L’Abeille et l’Arc-en-Ciel
Chanson
française – L’Abeille
et l’Arc-en-Ciel–
Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 77
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXXV)
Ulenspiegel le Gueux – 77
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXXV)
Dialogue
Maïeutique
Si
tu as encore en tête La Vendeuse d’Amour, Lucien l’âne, mon
ami, je veux parler de la chanson, garde-la précieusement en
arrière-plan, en fond musical, car elle constitue la trame des
chansons qui viennent et pour commencer de celle-ci, même si son
titre ne paraît l’indiquer en rien.
Certes,
Marco Valdo M.I., l’abeille et l’arc-en-ciel n’ont apparemment
tien à voir avec la vendeuse d’amour.
Et
pourtant si, dit Marco Valdo M.I. ; je m’en vas te
l’expliquer. L’Abeille et l’Arc-en-Ciel sont, en fait, deux
auberges situées pas trop loin l’une de l’autre dans la même
ville. Elles sont cependant fort différentes à divers égards.
Comme tu le verras dans la chanson, l’Abeille est un relais du
réseau des Gueux et est une véritable auberge qui loge et nourrit
le voyageur. L’Arc-en-Ciel, par contre, est d’un tout autre genre
et n’a d’auberge que le nom et la façade. En fait, c’est un
bordel et c’est aussi un repaire louche, dont une des activités
principales est de piéger et de dénoncer les Gueux, les hérétiques,
les dissidents et de façon générale, tous ceux qui résistent au
pouvoir en place. Toute cette activité sournoise s’effectue
évidemment contre rétribution (primes et le cas échéant, une part
des confiscations) et contre des protections.
Tout
ça n’est pas très propre, dit Lucien l’âne. En somme, ce lieu
sordide est une nasse pour les poissons trop libres ou trop épris de
liberté.
Exactement,
répond Marco Valdo M.I. ; et comme dans toutes les sociétés
civilisées où un pouvoir tend à se perpétuer et à imposer des
convictions, il y a une police politique (ou religieuse, dans le cas
présent, s’agissant de l’Inquisition) qui organise la chasse à
l’opposant ou au simple récalcitrant et comme dans toute chasse,
il y a des pièges et des rabatteurs. Ce sont des sociétés glauques
qui diffuse une odeur peu ragoûtante.
C’est
évident, dit Lucien l’âne, mais que raconte la canzone ?
Pour
les détails, je te les laisse découvrir en découvrant la chanson,
poursuit Marco Valdo M.I. ; en résumé, Lamme va chercher sa
femme à l’Arc-en-Ciel et ne la trouve pas ; Till va chercher
l’aventure en ville et la trouve en la personne gracieuse d’un
fantôme musicien qui l’attire à l’Arc-en-Ciel. Ce spectre,
c’est la Vendeuse d’Amour, c’est Gilline, la plus belle fille
de l’endroit. Avec cette chanson, la souricière semble atteindre
son but : Till et Lamme sont enfermés dans la cage dorée. On
ne connaîtra la suite que dans la chanson suivante.
Oh,
dit Lucien l’âne, voilà qui donne des palpitations, qui mijote
des impatiences, qui titille la curiosité. Je parie même que tu
n’as pas encore écrit cette suite ; ma parole, on dirait de
la chanson-feuilleton. À mon idée d’âne, il s’agit d’un
nouveau genre, qui intègre la chanson courte contemporaine et la
chanson longue des aèdes et des poètes. Enfin, nous ne sommes pas
là pour théoriser les choses, alors, reprenons notre tâche et
tissons le linceul de ce vieux monde vénal, suspicieux, faux et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L’auberge
se nomme À l’Abeille.
L’aubergiste
en entendant l’alouette
Sort,
fait le coq qui s’éveille
Et
salue d’un signe de tête.
L’hôte
offre le repas : dinde et bière.
Il
remet l’argent pour la guerre
Et
avise Lamme et Till :
« Les
espions du roi veillent en ville. »
À
l’Arc-en-Ciel où sont les dames,
Lamme
s’en va chercher sa femme.
Till
dit : « Si tu veux rester sur terre,
N’oublie
pas de te taire ! »
Till
s’en va visiter la ville.
Une
viole aguiche son oreille.
Dans
une ruelle tranquille,
Un
spectre blanc le surveille.
La
silhouette opale joue et chante.
Elle
va, elle vient, elle tente.
Till
la rattrape et la belle mutine
L’entraîne
chez Stevenine, sa baesine.
À
l’Arc-en-Ciel, où règne Stevenine,
Lamme
boit avec deux demoiselles
Au
bras droit orné d’une rouelle
Qui
atteste de leur état de coquines.
Lamme
l’appelle et tout bas épelle :
« Ta
donzelle, espionne ; espionne, la maquerelle.
Écoute
bien, happe chair céans :
Deux
dehors, quatre dedans ».
Arrive
le patron de l’Abeille et sept coquins.
Au
coq répond l’alouette printanière.
« Battons-nous »,
dit Till. Tout soudain,
Il
roule avec Lamme à terre.
« Qui
sont ces deux hurluberlus ? »
Demande
le baes à la baesine.
« Ce
sont des malotrus inconnus.
Aidez-moi
à calmer cette vermine ! »
« Qu’il
ose seulement ! », dit Till moqueur.
Le
baes serre Till contre son cœur
Et
lui glisse : « Je suis votre sauveur.
Il
faut fuir la ville sur l’heure ! »
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