Les Bœufs qu’on abat
Chanson
française – Les
Bœufs qu’on abat
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 92
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, I)
Ulenspiegel le Gueux – 92
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, I)
Dialogue
Maïeutique
Ça
alors ! dit Lucien l’âne, on dirait du Malraux. J’ai comme
le vague souvenir d’un livre qui fit fureur un temps dans certains
cénacles de France.
Certes,
répond Marco Valdo M.I., c’est le titre d’un livre où
l’écrivain André Malraux fait parler « le Général »
à la retraite, mais c’est surtout une citation de Victor Hugo,
dont je lis le passage, tiré du Tombeau de Théophile Gautier :
« Tout
penche et ce grand siècle, avec tous ses rayons
Entre en cette ombre immense où pâles nous fuyons.
Oh ! Quel farouche bruit font dans le crépuscule
Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule !
Les chevaux de la mort se mettent à hennir,
Et sont joyeux, car l’âge éclatant va finir… »
Entre en cette ombre immense où pâles nous fuyons.
Oh ! Quel farouche bruit font dans le crépuscule
Les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule !
Les chevaux de la mort se mettent à hennir,
Et sont joyeux, car l’âge éclatant va finir… »
Donc,
rendons au grand Victor Hugo, ce qu’il a signé de son nom :
Victor Hugo.
Oh,
Marco Valdo M.I., ça me rappelle ce récit de Riccardo Venturi dont
tu fis une chanson : Signé
Vittorugo.
Oui,
Lucien l’âne mon ami, et tu fis bien de l’évoquer, car elle est
vraiment drôle. De toute façon, ici ce sont es bœufs qu’on
abat ; c’est peut-être plus prosaïque, et du coup,
passablement, ironique ; car, c’est bien le sens – cette
ironie amère – de la réplique de la mystérieuse interlocutrice
que Till rencontre à l’auberge. C’est
de l’ionie d’insistance, car la belle inconnue se rend compte que
Till, plus préoccupé par ses manœuvres de courtoisie, n’entend
pas le ton grave de ses avertissements qu’elle ne peut énoncer à
voix haute, ni en clair au milieu de tous ces gens. C’est en
quelque sorte un message codé. Et tant pour les chênes d’Hugo
(1872), que pour les bœufs de la Légende (1867), la source doit en
être une expression populaire, une sorte de cliché dans le genre :
« il pleut comme vache qui pisse ». Cela dit, le message
– cette fois, grâce aux bœufs promis à la mort– est nettement
perçu et Till s’en va à l’instant faire passer discrètement
(la ville est déjà remplie d’ennemis) l’alarme. Il était
temps : « L’Espagnol arrive ! ».
« L’Espagnol ? »,
s’étonne Lucien l’âne, là-bas, tout en haut des Pays et même
hors des Pays, si j’ai bien compris où se situe Emden. Et puis,
dans la ville d’Emden, des Espagnols seraient vite repérés.
En
effet, Lucien l’âne mon ami, ta question
mérite un commentaire circonstancié, même si je n’aime pas
beaucoup ces explications de texte, qui sont le fait normal d’un
professeur, mais assurément pas d’un auteur. Autrement dit, c’est
bon que c’est toi ; sinon, je ne fais pas ça et pour une
simple raison, c’est qu’il revient au lecteur de chercher le sens
des choses ; c’est bon pour le mental et ça laisse place aux
mystères de l’art poétique. Et donc, revenons à la chanson, que
vient faire l’Espagnol à Emden. D’abord, il faut noter qu’en
disant « L’Espagnol arrive ! », Till n’a
pas besoin de
faire de longs discours et ce message bref est très parlant
et fort efficace. Quand on est Gueux, on ne se pose pas de question
avec un pareil signal, on file à son poste de combat. Maintenant,
est-ce que ce sont des Espagnols, ces soudards ?
Vraisemblablement non, ce sont probablement des mercenaires allemands
que les Espagnols payent pour chasser les Gueux. En finale, ça
revient au même : il va y avoir un affrontement. Alors, tous au
vaisseau, qui est toujours bloqué à quelques encablures de la rive
par les glaces et dès lors, ne peut s’échapper, ni échapper aux
troupes terrestres. Ce sera un étrange combat naval.
C’est
ce que j’allais dire, rétorque Lucien l’âne. Ce ne doit pas
être fréquent de tels combats. De plus, la situation est vraiment
dangereuse pour le navire qui ne peut manœuvrer.
Bien
sûr, dit Marco Valdo
M.I., il est très vulnérable et n’étaient son artillerie et ses
mousquets qui peuvent tenir l’ennemi à l’écart, ce serait
l’abordage tout de suite, avec l’avantage du nombre aux
mercenaires. Mais la chanson raconte tout ça et ce qui s’ensuit.
Elle raconte aussi le touchant moment où Lamme voit sa femme. Il ne
te reste plus qu’à conclure …
Eh
bien, conclut Lucien l’âne, tissons le linceul de ce vieux monde
mercenaire, militaire, belliqueux et
cacochyme
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Till
dit : « La mort vient comme un voleur ?,
Je
n’y comprends rien, je ne comprends pas.
Quel
est ce mystère, dis-moi, ma sœur ? »
Elle
dit : « Ils viennent, j’entends leurs pas. »
« De
qui sont ces pas ? De quel ennemi ? »
« Des
soudards, une bande de soldats du roi. »
« Mais,
dit Till, on nous traite bien ici. »
« Oui,
dit-elle, comme les bœufs qu’on abat. »
« Reste
là, dit Till, ne crie pas ni ne pleure ;
Je
m’en vais sauver nos gens. »
« L’Espagnol
vient ! », la voix court à l’instant
À
toutes les tavernes, à toutes les demeures
Tous
pressent l’allure et filent au vaisseau,
À
bord, on prépare vaille que vaille
Les
armes et la mitraille pour une bataille
Navale
sur la glace autour du bateau.
« Vois-tu,
Lamme, cette femme sur le quai,
Sa
robe noire d’écarlate brodée,
Sa
capeline blanche relevée
Qui
tient son visage caché ? »
Elle
découvre sa chevelure et son front,
Lamme
hurle : « Ma femme ! ».
La
dame fuit d’un grand trotton,
Au
grand dam de Lamme
Et
Lamme veut sauter du pont.
On
le retient, il pleure, il supplie.
« Si
tu quittes le bord, on te prendra la vie
Et
tu pendras comme à la ligne un poisson. »
« La
diablesse enragée !, se lamente Lamme,
Ma
femme, pourquoi ainsi se montre-t-elle ?
Si
elle m’aime, pourquoi me laisse-t-elle ?
Elle
me brûle pire que mille flammes. »
Alors,
avec son artillerie, l’ennemi arrive,
Alors,
autour du navire, les boulets plombent,
Alors
le vaisseau tiraille vers la rive,
Alors
vers le soir, une pluie tiède tombe.
Et
la mer se fâche sous la glace,
Et
soulève les blocs face contre face.
Et
à l’aube, le navire ouvre ses ailes de lin
Et
vogue vers la mer, libre dans le matin.