Le
Pont de Mons
Chanson
française – Le
Pont
de Mons
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 104
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, IX)
Ulenspiegel le Gueux – 104
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, IX)
Dialogue
Maïeutique
Sache,
Lucien l’âne mon ami,
si tu ne le sais déjà, qu’après le
mariage, la vie continue, pour Nelle et Till comme pour tous ceux qui
sont unis par cette vénérable coutume.
Qu’y
faire, dit Lucien l’âne en riant. Nul ne peut échapper à cette
dérive du temps, nul ne peut l’arrêter, même le plus heureux des
événements.
Si
je te dis ça, enchaîne Marco Valdo M.I., ce n’est pas que j’aie
la moindre intention de philosopher à propos de cette curieuse
habitude de se marier, mais simplement pour
faire le raccord avec le moment où la dernière chanson avait
laissés Nelle et Till. Donc, les aventures continuent et avec les
Gueux des Mers, Nelle, Till et Lame poursuivent la lutte contre la
présence espagnole et ses alliés ecclésiastiques. Je ne dis pas
catholiques, car il faut – comme le fait Till lui-même et comme le
fait le Prince de liberté – ici faire
la distinction entre d’un côté, les gens qui vivent dans les
Pays, qui peuvent être de telle ou telle confession ou sans
confession du tout, et donc en ce compris les « catholiques »
(généralement par tradition ou par habitude, mais gens
de mœurs pacifiques et peu soumis aux
idées et aux pratiques de l’Inquisition et
peu désireux de nuire à leurs voisins fussent-ils d’une autre
confession ou simplement, indifférents ou sans appartenance
religieuse ou athées) et de l’autre
côté, l’écrasante machine de domination qu’est l’Église
catholique.
Permets-moi,
Marco Valdo M.I. mon ami, avant d’en venir à la suite, juste une
petite remarque personnelle « à
propos de cette curieuse habitude de se marier ». Ne
l’as-tu pas pratiquée toi aussi ? À ce qu’il me semble, ce
fut bien le cas. Cela
dit…
Lucien
l’âne mon ami, là, je t’arrête à mon tour un instant pour te
faire remarquer que le fait de l’avoir pratiquée moi aussi fait
tout simplement que je peux parler d’expérience. En somme, je te
donne un avis d’expert.
Pour
cette matière, dit Lucien l’âne, je pense que les experts ne
manquent pas. Mais revenons à ta nouvelle chanson et à ce curieux
« pont de Mons ». De quoi s’agit-il ?
Tu
fais bien, Lucien l’âne mon ami, de recentrer l’attention sur le
pont de Mons, dont je m’empresse de te dire deux mots. Pour ce qui
est du pont lui-même, il s’agit d’un pont-levis, qui placé
par-dessus les douves, devant une des portes de la ville, permet
lorsqu’il est baissé l’accès à la cité et relevé, empêche
le passage. Donc, tu en déduiras facilement que Mons, ville
principale et chef-lieu du Hainaut, est à cette époque une ville
fortifiée, entourée de remparts et de douves, dont on trouve traces
encore aujourd’hui dans les boulevards circulaires qui l’entourent.
Il reste encore dans le vocabulaire « mémoriel » des
cités contemporaines cette expression « intra muros »
qui désigne le « centre ville ».
Dans
cette guerre de libération, comme on a pu le lire ici, il y eut pour
les Gueux sur terre tant de victoires et tant de défaites ; il
y eut un moment où s’accumulaient les victoires et puis, faut de
moyens, la révolte fut écrasée par les troupes espagnoles. C’est
alors que le mouvement des Gueux prit la mer.
La
victoire des Gueux de terre, si je peux les nommer ainsi, à Mons
était une prise capitale, qui fut rapidement contrariée par la
suite. C’était dans les débuts de cette longue guerre en l’an
1572. Elle montre toute l’étendue de cette guerre des Gueux qui
s’étendait sur un territoire qu’on pourrait appeler aujourd’hui
le cœur de l’Europe. J’avais déjà fait remarquer également
qu’il s’agit d’une épopée fluviale où apparaissent l’Yser,
la Lys, l’Escaut, la Sambre, l’Oise, la Meuse, le Rhin, l’Ems…
Et puisqu’il s’agit de Mons,
laquelle est située au confluent de la Haine et de la Trouille, on
les ajoutera.
Oui,
tout ça est bien intéressant, dit Lucien l’âne, mais quand même,
la chanson…
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, elle raconte l’exploit cavalier par
lequel les Gueux, conduits par Louis de Nassau, frère du prince de
Liberté, ont enlevé la ville aux Espagnols.
C’est un bond superbe d’un genêt sur
le pont qui se relevait et qui le rabattit et ouvrit ainsi la porte
de la ville aux Gueux. Le reste est chanté par Till (accompagné au
tambour par Lamme et au fifre, par Nelle) à la
demande des Gueux de mer, à la fin d’un repas de fête. Enfin, tu
remarqueras qu’elle est plus longue et n’a pas la même structure
que les autres chansons de la Légende, car j’ai repris
intégralement la chanson de Till.
Voyons
voir et tissons les linceul de ce vieux monde inquiet, inquiétant,
intolérant, fanatique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Till,
Lamme et Nelle, le joyeux escadron,
Aux
couvents reprennent le bien du pays
Que
par romaines momeries et processions,
Les
gens de l’Église au peuple avaient pris.
L’argent
ainsi récupéré
Donne
des armes à la liberté
Et
c’est droit de guerre
Pour
ceux qui n’en ont guère.
Lamme
ramène saucissons et jambons,
Volailles,
oies, dindes, poules, poulets et chapons
Et
après lui, au bout d’une corde ecclésiastique
Il
traîne les veaux et les porcs monastiques.
La
jubilation s’empare des Gueux de mer.
Et
dans la joie, ils requièrent au dessert
La
chanson du pont de Mons, la victoire ;
Till
chante ; Lamme et Nelle rythment l’histoire.
Le Pont de Mons
Le Pont de Mons
« Où
sont tes piétons ou les cavaliers ?
Ils
sont au bois, égarés, foulant tout :
Railles
sèches, muguets en fleurs.
Monsieur
du Soleil fait reluire
Leurs
faces rouges et guerrières,
Les
croupes luisantes de leurs coursiers ;
Le
comte Ludwig sonne du cor :
Ils
l’entendent. Doucement battez le tambour.
Au
grand trotton, bride avalée !
Course
d’éclair, course de nue ;
Trombe
de fer cliquetant ;
Ils
volent, les lourds cavaliers !
En
hâte ! En hâte ! À la rescousse !
Le
pont se lève… De l’éperon
Au
flanc saignant des destriers !
Le
pont se lève : ville perdue !
Ils
sont devant. Est-ce trop tard ?
Ventre
à terre ! bride avalée !
Guitoy
de Chaumont, sur son genêt,
Saute
sur le pont qui retombe.
Ville
gagnée. Entendez-vous
Sur
le pavé de Mons
Course
d’éclair, course de nue,
Trombe
de fer cliquetant ?
Vive
Chaumont et le genêt !
Sonnez
le clairon de joie, battez le tambour.
C’est
le mois du fin, les prés embaument ;
L’alouette
mont chantant dans le ciel.
Vive
l’oiseau libre !
Battez
le tambour de gloire.
Vive
Chaumont et le genêt ! Or ça, à boire ça.
Ville
gagnée !… Vive le Gueux ! »
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