dimanche 23 septembre 2018

BALLADE D’ESTHER JONAS


BALLADE D’ESTHER JONAS


Version françaiseBALLADE D’ESTHER JONAS – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson allemande – Ballade von der Hester JonasCochise – 1979
Paroles : Peter Maiwald
Musique : Pit Budde





La « Ballade von der Hester Jonas » est l’histoire d’Esther Jonas, connue comme la sorcière de Neuss, sage-femme, accusée de sorcellerie, torturée jusqu’à lui extorquer des aveux, elle fut décapitée et ensuite brûlée le 24 décembre 1635.
Les Cochise en font une rêveuse et une libertaire que le pouvoir s’employa à éliminer.


Dialogue Maïeutique

Une ballade, dit Lucien l’âne en souriant, moi, j’aime les ballades et encore plus, une ballade qui raconte l’histoire d’une femme. Et puis, une ballade étrangère, mise en langue française par tes soins, ça me fait toujours vibrer par avance, car je sais que j’y trouverai du mystère, de la poésie et tout un monde nouveau. Résumons : depuis toujours, j’aime les ballades, car ce sont des balades dans l’inconnu, dans la découverte, même si parfois, elles me racontent des histoires que j’ai déjà entendues lors de mes pérégrinations infinies. Mais autrement !

Voilà, réplique Marco Valdo M.I., une belle défense de la ballade et de l’art méconnu de la traduction, considéré comme l’art de la contrebande d’émotions et d’idées. Un art qui, par parenthèses, tend à abolir les frontières.

Cependant, reprend Lucien l’âne, je me demande qui est cette Esther Jonas et pourquoi un groupe musical plus ou moins contemporain (de la fin du siècle dernier) lui a consacré une ballade, il y a maintenant près de quarante ans. Sans compter qu’on pourrait aussi poser la question de savoir pourquoi les chansons mettent tant de temps à passer d’une langue dans d’autres. Ça m’attriste toujours et pour donner un premier élément de réponse, je suis sûr que sans les Chansons contre la Guerre, nous n’aurions jamais entendu parler d’Esther Jonas (Hester en allemand) et même, nous n’aurions – toi et moi – jamais fait de versions françaises de chansons et probablement, nous n’en aurions jamais écrites.

D’abord, Lucien l’âne mon ami, laisse-moi te dire quelques mots de ce groupe rock qui avait choisi de nom indien de Cochise. Cochise est un groupe de musique allemand de Dortmund qui de la fin des années 1970 à la fin des années 1980 s’est fait un nom avec des chansons Pop et Folksongs politiques. Il était populaire surtout sur la scène de la « gauche alternative » des nouveaux mouvements sociaux. Le groupe s’est nommé d’après Cochise, le chef de tribu apache Chokonen, né sous les Espagnols, mort sous les Étazuniens. Il vécut en Arizona de 1810 à 1872 et y mena une très longue guérilla et conclut une paix de résignation. J’invite tous les humains et à réfléchir à ses propos :

« Ce sont toujours les faibles qui perdent. Longtemps nous avons été les plus forts. Maintenant, nous sommes les plus faibles. Nous serons battus et nous mourrons, lentement si l’on réussit à nous enfermer dans des réserves, rapidement si l’on nous anéantit au cours d’une bataille. Puis ce sera votre tour. Après en avoir fini avec nous, vous vous tournerez vers d’autres peuples. Je suis certain que vous ne cesserez jamais de vous battre contre ces peuples qui sont sur des terres lointaines, de l’autre côté des océans et qui parlent des langues incompréhensibles. Serez-vous plus forts qu’eux ? Vous écraseront-ils ? Peu importe. Je ne sais qu’une chose : vous vous battrez sans répit. Partout où il y a des êtres vivants, la guerre est permanente. Nous autres Indiens, nous approchons de notre fin. La vôtre viendra aussi. Un homme fort rencontre toujours un homme plus fort que lui. »

Oh, oui, dit Lucien l’âne. On dirait qu’il raconte par avance l’histoire des Zétazunis et qu’il tente par avance de leur enseigner la sagesse et je ne suis pas sûr qu’il y soit parvenu. Et même, pour le moment, j’ai bien l’impression du contraire – à entendre le stupide slogan : « America first ».

