CHARLES
MARTEL RETOUR DE LA
BATAILLE DE POITIERS
2019
Version
française – CHARLES MARTEL DE RETOUR DE LA BATAILLE DE POITIERS –
Marco Valdo M.I. – 2009 – 2019
Chanson
italienne – Carlo
Martello torna dalla battaglia di Poitiers –
Fabrizio
De André
– 1962
Introduction
2009
Riccardo
Venturi avait fait une version de cette chanson dans un « françois
d’époque », enfin disons, une manière de grommelot
amélioré ; c’est une version très amusante. Celle, ici
proposée, est plus contemporaine ; j’ose l’espérer assez
distrayante.
On
a tous dans l’oreille la chanson du Roi Renaud et de son lugubre
destin : « Le Roi Renaud de guerre s’en revint portant
ses tripes dans ses mains… ». J’aime à penser que Fabrizio
connaissait ce destin du pauvre Renaud ; un destin de roi. Ceci
donne tout le sel à sa chanson « Charles Martel de retour de
la bataille de Poitiers », car – ainsi qu’on le verra –
Charles revint vainqueur en portant tout autre chose que ses tripes
dans ses mains. La donzelle l’apprit à ses dépens. De première
part, en étant contrainte de laisser Charles et son fameux marteau
honorer sa (disons) pudeur, à moins que ce ne fut son (disons)
postérieur ; de seconde part, en voyant l’ignoble séducteur
s’enfuir sans honorer sa dette.
Mais
il y a quand même une justice dans ce monde, il y a quand même une
morale dans la chanson : le roi penaud s’en alla finir sa
guerre dans les taillis – cul par-dessus tête – c’était bien
son tour.
Voilà
une vision moins glorieuse de Charles et de son marteau, duquel on
nous a tant rebattu les oreilles et cassé nos enfantines roubignoles
en de grands élans européoxénophobes.
Rappelez-vous,
en ces temps-là, on enfonçait la chrétienté dans nos têtes à
coups de marteau… Le fait-on encore aujourd’hui ? C’est à
craindre.
Cela
dit, ne vous mettez pas martel en tête avec tout ça, voilà une
chanson revigorante et rabelaisienne, dont tout un chacun se réjouira
hautement.
Ainsi
Parlait Marco Valdo M.I.
Dialogue
maïeutique – 2019
Avant
d’aborder notre conversation à propos de la chanson elle-même,
laisse-moi te faire remarquer, Lucien l’âne mon ami, qu’au temps
où j’avais fait la première version de cette chanson, je parlais
tout seul dans le désert ; tu ne m’avais pas encore rejoint.
Ah !
Combien de chansons, combien de version françaises, j’ai ainsi
ignorées, Marco Valdo M.I. mon ami ? Je suis bien conscient de
cette lacune et il me plaît de la combler en ta compagnie.
Je
te le dis en vérité, Lucien l’âne mon ami, le hasard, le sort,
les circonstances, toutes choses du genre font parfois bien de nous
ramener à certain moment de notre passé.
Je
te crois volontiers, Marco Valdo M .I. mon ami, mais, dis-moi
encore, que signifie tout ce préambule énigmatique ?
Rien
de fort mystérieux, Lucien l’âne mon ami, tu peux
me croire en cela aussi. Il s’agit tout simplement de ceci qu’un
mien ami, qui s’intéresse pour l’heure à l’histoire, celle
des historiens, pas celle des conteurs, car l’une n’a que de
lointains rapports avec l’autre, cet ami, donc, me
disait étudier le fameux épisode de Charles Martel à la bataille
de Poitiers et ce qui s’ensuivit ; un moment où d’aucuns
voient le fondement de l’Europe. Et à propos de
fondement de Charles Martel et pas seulement, tu verras que la
chanson ne manque pas d’y faire allusion. Cependant,
n’anticipons pas.
