mardi 20 novembre 2018

Sus au Trésor de Guerre


Sus au Trésor de Guerre

Chanson française – Sus au Trésor de Guerre– Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
109
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, XIII)



Dialogue Maïeutique

En ce temps-là, Lucien l’âne mon ami, Lamme attendait sa mort sur la potence et maudissait ses bourreaux. Avec Till et Nelle, il marchait au supplice en portant sa bedaine en colère. C’est le point de départ de cette chanson où le sort soudain bascule.

Bien sûr, dit Lucien l’âne, comme les personnages de légendes ne peuvent mourir aussi banalement, Nelle, Till et Lamme ne mourront pas cette fois-ci ; ils ont le destin de mourir tranquillement un jour lointain dans la paix des Pays libérés. Ou peut-être, ne mourront-ils jamais comme tous les gens de cet autre monde d’où toi-même, tu es issu.

Et toi aussi, reprend Marco Valdo M.I. un peu songeur. À propos de personnages de légendes, il m’est venu à l’esprit que le nom le plus approprié pour cette histoire de Till et consorts serait « La Chanson de Till ou la Geste de Liberté », ce qui la replacerait dans le courant des grandes chansons des trouvères et renouerait avec le fil interrompu. Par la même occasion, on redonnerait à la chanson – canzone, cantone… – sa vraie dimension.

C’est une bonne idée, répond Lucien l’âne. Donc, nos personnages, nos héros – osons le mot – marchent à la mort et puis, que se passe-t-il ?

La nuti tombe et dans la pénombre, soudain, arrivent « au galop » les renforts des Gueux qui avaient été longtemps empêchés par les circonstances ; ils déboulent à cette dernière extrémité (du moins pour Nelle, Till et Lamme ; pour les pendus et les décapités, c’est trop tard) comme le tonnerre brise la cuirasse des nuages. C’est un véritable coup de théâtre et pour les soldats espagnols bien campés dans leur récente victoire, c’est la surprise : le massacre change de camp. Pour l’armée du ducaillon Frédéric, digne fils du duc d’Albe, c’est la débandade. Dans la foulée, la flotte des Gueux s’est dégagée et a repris la maîtrise des bouches du Rhin et de la Meuse, le contrôle de cet enchevêtrement de mer, de lacs et de canaux.

Lors donc, si je comprends, dit Lucien l’âne, nos héros, qui sont des héros comme le sont les héros de bande dessinée ou comme du théâtre de Tchanchès ou les marionnettes de Toone.

Tu ne crois pas si bien dire, Lucien l’âne mon ami, car les marionnettes de chez Toone sont la descendance directe de celles qui naquirent à Bruxelles sous l’impulsion involontaire de Philippe II, le tyran espagnol qui avait fait fermer les théâtres pour éteindre les foyers de rébellion qui y couvaient ou qui auraient pu y couver. En conséquence, dans les rues sombres de Bruxelles, jaillirent comme des champignons après la pluie de petits théâtres clandestins où des comédiens toujours interdits donnaient leurs voix aux pouchenelles, qui sont les poupées de bois de ce théâtre en réduction. Et pour nos héros, il est temps de retourner sur leur navire où ce n’est que festin et ripaille. Et la fête est pimentée par l’arrive d’une flotte de Lisbonne, escortée parla marine du Roi d’Espagne. Une de ces armadas qui venait ravitailler et renforcer l’armée d’occupation. Ignorant les derniers retournements, cette flotte va se jeter dans l’antre des Gueux et ces derniers vont s’empresser de s’en emparer et de mettre la main sur un formidable trésor de guerre : un demi-million de pièces d’or ; de quoi poursuivre la lutte, sans compter les épices, le sucre, les armes, les munitions, la poudre…

Voilà une terrible aventure qui finit bien, conclut Lucien l’âne. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde corseté d’or et d’argent, avare, avide, arrogant et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Nelle, Till et Lamme marchent sans bruit.
Heure de mort dans la noire nuit,
Nelle dit : « D’autres délivreront les Pays. »
« Oh, ma douce, pourquoi m’as-tu suivi ? »

Les Espagnols baillent encore aux corneilles.
Par-dessus les blés, sonnent cliquetis
D’armes ; on entend mille cris,
Les arquebuses étincellent comme soleils,


« Vive les Gueux ! », ils arrivent en courant,
« Vive les Gueux ! », les piques en avant,
« Vive les Gueux ! », ils descendent au galop,
« Vive le Gueux ! », hache au poing, le coteau.

Sur les soldats que les torches éclairent
Et que la nuit noire méduse
Tirent, tirent les arquebuses
Mille et mille petits éclairs.

Tue ! Tue !, tombent les Espagnols,
Pris dans le cercle de fer et de feu.
« Pas de pitié pour ces guignols,
Guerre sans merci, Vive les Gueux ! »

Plus tard, sur la mer libre, les Gueux
Chantent aux mouettes les chants de liberté,
Chantent aux goélands les jours joyeux
Et le bonheur des Pays libérés.

Lamme descend à terre dans chaque port
Et ramène des vivres à foison :
Volailles, moutons, bœufs et porcs,
Pommes, carottes, haricots et salaisons.

Noces et festins sur les navires,
La senteur des sauces s’élève au ciel.
Une flotte de Lisbonne du large vire.
Pour le Gueux, c’est tout miel.

La flotte sans nouvelle ignore
Que les Gueux tiennent les ports.
Le combat s’engage ; après mille morts,
La flotte ibérique se rend au plus fort.

Et les Gueux de compter : joyaux, sucre,
Épices, muscade, girofle, gingembre ;
Réaux, ducats, cinq cent mille pièces d’or
Trésor de guerre : l’Espagnol paye le prix fort.

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