Voilà donc pour Cochise, dit Marco Valdo M.I., et maintenant, je m’en vas te dire quelques mots à propos d’Esther Jonas. Elle a vécu, épileptique, en un temps où il ne faisait pas bon de souffrir du haut mal. Comme tu le sais sans doute, ce haut mal est l’épilepsie, une maladie liée au système nerveux. Mais par ignorance et superstition, on y voyait l’empreinte du diable, on y décelait la présence de l’ennemi de l’Ordre divin, on y trouvait je ne sais quelle sorcellerie et en finale, on exorcisait, on torturait et on brûlait le malade – déclaré sorcier ou sorcière. Dans le cas d’Esther Jonas, il faut y ajouter qu’elle était sage-femme, guérisseuse, naturopathe et avait un talent certain de conteuse. Bref, elle fascinait, on l’écoutait. Par ailleurs, son succès suscitait bien des jalousies et des calomnies. Et puis, un jour, comme toujours, les « autorités », le pouvoir pour satisfaire les superstitions en fit un bouc émissaire. On la chargea de mille phantasmes, on l’accusa d’hérésie et on la brûla après l’avoir pernicieusement torturée. Et c’est ce que raconte la chanson. Il ne te reste donc, Lucien l’âne mon ami, qu’à conclure.

Eh bien, Marco Valdo M.I. mon ami, concluons. Mais avant, il me plaît de rappeler notre antienne ancienne : « Dans la chasse aux sorcières, soyons toujours du côté des sorcières. » Dès lors, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde stupide, superstitieux, arrogant, croyant, calomnieux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Là-bas au Gnadental, un événement s’est produit
Qui a bien commencé et n’a pas bien fini.
Esther Jonas était la femme de Peter Meurer,
Elle avait un joli corps et de solides mains de meunière.

Ses jours étaient travail, ses nuits vides.
Esther avait tant et tant de rêves
Que le matin au bord de l’Erft, lavant le linge,
Elle contait aux femmes ses rêves.

« Il y avait un fleuve de vin,
Les arbres portaient le pain ;
Dans le verger, des cerises fleurissaient,
Qui même en hiver rougissaient.
Nul besoin d’épicier en charrette,
Nul besoin d’argent pour se vêtir,
Nul homme n’avait besoin de fuir,
Nul chemin n’était trop au large. »

Les femmes écoutaient le visage souriant
Les rêves d’Esther beaux et fort plaisants
Et au marché, malgré l’appel des marchands,
Autour de Jonas, s’assemblaient plus de gens.

« Les villes tomberont
Qui déjà peu riches sont.
Les pauvres abattront
Alors la richesse sans effort
Et il n’y aura plus de prince,
Ni d’évêque, ni de tsar
Et rien ne sera au matin encore
Tel qu’il était le soir ! »

Les hommes lui parlèrent à voix basse,
Les meilleurs dirent : « Esther, redescends sur Terre ! »
Sur l’herbe fraîche, affamés, ils vinrent la nuit quand même
Et réclamèrent les rêves d’Esther : « Aujourd’hui même ! »

Un matin, deux hommes de la ville vinrent,
Et devant un magistrat, Esther Jonas traînèrent.
Là, il fut question d’un dieu, là il fut question d’elle
Et des rêves qui rendent homme et animal malades.

Son cou fut brisé et ses jambes cassées.
La ville entière, tout le jour, retentit des cris d’Esther,
Qui reconnut sa faute d’une main déformée
Et cria encore ses rêves, jusqu’à tant que le feu la fasse taire :

« Les villes tomberont
Qui déjà peu riches sont.
Les pauvres abattront
Alors la richesse sans effort
Et il n’y aura plus de prince,
Ni d’évêque, ni de tsar
Et rien ne sera au matin encore
Tel qu’il était le soir ! »

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