Le
Mérinos
Chanson française – Le Mérinos – Georges Brassens – s.d.
Film sans paroles : Le Mérinos
Trio
Florimont – Le Mérinos - Christian
Guigard (chanteur et guitariste du Trio Florimont) a lui-même
mis en musique ces 14 textes dans l’esprit
de Brassens
Dialogue
Maïeutique
Avant
toute chose, Lucien l’âne mon ami, il faut préciser qu’il
s’agit d’une chanson inédite de Georges Brassens ; inédite
et sans musique, elle aurait pu rester dans les cartons, mais Jean
Bertola avait commencé le travail d’en sauver un
certain nombre ; et certaines (14, dit-on) étaient celles d’un
futur album que Tonton Georges, au parcours interrompu, ne put jamais
mener au bout. Certains artistes ont voulu et su sauver certaines
d’entre elles, sinon toutes, et ils en proposent des versions assez
différentes, mais toutes intéressantes. Je t’en propose deux, à
titre d’exemples : celle d’Eric Zimmermann et celle du Trio
Florimont. Mais au fait, cette chanson s’intitule : « Le
Mérinos ».
Oh,
dit Lucien l’âne, tout
émoustillé, une chanson de Tonton Georges et puis, en plus, une
chanson à propos d’un mérinos ! J’en ai rencontré moi des
mérinos au long de mes pérégrinations ; déjà au temps de
Sancho Pança. Laisse-moi te dire que le mérinos
est un animal charmant et pacifique, quoique assez cornu. Mais
que peut bien raconter cette chanson ?
Je
m’en vais te le révéler à l’instant, Lucien l’âne mon ami.
Pour comprendre ce qui a conduit Georges Brassens à chanter le
mérinos, il est nécessaire de se remémorer l’expression
populaire : « laisser pisser le mérinos » et ses
variantes : « laisse pisser le mérinos, laissons pisser
le mérinos, laissez pisser le mérinos », etc. Tout ça peut
se traduire par « Laisser le mérinos tranquille », le
mérinos étant en l’occurrence, l’image même du quidam, de
celui ou celle qu’on propose de « laisser en paix » ;
autrement dit, c’est une manière de dire métaphoriquement, qu’il
convient de « laisser tomber, laisser passer… »
Certes,
dit Lucien l’âne en se poilant, il est judicieux de laisser pisser
le mérinos, car quand ce cornu se fâche, il est très redoutable.
Je n’aimerais pas trop être la cible de la tête de ce bélier.
Entre nous soit dit, pas plus toi, que moi, ni personne, ni le
mérinos n’aime être dérangé à ce moment d’intime délivrance.
En
clair, il faut lui foutre la paix. Ainsi, Lucien l’âne mon ami,
cette chanson est en soi une chanson pacifiste et ce serait une bonne
raison de l’insérer dans ce recueil digital des Chansons contre la
Guerre ; mais elle ne se limite pas à ce message évangélique
ou apostolique, c’est tout comme. En prenant fait et cause pour le
mérinos qu’on accuse de polluer le Rhône et toutes les eaux de la
Terre, dont on fait un bouc émissaire, un sorcier à mettre au
bûcher, elle veut lui épargner cette mise au pilori.
Ah,
c’est très bien ça, dit Lucien
l’âne très sérieusement, car prendre le parti
du mérinos face à ses détracteurs, c’est pendre le parti de
l’humilié, de celui qu’on accuse d’être « le pelé, le
galeux d’où vient tout le mal » (Les
Animaux malades de la Peste )
et venir au secours de ce bon animal et par voie de conséquence, de
tous les animaux qui, j’ai le regret de devoir insister,
rigoureusement tous, pissent, pètent et polluent naturellement plus
encore. Figure-toi,
mon ami Marco Valdo M.I., qu’on accuse autant les vaches de trouer
la couche d’ozone en délestant dans l’atmosphère et au-delà,
leur panse douloureuse.
