La grande Provocation
Chanson
française – La grande Provocation – Marco Valdo M.I. –
2018
Ulenspiegel le Gueux – 40
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XV)
Ulenspiegel le Gueux – 40
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XV)
Je
suppose, Lucien l’âne
mon ami, que tu
n’ignores pas
ce
que peut être une provocation. Disons pour fixer les idées qu’une
provocation au sens où l’entend la chanson, intitulée justement
« La grande Provocation », est une manœuvre secrètement
organisée par un pouvoir pour déclencher des troubles qui vont lui
permettre de justifier une répression en toute « légalité »
(laquelle au demeurant est la plupart du temps définie par ce même
pouvoir), si ce n’est aux yeux du même pouvoir en toute
légitimité.
Laisse-moi
d’abord te saluer, Marco Valdo M.I. mon ami et puis, il me semble
que cette autojustification est
à l’évidence un serpent qui se mord la queue. C’est
d’ailleurs une pratique fort ancienne, on en a des exemples dans la
plus haute Antiquité.
Je
n’en doute pas un instant, répond Marco Valdo M.I.. Elle était
une pratique courante dans le gouvernement des Tsars de Russie et
même, chez leurs successeurs. En ce qui concerne la chanson, on dira
que la provocation est une habitude usuelle chez les dirigeants
espagnols. Mais ne nous égarons pas, la grande Provocation dont
parle la chanson ne doit en aucun cas être comprise en référence à
des événements contemporains et qui plus est, une telle idée ne
nous est certainement pas venue en tête ; en fait, elle se
situe au XVIième siècle et plus précisément, à un 15 août d’il
y a environ 450 ans.
C’était
il y a longtemps quand même, dit Lucien l’âne.
Oui,
bien sûr, et rassure-toi Lucien l’âne mon ami, les choses ont
évolué. On ne fait plus ainsi de nos jours, du moins dans nos
régions. Les religions se sont calmées et c’est une bonne chose.
Cela dit, ce que raconte la chanson est un épisode d’une
provocation gigantesque et systématique qui va, comme souvent les
provocations, pousser les opposants ou les adversaires du pouvoir
à des actes de rébellion et
comme on a pu le voir encore récemment, l’accusation de rébellion
est considérée par le pouvoir comme très grave et lui permet de
disqualifier tout le discours et toute la politique de l’adversaire.
Donc, la provocation s’appuie toujours sur un mouvement authentique
et en lutte contre le pouvoir ; ici, on voit le mouvement des
iconoclastes en action. C’était un mouvement qui, comme une série
de mouvements religieux, sur l’idée qu’il est sacrilège de
représenter des figures humaines ou animales et qui avait débouché
sur la destruction des images et des statues par une minorité
calviniste. Un mouvement qui fut fortement amplifié de sorte à
permettre et justifier intervention militaire espagnole et entraîner
les événements qui eux-mêmes déclencheront la guerre de 80 ans.
J’arrête là, car ici, on ne fait pas œuvre d’historiens, on se
contente de raconter l’histoire de Till et de Lamme. L’événement
de la chanson, c’est la mise à sac d’une église d’Anvers, qui
sera prolongé par d’autres du même genre débouchant sur un
mouvement plus étendu. La chanson ne dit donc pas tout, elle est une
illustration, une sorte d’instantané, un tableau. En ce sens,
c’est une évocation.
Certes,
répond Lucien l’âne. Mais j’aimerais comprendre le rôle de
Till et de Lamme dans cette tumultueuse séquence.
D’abord,
reprend Marco Valdo M.I., nous savons que Till (principalement et
accessoirement, Lamme) est un agent secret du mouvement réformé et
indépendantiste vis-à-vis de l’Espagne, un agent secret des Gueux
et il parcourt les Pays pour sauver ce qui peut l’être de la furia
espagnole, bras armé du catholicisme le plus fanatique, qui se
prépare à déferler sur les Pays. Cependant, laisse-moi te le dire
dès maintenant, on verra à la fin que Till, c’est bien autre
chose. Till, c’est l’esprit
de liberté courant le monde et en cela, il
déborde le cadre de la
Réforme. En
effet, si la Réforme bouscule l’absolutisme et le monopole
catholiques, elle n’est qu’une étape dans la libération de
l’humaine nation par rapport aux religions, aux religieux et à
tout ce qui en découle.
Attendons
donc de connaître toute l’histoire de Till pour conclure.
Cependant, il nous faut poursuivre (hic et nunc) notre tâche et
tisser le linceul de ce vieux monde croyant, crédule, religieux,
meurtri et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Au
15 août, jour de Marie
Et
de la bénédiction des herbes et des racines,
Sourdes
aux appels du coq qui les prie,
Les
poules se couchent sous les glycines.
À
l’entrée d’Anvers, un Italien aux ordres du Chien rouge,
Brisa
le grand crucifix de pierre.
La
grande Procession de la Vierge, avec ses fous verts,
Passait
là en son cortège jaune et rouge.
Insultée,
moquée en chemin
Par
des groupes d’inconnus,
La
Procession fit demi-tour tout soudain
Et
rentra au bercail d’un pas soutenu.
Till
et Lamme se précipitent à l’église alors.
On
remise la Vierge en son chœur,
Des
gueulards, des claque-dents, des chahuteurs
Font
un grand tapage, inopportun en ce décor.
Ceux-là,
en ville, nul ne les avait jamais vus.
Ceux-là,
en ville, nul ne les vit jamais plus.
Till
dit aux hommes présents en l’édifice marial :
« Ces
loqueteux sont des agents du Cardinal ».
À
ceux-là, Till fit cette déclaration :
« Museaux
d’ânes, ce tintement qu’on entend
Sonner
en vos escarcelles, cet argent
Est
le prix de vos trahisons ! »
Et
les coquillards répliquent, raillant la Dame :
« Mieke
a une belle robe, Mieke a une belle couronne
Je
les donnerai à ma dame. »
Ils
frappent Till de coups qui résonnent.
Suite
au tumulte, le markgrave vint
Avec
ses sergents, au moins vingt.
Il
regarda faire et est reparti
Et
les vingt sergents aussi.
Les
inconnus encore crient à tue-tête :
« Sac
et délogement ! Au bon duc, le Brabant !
À
l’eau les saints de bois, faisons la fête !
Vive
le Gueux ! Au bon duc, le Brabant ! »
Till
et Lamme disent : « Gens de ville, bourgeois,
C’est
œuvre de traîtres. Ne saccagez pas !
Ne
pillez pas ! C’est grande Provocation
Et
le duc d’Albe viendra avec l’Inquisition. »
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