Certes,
dit Lucien l’âne, mais pourquoi donc l’Europe, Charles Martel et
ses successeurs n’auraient-ils pas de fondement ?
En
effet, c’est une bonne question, Lucien l’âne mon
ami, car de fondement, ils en ont besoin, rapport aux coups
de pied qu’ils méritent amplement d’y recevoir.
De
qui parles-tu ?, Marco Valdo M.I. mon ami.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, je t’imaginais plus perspicace. Oh,
je vois à ton clin d’œil que ton interrogation était encore une
de ces fleurs de rhétorique dont tu parfumes régulièrement nos
propos.
En
effet, Marco Valdo M.I. mon ami, j’avais parfaitement
saisi ce que tu entendais signifier, mais je te tendais la perche
pour que tu puisses développer ton point de vue.
Soit,
Lucien l’âne, nous parlons bien des lointains successeurs de
Charles Martel, lui-même fils et petit fils de
Pépin, tous Maires du Palais, tous gens de Meuse ; Charles
était né à Herstal dans le pays de Liège, ces ardents
thuriféraires de racines nationales, européennes et pour
tout dire, chrétiennes. Certains y ajoutent un brin de réminiscence
celtique. Friands de racines, ce sont les rongeurs de notre temps ;
ils ne déplacent qu’en bandes et la plupart du temps, armés –
parfois, jusqu’aux dents. Ils ont un goût excessif pour les
chemises
de couleur uniforme et pour toute sorte de signe de
reconnaissance. Tout comme Charles martel, ils sont les marteaux de
la civilisation, un concept assez fumeux dont ils
enfument le monde. Je dis le monde, car leurs pratiques, leurs haines
et leur tempérament se sont exportés ou ont été
imités dans le monde avec des variantes adaptées aux
religions, aux lieux et aux climats. Et
les plus grands pays, les plus peuplés ou les plus riches en sont
infectés. Mais on s’en tiendra ici aux
descendants directs de Charles Martel, ceux qui sévissent sur notre
continent.
Ça
fait déjà pas mal de gens, dit Lucien l’âne. Ils sont partout.
Mais dis-moi, la chanson ?
J’y
reviens, dit Marco Valdo M.I. ; c’est d’ailleurs le cas de
le dire, puisque c’est en discutant avec l’adepte de l’histoire
médiévale que m’est venue l’idée de reprendre ma version
française de cette chanson italienne que j’avais écrite en
janvier 2009, il y a tout juste dix ans. Je l’ai un tout petit peu
modifiée, rajouté une virgule, un point, une majuscule,
changé un mot, changé un temps, que sais-je ?, mais
c’est surtout l’occasion de remettre en avant cette superbe
chanson de Fabrizio De André, qui donne un éclairage particulier de
la « grande » victoire de Poitiers et qui la
redimensionne sans avoir l’air d’y toucher. Évidemment, comme
pour bon nombre de chansons, il faut aussi y écouter le
contre-chant, la signification profonde, celle qui n’est pas dite
explicitement et à laquelle précisément, il convient de réfléchir.
Certes,
dit Lucien l’âne, mais hors de toute cette réflexion, que se
passe-t-il vraiment dans cette chanson ? Que rencontre Charles
Martel au retour de la bataille et que fait-il de si remarquable ?
Vu
comme ça, Lucien l’âne, tu me pousses dans mes retranchements et
il me faut bien révéler l’indigne conduite du Charles frappeur.
En fait, le brillant guerrier avait des envies de soudard et croisant
une dame au bord de la route, le cavalier encore tout corseté sous
son armure, sent soudain croître une turgescence maligne et profite
de la circonstance pour lutiner la dame, qui n’en peut, mais. Elle
lui fait croire à sa fidélité pour monter le prix de la course et
finalement cède en le flattant plus encore du nom de roi, qu’il
n’est pas. Charles Martel n’a jamais été roi, comme sans doute,
tout le monde s’en souvient. Après l’intermède ludique, la dame
lui présente sa facture et Charles comme un malpropre tente de
s’enfuir sans régler la note. Mais sa grivèlerie n’aboutit pas,
car la dame le retient par sa manche et après moult récriminations,
obtient son dû. Furieux, il s’élance en catastrophe et finit dans
un buisson d’épineux au terme d’une pirouette ridicule, se
blessant finalement au fondement (de l’Europe, de la nation, de la
religion, de la chrétienté, de la civilisation, etc).