Parfaitement,
Lucien l’âne mon ami, mais la chanson se termine sur une note
rassurante que voici :
« Mais
calme, fier, serein, magnifique,
Tu traites tout ça par-dessous
La jambe. Et puis, baste ! Et puis, zou ! »
Tu traites tout ça par-dessous
La jambe. Et puis, baste ! Et puis, zou ! »
qui
démontre que de toutes ces incriminations, et comme l’« asino
bigio » de Carducci :
« Ma
un asin bigio, rosicchiando un cardo
Rosso e turchino, non si scomodò:
Tutto quel chiasso ei non degnò d'un guardo
E a brucar serio e lento seguitò. »
Rosso e turchino, non si scomodò:
Tutto quel chiasso ei non degnò d'un guardo
E a brucar serio e lento seguitò. »
le
mérinos, tout comme son frère le
chameau, le mérinos s’en fout.
Ce
qui je le proclame hautement, dit Lucien l’âne, est une position
d’une paisible sagesse philosophique, digne du grand Épicure. En
foi de quoi, tissons le linceul de ce vieux monde pincé, pressé,
stressé, passé, dépassé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Oh
non ! tu n’es pas à la noce,
Ces temps-ci, pauvre vieux mérinos.
Si le Rhône est empoisonné,
C’est toi qu’on veut incriminer.
Les poissons morts, on te les doit,
Bête damnée, à cause de toi,
Tous les abreuvoirs sont croupis
Et les poules ont la pépie.
Ces temps-ci, pauvre vieux mérinos.
Si le Rhône est empoisonné,
C’est toi qu’on veut incriminer.
Les poissons morts, on te les doit,
Bête damnée, à cause de toi,
Tous les abreuvoirs sont croupis
Et les poules ont la pépie.
C’est
moi qui suis l’enfant de salaud,
Celui qui fait des ronds dans l’eau,
Mais comme j’ai pas mal de culot,
Je garde la tête bien haute.
Car si l’eau qui coule sous les ponts
D’Avignon, Beaucaire et Tarascon,
N’a pas toujours que du bon
Mon Dieu ! c’est pas ma faute.
Celui qui fait des ronds dans l’eau,
Mais comme j’ai pas mal de culot,
Je garde la tête bien haute.
Car si l’eau qui coule sous les ponts
D’Avignon, Beaucaire et Tarascon,
N’a pas toujours que du bon
Mon Dieu ! c’est pas ma faute.
Plus
de naïades chevelues,
Et plus de lavandières poilues,
Tu fais sombrer sans t’émouvoir
L’armada des bateaux lavoirs.
Et le curé de Cucugnan
Baptise le monde en se plaignant
Que les eaux de son bénitier
Ne protègent plus qu’à moitié.
Et plus de lavandières poilues,
Tu fais sombrer sans t’émouvoir
L’armada des bateaux lavoirs.
Et le curé de Cucugnan
Baptise le monde en se plaignant
Que les eaux de son bénitier
Ne protègent plus qu’à moitié.
À
la fontaine de Vaucluse,
Plus moyen de taquiner les muses
Vers d’autres bords, elles ont fui
Et les Pétrarques ont suivi.
Si la fontaine de Jouvence
Ne fait plus de miracle en Provence,
Ne lave plus l’injure du temps,
C’est ton œuvre, gros dégoûtant
Plus moyen de taquiner les muses
Vers d’autres bords, elles ont fui
Et les Pétrarques ont suivi.
Si la fontaine de Jouvence
Ne fait plus de miracle en Provence,
Ne lave plus l’injure du temps,
C’est ton œuvre, gros dégoûtant
Oh
non ! Tu n’es pas à la noce,
Ces temps-ci, pauvre vieux mérinos,
On veut te mettre le fardeau
Des plaies de l’Égypte sur le dos.
On te dénie le sens civique
Mais calme, fier, serein, magnifique,
Tu traites tout ça par-dessous
La jambe. Et puis, baste ! Et puis, zou !
Ces temps-ci, pauvre vieux mérinos,
On veut te mettre le fardeau
Des plaies de l’Égypte sur le dos.
On te dénie le sens civique
Mais calme, fier, serein, magnifique,
Tu traites tout ça par-dessous
La jambe. Et puis, baste ! Et puis, zou !
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