Cave Canem !
Chanson
française – Cave Canem ! – Marco Valdo M.I. –
2018
Ulenspiegel le Gueux – 41
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XV)
Ulenspiegel le Gueux – 41
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XV)
Tiens,
Marco Valdo M.I. mon ami, j’ai comme l’impression que te voilà
pris par le démon des séries, te voilà à faire des chansons
littéralement à la queue leu-leu et la question qui me turlupine
est de savoir jusque-z-où ? Jusque-z-à quand ?
Jusqu’où ?
Jusqu’à quand ? Ça,
Lucien l’âne mon
ami, je le sais, tu
le sais, tout le monde le sait ou peut le savoir en réfléchissant
un instant : jusqu’à la fin de l’histoire telle qu’elle
est contée
par la Légende. Mais j’imagine que ça ne répond nullement à ton
attente. À vrai dire, hors ça, je n’en sais rien, car à la
vérité, ces chansons, je les fais au fur et à mesure et en quelque
sorte, sur mesure ? j’avance page après page dans la légende
et je ne sais pas trop ce que réserve la page suivante. Peut-être y
aura-t-il de quoi faire une chanson, peut-être pas.
Je
te comprends, Marco Valdo M.I. mon ami, car à chaque jour suffit sa
peine et point n’est besoin d’avoir établi de grands plans pour
savoir qu’il y faudra encore des semaines et des mois. Si j’ai
bien compté, jusqu’ici, tu en as écrit une quarantaine et tu
serais arrivé
à peu près au milieu du gué.
Comme
je te l’ai dit, répond Marco Valdo M.I., je n’en sais trop rien,
parce que tout va dépendre de ce que le récit de Charles De Coster
me permettra de faire. Par exemple, on y trouve de nombreuses
anecdotes, venues tout droit du fonds des légendes allemandes du
Moyen Âge.
Des histoires où Till, Lamme et Nelle et Katheline et les autres
vivent des scènes de la vie privée, des moments ordinaires, certes
intéressants, mais qui n’apportent rien au récit de la lutte de
Till contre l’Inquisition, l’occupant espagnol et l’intolérance,
ni au récit de ses aventures comme porteur de l’esprit de liberté,
au personnage de Till comme ludion de la raison, comme précurseur
d’une humanité libérée des religions en tout genre.
Lors
donc, procédons et parlons de ce Cave Canem ! qui m’intrigue
beaucoup, dit Lucien l’âne. Si je n’ai pas oublié mon latin, ça
voudrait dire « Prends garde au chien ! » ou
« Attention au chien ! ».
Exactement,
Lucien l’âne mon ami. Ce « Prends garde au chien ! »,
qui figurait en
mosaïque devant la maison de patriciens romains,
s’adresse au voyageur, au visiteur. Maintenant, on se contente d’un
panneau plus prosaïque sur
lequel il est écrit : Chien méchant. Toutes ces formulations
conviennent pour la chanson, car le Cave Canem ! de la chanson
met en garde contre le Chien rouge, contre ce Cardinal Granvelle, qui
est à Bruxelles, l’âme damnée de Philippe II d’Espagne,
l’homme fort de l’oppression et de la répression du mouvement de
liberté qui secoue les Pays. Quant
au Duc qui « marche
sur les Pays du Nord », il s’agit de Fernando Álvarez de
Toledo y Pimentel, connu sous le nom de Duc d’Albe – un Grand
d’Espagne, celui-là, un personnage typique de la domination
espagnole quand
elle s’entête dans son orgueil et dans son catholicisme, quand
elle se trouve confrontée à un vent de liberté et à une volonté
d’indépendance.
Pour
les détails, tout se trouve dans la chanson.
Je
n’en demandais pas plus, Marco Valdo
M.I. mon ami. J’en sais assez à présent et nous pouvons reprendre
notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde obstiné borné,
répressif, intolérant, religieux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco
Valdo M.I. et Lucien Lane
En
la ville, on ne comprend pas pourquoi
On
détruit toutes les églises, toutes les chapelles ;
On
prend tous les flambeaux, toutes les chandelles.
En
criant « Vive le Gueux ! À bas le Roi ! »
Pourquoi
les malconnus venus d’ailleurs,
La
guenaille de la ville aussi,
Brisent
la grille du chœur
Et
tirent la Vierge hors de son nid.
Ils
crient « Vive le Gueux ! » et avant minuit,
En
l’église, tout est détruit :
Les
autels, les images, les peintures,
Abattues
les statues, brisées les serrures.
« Voyez,
voyez », dit Till,
« Qui
détruit, qui saccage. »
« Cherchez,
cherchez », dit Till,
« À
qui profite le pillage. »
« Larron
pillard, gentil larron,
Gracieux
vaurien, bélître stipendié,
Besogneux
sicaire, montre-moi ta commission,
Misérable
mercenaire, dis-moi qui t’a payé ! »
« Cave
canem : prenez-garde au Chien rouge !
Cave
canem : on a brisé le crucifix.
Cave
canem : le crime est commis.
Cave
canem : méfiez-vous du Chien rouge !
La
moisson a mûri,
La
moisson est mûre.
Les
faucheurs arrivent aux Pays,
La
désolation est sûre.
La
mer monte, la mer de vengeance,
Le
Duc, le Duc marche sur les Pays du Nord.
Fuyez
filles, femmes, fuyez tous cette engeance !
Le
père sema la mort, le fils fera pis encore.
Voici
le temps des ruines et des souffrances.
Aux
carrefours, sur les places poussent les potences.
Pauvres
gens, pour la paix, il n’est plus l’heure,
Fuyez
les bourreaux, fuyez les fossoyeurs. »
Till
partout sonne l’alarme,
Lamme
partout fait vacarme.
Par
milliers avec leurs chariots chargés,
Les
vieux, les jeunes, les enfants partent des cités.
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