras :
« Vive Calleken, mon épouse fidèle, hosanna !
Adieu les Gueux ! Adieu Till, adieu Nelle !
Adieu la guerre de l’alouette, c’est l’heure de l’hirondelle ! »

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