Le Bois à brûler
Chanson
française – Le Bois à brûler – Marco Valdo M.I. –
2018
Ulenspiegel le Gueux – 39
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XII, XIII, XIV)
Ulenspiegel le Gueux – 39
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XII, XIII, XIV)
Plus
nous voudrons te mettre en garde,
Plus
tu voudras sauter par la fenêtre.
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Oui,
Lucien l’âne mon ami, on pourrait interpréter pareillement ce
titre, mais comme tu vas le voir, il n’est en rien un slogan de
scierie. Il s’agit de tout autre chose. Je m’en vais te situer
tout ça.
Après
avoir assisté à l’éprouvant spectacle du frère mineur
Adriaensen (qui
se terminait par Ainsi
soit-il !,
éructant contre les Réformés, les luthériens, les calvinistes,
les adamites, les anabaptistes, les libertins et que sais-je encore,
Till et Lamme s’en revont sur les chemins. Tout comme on les avait
vus sillonnant le Hainaut quelques temps auparavant, à Mons, à
Valenciennes, les voici arrivés à Gand. C’est Till qui mène le
duo toujours à la recherche des Sept, diffusant toujours le message
d’alarme, toujours avertissant les gens du danger qui les menace.
En
Hainaut, voilà qui m’intrigue, dit Lucien l’âne. Que se
passe-t-il là-bas ?
Tu
fais bien de le demander, répond Marco Valdo M.I., j’allais
justement te le dire. D’abord,
il me faut indiquer qu’en ce temps-là, le Hainaut, dit le Comté
de Hainaut ou de Hennau ou de Haynau ou encore autrement, était
l’ancien pays des Nerviens, une région à part entière, comprise
entre la Sambre et l’Escaut, entre le Cambrésis et le Namurois. On
y relevait notamment, les villes de Mons et Valenciennes, une région
où va bourgeonner assez tôt l’esprit libre, ferment de la
réforme. Il a d’ailleurs fallu qu’en Hainaut,
Marie de Hongrie et Marguerite
de Parme s’activent fort pour qu’on réprime les dissidents.
L’activité inquisitoriale n’y était pas trop bienvenue. Mais
finalement, on appliqua rudement comme ailleurs dans les Pays-bas ce
que Till appelle la « royale médecine », à l’efficacité
redoutablement létale.
Enfin,
pour la gouverne générale, on rappellera que le terme (bon)
chrétien désigne un
réformé ; le mot catholique désigne un catholique.
J’ai
suivi avec grand intérêt tes explications, Marco Valdo M.I. mon
ami, mais j’aimerais quand même aussi que tu m’éclaires à
propos de ce « Bois à brûler ».
En
effet, Lucien l’âne mon ami, tu as raison de me le rappeler ;
je l’avais perdu de vue. N’empêche, voici de quoi il s’agit.
La scène est la suivante : Till est couché à terre sur la
place du marché de Gand, il y a du monde, on regarde ce curieux
personnage qui, comme un éclaireur dans le western pose l’oreille
sur le sol pour entendre venir l’ennemi, ou sur le rail pour
écouter venir le train. Comme tu le devines, c’est une mise en
scène, une fausse pitrerie, un truc de saltimbanque pour éveiller
l’intérêt des gens, pour susciter leur curiosité et pouvoir
répandre le message d’alerte des Gueux, dont Till est un envoyé
secret.
Qu’entends-tu ?,
demandent les gens à Till toujours à terre. « J’entends
pousser le bois à
brûler les hérétiques. », c’est
évidemment une image, mais une image forte, qui frappe
l’imagination. Même si les bourgeois (les habitants de la ville)
le traitent de fou, le message est passé et s’est inscrit dans les
têtes. Et
puis, on le tient pour un pitre, ce qui permet à Till de poursuivre
sa route.
Eh
bien, merci, Marco Valdo M.I. mon ami, me voilà informé. Il est temps à
présent de reprendre notre tâche, car de la même façon que Till
nous avons à faire et il nous faut tisser le linceul de ce vieux
monde malade du pouvoir, pesant, lourd, étouffant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Las
de marcher, Till et Lamme
Se
reposent au bord du canal
Et
regardent passer hommes et femmes,
Hanche
contre hanche, un peu bancals.
Till,
triste sans Nelle, a soif ;
Lamme,
faux veuf, a faim.
Ils
cherchent une taverne
Et
finissent à la Blauwe Lanterne.
À
Gand le lendemain, Till mène grand tapage ;
Il
ameute la ville, il sème l’alarme.
Partout,
il crie « Aux armes ! Aux armes ! »,
Il
appelle les gens au courage.
Sur
la place, couché à terre,
Till
feint d’entendre une rumeur.
Que
guettes-tu ainsi à cette heure ?
Les
bourreaux de la terre des pères.
J’entends
pousser le bois à brûler les hérétiques.
J’entends
venir les gens d’arme ibériques.
J’entends
le pas des mercenaires du roi.
Il
est fou, disent les bourgeois.
L’autrefois,
en Hainaut, à Mons, à Valenciennes
Les
placards avaient déjà fait tant de tort.
À
Enghien, à Ghlin, à Avesnes,
Pour
les bons chrétiens, rode la mort.
Till
s’en va de taverne en taverne ;
Il
parle aux réformés,
Il
dit aux catholiques épris de liberté
Leur
avenir en berne.
Till
dit : « Quand on est bien portant,
Être
soigné contre son gré
Est
assez désolant
Et
ruine la santé. »
Les
placards et l’Inquisition
Ont
le grand dessein
De
faire l’œuvre saint
De
purger l’hérésie, de saigner la raison.
À
coups de canons souverains, de couleuvrines,
Nous
soignera cette royale médecine.
Riez
à présent, mais fuyez demain
Ou
soyez en armes quand sonnera le tocsin.
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