La Besace
Chanson française – La Besace– Marco Valdo M.I. – 2016Ulenspiegel le Gueux – 32
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, VII)
LAMME |
L’autre
jour, Lucien l’âne mon ami, je t’interpellais en te disant :
« Grande nouvelle, Lucien l’âne mon ami, Till
est revenu. Réjouissons-nous, gaudeamus, l’enfant terrible est de
retour. » Comme tu t’en souviens certainement,
la canzone, qui est ma manière de rappeler que
la chanson ne se limite pas aux chansons courtes et normalisées tant
prisées par l’industrie musicale et à celles de
l’ « entertainement » ( à ne pas confondre avec
l’enterrement, quoique…). Une industrie née et développée
grâce, à cause et avec le disque, lequel était (et reste) limité ;
limitation qui arrange bien son exploitation commerciale et par voie
de conséquence, l’exploitation des
auditeurs-spectateurs-consommateurs.
Évidemment,
Marco Valdo M.I. mon ami, comme toujours, l’intérêt du commerce
prime celui de la culture ; commerce et culture (contrairement à
ce que certains racontent) sont antagonistes. Malgré toutes les
apparences et malgré tous les discours, le commerce tue la culture.
En fait, le processus est simple : il l’étouffe
progressivement en l’enrobant d’une enveloppe graisseuse qui
enfle, qui s’enfle de ses profits et inversement.
Cela
va de soi, Lucien l’âne mon ami, puisque le but du commerce est de
faire du profit, d’assurer le bénéfice au commerçant –
nonobstant tout le reste et celui de la culture est d’offrir les
bénéfices de son action et de ses créations au
spectateur-auditeur-consommateur. Par ailleurs, qu’il y ait une
rétribution à l’artiste ou au créateur n’a rien
de gênant. Comme disent les barbeaux : « Faut bien qu’on
vive ! ». Tout ceci pour te dire que ces chansons
de Till vont se poursuivre l’une courant après l’autre et qu’on
va avoir le plaisir de retrouver notre héros dans ses aventures, car
c’en est un et c’en sont. Dans le fond, c’est une Odyssée,
c’est une épopée et elle n’a comme ambition que d’amuser les
gens le soir au coin du feu e camp ou de l’âtre. Rien à voie avec
les odieux bûchers de l’Inquisition qui firent rôtir tant de
braves et Claes le charbonnier, qui fut le père de Till.
Oui,
je me souviens, Marco Valdo M.I. mon ami, de l’agonie du
charbonnier et de la colère de Till et des tortures qu’on infligea
à Till et à sa mère à cause de traître catholique de poissonnier
et de la vengeance de Till et du canal enserré entre ses peupliers.
J’en suis encore meurtri. Maintenant, le retour de Till me sourit.
J’ai hâte de retrouver Lamme, Nelle, Katheline et les autres et
leurs exploits. Comme tu l’entends, Marco Valdo M.I. mon ami, j’ai
gardé l’esprit ouvert de l’enfant qui découvre le monde.
Tout
cela est bel et bon, Marco Valdo M.I. mon ami, mais ne nous rapproche
pas de la chanson, qui, comme je le vois, s’intitule « La
Besace », qui est ce sac qu’emportent avec eux le long des
chemins les pauvres et les vagabonds. Que raconte-t-elle ?
Elle
conte, l’ami Lucien l’âne, d’abord et tout au long, le chagrin
de Lamme désespéré de ne pas retrouver sa femme ; elle conte
la confrontation de Till, l’esprit libre, la semence de liberté,
avec le noble Hercule le buveur, alias Henri de Brederode, initiateur
du Compromis avorté, de l’invention de la Besace et de la révolte
des Gueux et de la guerre de libération qui s’ensuivit, toute la
guerre à venir est déjà annoncée ici. Et d’ailleurs, une des
caractéristiques de Till est cette capacité qui a comme Cassandre
d’annoncer les terribles événements du futur.
Ainsi,
Marco Valdo M.I. mon ami, nous retrouvons notre Till, vaillant et
joyeux et notre Lamme triste et amoureux comme
toujours. Pour moi, ces retrouvailles sont une pure joie ;
cependant, il nous faut reprendre notre tâche et recommencer à
tisser le linceul de ce vieux monde agité, oppresseur, obstinément
réactionnaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Till dit un matin :
Ami, allons saluer
Un puissant personnage redouté.
Me dira-t-il où est ma femme ?,
Gémit tristement l’homme Lamme.
Peut-être celui-là le sait-il,
Répond l’ami Till.
Brederode, l’Hercule buveur
Était en la cour de son hôtel.
Que veux-tu, Ulenspiegel ?
Vous parler, Monseigneur.
Parle alors, dit Hercule le buveur.
Till dit ainsi : Noble seigneur,
Votre médaille, jusqu’à la besace,
Est fidèle au roi qui nous menace.
Crois-tu vraiment cela ?
Nous ne manquons pas d’audace ;
Fidèles jusqu’à la besace,
Peut-être, mais pas au-delà.
Le roi Philippe en son gouvernement
Met trop de bûches et trop de chaleur.
Le vent tourne en son tourment,
Marmonne l’Hercule buveur.
Ce bourreau à la triste face
Se doit de respecter notre besace.
Et ma bedaine et ma flamme,
Lentement se lamente Lamme.
Buvons de ce coquemar,
Dit Brederode l’Hercule
Et Lamme sans aucun scrupule,
D’un trait du hanap vide plus que sa part.
Il faut excuser ce buveur,
Dit Till. Mon ami Lamme,
En buvant de grand cœur,
Croit retrouver sa femme.
Où allez-vous présentement ?
Chercher les Sept, nous allons.
Et si nous cherchions ma femme
Dans la Lune ?, dit Lamme.
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