Ainsi
soit-il, conclut Lucien l’âne. Alors, tissons le linceul de ce
vieux monde chrétien, civilisé, enraciné, menteur, hâbleur et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien l’âne.
Le
Roi Charles de guerre s’en revient.
Accueilli
sur ses terres d’une couronne de laurier,
Au
chaud soleil du printemps angevin,
Scintille
l’armure du vainqueur de Poitiers.
Le
sang du Prince, le sang du Maure
Arrosent
le cimier de mêmes contours,
Mais
plus que des blessures corporelles,
Charles
ressent les affres de l’amour.
« Si
la guerre étanche chez le vainqueur
La
passion de la gloire et la soif d’honneur,
Elle
ne concède pas un moment pour faire l’amour.
Celui
qui impose la ceinture de chasteté
À
sa suave épouse, commet un geste bien lourd
Et
à la bataille, court le risque d’en perdre la clé. »
Ainsi
se lamentait ce roi chrétien.
Le
blé s’incline, les fleurs le décorent.
Le
miroir de la fontaine d’étain
Reflète
le fier vainqueur des Mores.
Quand
voici que dans l’eau débonde,
Admirable
vision, le symbole de l’amour.
Au
cœur de longues tresses blondes
Paraît
en plein soleil son sein nu.
« Je
n’ai jamais vu chose plus belle,
Jamais
je ne vis si jolie pucelle ! »,
Dit
le roi en descendant rapidement de selle.
« Hé,
chevalier, ne vous approchez pas,
D’autres
déjà jouissent de celle-là,
À
d’autres fontaines plus faciles, apaisez votre émoi. »
Surpris
de mots si décidés,
Charles
s’arrête en s’entendant ainsi moqué.
Mais
le jeûne pèse plus que l’honneur,
Tout
tremblant, le roi offre son cœur.
C’était
là le répertoire caché
Dont
use Charles dans les grandes difficultés.
À
la dame, il montre un grand nez
Un
visage de bouc, mais c’était Sa Majesté.
« Si
vous n’étiez mon souverain »,
Charles
dégage sa grande rapière,
« Je
ne cèlerais pas mon désir de fuir au loin,
Mais
puisque vous êtes mon seigneur, »
Charles
lève sa bannière.
« Je
dois vous concéder toute ma pudeur ».
C’était
un cavalier des plus vaillants,
Dans
cette passe d’honneur, il se redresse
Et
arrivé à l’acmé tout fringant,
Il
tente de remonter une fois encore.
Rapide,
la pucelle le harponna
Et
présente ses honoraires à son seigneur :
« C’est
bon que vous êtes le roi,
Cinquante
mille, c’est un prix de faveur. »
« C’est
pas Dieu possible, nom d’un chien,
Qu’en
ce royaume, toutes les aventures
Se
déroulent avec de grandes putains !
Même
sur le prix, il y a à redire. Pour sûr,
Je
me souviens très bien qu’avant mon départ,
Les
tarifs étaient inférieurs à trente mille patards ».
Cela
dit, comme un grand saligaud,
D’un
bond de lion, en selle, il fait un saut.
Et
fouettant son cheval comme un bourricot,
Le
roi s’étale dans les glycines et le sureau.
Le
Roi Charles de guerre s’en revenant
Est
accueilli sur ses terres d’une couronne de laurier.
Au
soleil d’un chaud printemps,
Scintille
l’armure du vainqueur de Poitiers.
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