La Vengeance
Chanson
française – La
Vengeance
–
Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 73
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIX)
Ulenspiegel le Gueux – 73
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIX)
Le prévôt Spelle et ses happe-chair. |
La
Vengeance, dit Lucien l’âne. Je me demande bien laquelle, mais je
suis certain qu’il doit s’agir d’une histoire terrible, d’une
affaire de vie et de mort.
De
vivants et de morts plutôt, dit Marco Valdo M.I., et comme
d’habitude, tu as deviné juste. Enfin, presque ; c’est plus
qu’une affaire de vie et de mort, plus qu’une affaire, car la
vengeance ici est au moins double. Il y a en premier plan la vengeance
que Till exécute afin de punir le prévôt Spelle le Roux d’avoir
torturé et finalement fait mourir Michielkin, le frère de l’amie
de Till et en arrière-plan, mais très présente, la vengeance que
Till poursuit depuis la mort sur le bûcher de Claes, son père et
qui est au cœur même de la Légende, dont elle est un des moteurs.
C’est elle qui se cache sous l’antienne : « Les
cendres battent ».
Et
Till ne doit pas être le seul à sentir ce besoin, ce désir de
vengeance, dit Lucien l’âne.
Certes
non, réplique Marco Valdo M.I., ils sont très nombreux tout comme
sont très nombreux les bûchers et les crimes de l’occupant
espagnol et des gens de l’Inquisition. Il y a là une colère
générale qui s’alimente des tortures, des exactions, des exils et
des exécutions. Les flammes des bûchers attisent l’incendie
gigantesque qui progressivement s’étend au travers des Pays.
Tout
ça à cause de l’imbécile obstination des Grands d’Espagne et
la méchante rancœur de l’Inquisition, dit Lucien l’âne. Mais,
dis-moi, Marco Valdo M.I., que raconte la chanson ?
Oh,
Lucien l’âne mon ami, je te ferai grosso modo la réponse
habituelle. De façon générale, la canzone rapporte la manière
dont Till va opérer cette vengeance ; quant aux détails, on
les trouve dans la chanson. La seule chose que je veux ajouter, avant
de te laisser conclure, c’est ce nouveau rôle d’ange de la mort
ou de vengeur que Till remplit ici avec un certain brio. À ce sujet,
j’ai moi-même rencontré, il y a quelques années, un homme qui
avait – comme d’autres – joué ce rôle de vengeur, vers
1943-45, pour le compte de la Résistance.
Et
puis, Marco Valdo M.I., avant de conclure, il me plaît de rappeler
que tu as déjà tracé le déroulement d’une telle action dans ta
chanson « L’Homme
en gris », qui reprenait le thème de « Morto
sul selciato », une de ces chansons bilingues
français-italien. Maintenant, reprenons notre tâche et tissons le
linceul de ce vieux monde tyrannique, meurtrier, assassin et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L’âme
en peine vague Lamme,
Qui
se lamente par les rues de Gand.
Il
mange, il boit, il cherche sa femme
Et
vend des couques aux passants.
Till
vend ses osiers et ses ratières.
Till
tel un facteur porte des secrets à des inconnus,
Et
collecte les fonds pour la guerre.
Par
trahison, tout ce réseau sera un jour vendu.
Sur
sa haridelle, le prévôt Spelle le Roux,
Armé
de sa baguette rouge, sévit partout.
Il
porte partout échafauds, bûchers, fosses
Où
il enterre – vives – filles minces et grosses.
Les
jours de juin sont tristes et pluvieux ;
Les
temps sont difficiles pour les Gueux.
Sur
la route, Till rencontre Boelkine,
Une
fille libre qui l’accueille sous sa capeline.
Le
temps passe en amoureux ramages.
Spelle
le Roux arrive dans le village, aussitôt,
Les
roucouleux fuient l’odieux prévôt
Au
bourg voisin, à l’Étoile des Trois mages.
Boelkine
dit : « Spelle et ses happe-chair
Ont
pris et torturé mon frère.
La
gangrène a mangé ses pieds,
Il
est mort, il doit être vengé. »
Till
dit : « Les cendres brûlent en ma poitrine,
Je
vengerai ton frère, Boelkine
Et
Spelle le Roux, par le cou, sera pendu ;
Mon
cœur tout entier y est résolu. »
D’argile
modelé, peint et cuit
Till
fait de Michielkin, un masque mortuaire ;
À
ses amis, il donne rendez-vous la nuit ;
Le
curé même, il prie d’être témoin de l’affaire.
Spelle
rentre de beuverie à la mi-nuit.
Le
fantôme de Michielkin se dresse devant lui
Et
le force à avouer et dix-sept témoins et le curé
Entendent
Spelle de tant de crimes se dénoncer.
Au
duc, je vais l’accuser, dit le curé.
Mieux
vaut qu’il meure de la corde du bourreau,
Que
des mains d’un fantôme nouveau.
Spelle
le Roux pendu, le roi va hériter.
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