Les Gueux
Chanson française – Les Gueux– Marco Valdo M.I. – 2016Ulenspiegel le Gueux – 31
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, VI)
Grande
nouvelle, Lucien l’âne mon ami, Till est revenu.
Réjouissons-nous, gaudeamus, l’enfant terrible est de retour.
Oh,
Marco Valdo M.I., c’est une grande nouvelle, en effet et elle me
réjouit. Mais, elle ne m’étonne guère, car connaissant
ce lutin de foire, ce feu-follet des grandes plaines sous la lune, ce
pèlerin pèlerinant, j’étais sûr qu’un jour ou
l’autre ou quelques ans, il reviendrait chantant, dansant, swanzant
tout son content.
C’est
ce qui s’est produit, Lucien l’âne mon ami, ce lutin de foire,
ce feu follet sous la lune s’était éwaré je ne sais où, vaguant
des bords du Rhin et Mayence à Bonn et à Cologne vers les terres
principautaires, remontant Meuse et Sambre, redescendant par
l’Escaut, on le signala à Mons, à Cambrai, à Tournai en Hainaut,
à Gand, à Bruges, à Anvers, puis dernièrement, il revint en
Brabant au moment où à Bruxelles se passa l’événement
que relate la chanson.
À
Bruxelles ?, Marco Valdo M.I. mon ami, mais que s’y passe-t-il
donc de si important ? Que peut bien raconter la chanson ?
Et qu’y fait Till ?
Elle
va te décevoir ma chanson, Lucien l’âne mon ami, car elle ne
comporte pas la moindre trace de Till, pas la moindre allusion à ses
aventures. En somme, c’est comme si Till n’était pas encore
revenu de son pèlerinage de pèlerin pèlerinant ou de son odyssée
de jeune homme ; disons que la chanson peut servir de prologue à
la résurrection du fils de Claes. Cependant, dans ce périple des
années 1500, aux pays de Till, les occupants espagnols, qui déjà à
l’époque étaient sous la houlette de souverains et de gouvernants
intolérants se font de plus en plus brutaux. Ils n’ont d’yeux
que pour les charmes moisis de l’Église de Rome et pour les
ardeurs de son Inquisition. De telle sorte que les gens des Pays-Bas,
un territoire assez vaste dont en ces années-là, l’étendue est
celle de l’actuel Benelux, additionné du Nord de la France,
ressentent assez mal cette occupation étrangère et les exactions
multiples qu’elle leur fait subir : impôts lourds,
répressions religieuses.
Oui,
Marco Valdo M.I. mon ami, j’imagine aisément ce qu’ils pouvaient
ressentir. Mais tout cela me semble assez éloigné de ce que
laisserait penser le titre de la chanson. Que vient faire cette
histoire de Pays-bas avec les gueux ?
Bonne
question, Lucien l’âne mon ami et voici même la bonne réponse.
Donc, la chanson raconte un événement particulier, connu sous le
nom de l’histoire du Compromis. Un compromis que les nobles des
Pays-Bas sentant monter la colère des populations viennent proposer
– en son palais de Bruxelles – à la Duchesse de Parme,
gouvernante des Pays-bas pour le compte de Philippe II, roi
d’Espagne. Par cette démarche, ils pensent pouvoir apaiser le
pays : il s’agit de réduire les impôts, de cesser les
placards contre les protestants, d’établir la liberté de religion
et d’écarter l’Inquisition. La pétition est portée en mains de
la gouvernante par 300 nobles. Le refus de ce compromis par le
pouvoir royal va déclencher la « Révolte des Gueux » et
dans la foulée, suite à la répression espagnole conduite par le
Duc d’Albe de sinistre mémoire, déclenchera la Guerre de 80 ans
(1568-1648) avec en finale, la partition des Pays-Bas. Ce qui, soit
dit en passant, établira grosso-modo et avec bien des vicissitudes,
les divers pays du Benelux. Pour le reste, en ce qui concerne, cette
journée particulière du Compromis, tout est dit dans la chanson.
À
propos de cette Guerre de Quatre-Vingts Ans, de son origine dans
l’absolutisme espagnol et de son résultat – la séparation des
régions du Nord et du Sud, je ne peux, Marco Valdo M.I. mon ami,
m’empêcher de faire le parallèle avec ce qui se passe dans
l’Espagne contemporaine, tant avec les Basques qu’avec les
Catalans. L’aveugle entêtement des élites espagnoles semble être
une tradition encore bien implantée.
Cependant,
voyons ce que raconte la chanson et recommençons à tisser le linceul
de ce vieux monde religieux, intolérant, borné, fanatique et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Nassau, Culembourg,
Brederode, Hercule buveurEt trois cents autres seigneurs
S’en vinrent à la cour.
Ils allaient de rang,
Quatre par quatre, en montant
Les marches du palais,
Serrant leur cortège au grand complet,
À Bruxelles, à ce moment,
Entourées d’hommes en armes
Était la duchesse de Parme,
Gouvernante de pays mécontents.
Les trois cents ainsi unis
Tête contre tête
Portaient une requête
Nommée compromis.
Ils voulaient à l’unisson
Des placards l’abolition,
La liberté de religion
Et l’expulsion de l’Inquisition.
Riches, pauvres, jeunes et vieux
Ces nobles parlaient pour le pays,
Berlaymont, conseil de la dame, dit
Voyez, Madame, ce sont des gueux.
On ne se gausse pas de la populace
Aussi grossièrement.
Un mot entraîne de grands tourments,
Le mépris a double face.
Être gueux au service du roi ?
Le sarcasme se rit de la grandeur.
Pour le bien des gens d’ici et là,
Être gueux est honneur.
Médaille d’or pendue au cou :
Avers : portrait du roi de face ;
Envers : deux mains en la besace.
Au chapeau, au bonnet, l’écuelle en bijou.
Les seigneurs allèrent
Tout partout en le pays,
Par les pauvres et les sans-terre
En gueux accueillis.
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