jeudi 3 mai 2018

La Besace

La Besace

Chanson française – La Besace– Marco Valdo M.I. – 2016
Ulenspiegel le Gueux – 32

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, VII)


LAMME
L’autre jour, Lucien l’âne mon ami, je t’interpellais en te disant : « Grande nouvelle, Lucien l’âne mon ami, Till est revenu. Réjouissons-nous, gaudeamus, l’enfant terrible est de retour. » Comme tu t’en souviens certainement, la canzone, qui est ma manière de rappeler que la chanson ne se limite pas aux chansons courtes et normalisées tant prisées par l’industrie musicale et à celles de l’ « entertainement » ( à ne pas confondre avec l’enterrement, quoique…). Une industrie née et développée grâce, à cause et avec le disque, lequel était (et reste) limité ; limitation qui arrange bien son exploitation commerciale et par voie de conséquence, l’exploitation des auditeurs-spectateurs-consommateurs.

Évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, comme toujours, l’intérêt du commerce prime celui de la culture ; commerce et culture (contrairement à ce que certains racontent) sont antagonistes. Malgré toutes les apparences et malgré tous les discours, le commerce tue la culture. En fait, le processus est simple : il l’étouffe progressivement en l’enrobant d’une enveloppe graisseuse qui enfle, qui s’enfle de ses profits et inversement.

Cela va de soi, Lucien l’âne mon ami, puisque le but du commerce est de faire du profit, d’assurer le bénéfice au commerçant – nonobstant tout le reste et celui de la culture est d’offrir les bénéfices de son action et de ses créations au spectateur-auditeur-consommateur. Par ailleurs, qu’il y ait une rétribution à l’artiste ou au créateur n’a rien de gênant. Comme disent les barbeaux : « Faut bien qu’on vive ! ». Tout ceci pour te dire que ces chansons de Till vont se poursuivre l’une courant après l’autre et qu’on va avoir le plaisir de retrouver notre héros dans ses aventures, car c’en est un et c’en sont. Dans le fond, c’est une Odyssée, c’est une épopée et elle n’a comme ambition que d’amuser les gens le soir au coin du feu e camp ou de l’âtre. Rien à voie avec les odieux bûchers de l’Inquisition qui firent rôtir tant de braves et Claes le charbonnier, qui fut le père de Till.

Oui, je me souviens, Marco Valdo M.I. mon ami, de l’agonie du charbonnier et de la colère de Till et des tortures qu’on infligea à Till et à sa mère à cause de traître catholique de poissonnier et de la vengeance de Till et du canal enserré entre ses peupliers. J’en suis encore meurtri. Maintenant, le retour de Till me sourit. J’ai hâte de retrouver Lamme, Nelle, Katheline et les autres et leurs exploits. Comme tu l’entends, Marco Valdo M.I. mon ami, j’ai gardé l’esprit ouvert de l’enfant qui découvre le monde.

Tout cela est bel et bon, Marco Valdo M.I. mon ami, mais ne nous rapproche pas de la chanson, qui, comme je le vois, s’intitule « La Besace », qui est ce sac qu’emportent avec eux le long des chemins les pauvres et les vagabonds. Que raconte-t-elle ?

Elle conte, l’ami Lucien l’âne, d’abord et tout au long, le chagrin de Lamme désespéré de ne pas retrouver sa femme ; elle conte la confrontation de Till, l’esprit libre, la semence de liberté, avec le noble Hercule le buveur, alias Henri de Brederode, initiateur du Compromis avorté, de l’invention de la Besace et de la révolte des Gueux et de la guerre de libération qui s’ensuivit, toute la guerre à venir est déjà annoncée ici. Et d’ailleurs, une des caractéristiques de Till est cette capacité qui a comme Cassandre d’annoncer les terribles événements du futur.

Ainsi, Marco Valdo M.I. mon ami, nous retrouvons notre Till, vaillant et joyeux et notre Lamme triste et amoureux comme toujours. Pour moi, ces retrouvailles sont une pure joie ; cependant, il nous faut reprendre notre tâche et recommencer à tisser le linceul de ce vieux monde agité, oppresseur, obstinément réactionnaire et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Comme encore, Lamme était chagrin,
Till dit un matin :
Ami, allons saluer
Un puissant personnage redouté.


Me dira-t-il où est ma femme ?,
Gémit tristement l’homme Lamme.
Peut-être celui-là le sait-il,
Répond l’ami Till.


Brederode, l’Hercule buveur
Était en la cour de son hôtel.
Que veux-tu, Ulenspiegel ?
Vous parler, Monseigneur.


Parle alors, dit Hercule le buveur.
Till dit ainsi : Noble seigneur,
Votre médaille, jusqu’à la besace,
Est fidèle au roi qui nous menace.


Crois-tu vraiment cela ?
Nous ne manquons pas d’audace ;
Fidèles jusqu’à la besace,
Peut-être, mais pas au-delà.


Le roi Philippe en son gouvernement
Met trop de bûches et trop de chaleur.
Le vent tourne en son tourment,
Marmonne l’Hercule buveur.


Ce bourreau à la triste face
Se doit de respecter notre besace.
Et ma bedaine et ma flamme,
Lentement se lamente Lamme.


Buvons de ce coquemar,
Dit Brederode l’Hercule
Et Lamme sans aucun scrupule,
D’un trait du hanap vide plus que sa part.


Il faut excuser ce buveur,
Dit Till. Mon ami Lamme,
En buvant de grand cœur,
Croit retrouver sa femme.

Où allez-vous présentement ?
Chercher les Sept, nous allons.
Et si nous cherchions ma femme

Dans la Lune ?, dit Lamme.

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