mardi 30 janvier 2018

Ogalla, Ogallala

Ogalla, Ogallala

Chanson française – Ogalla, Ogallala – Marco Valdo M.I. – 2018




Dialogue maïeutique



Oh la la, oh la la, Marco Valdo M.I. mon ami, quel titre est-ce là ? De quoi elle cause la chanson-là ?

Je me doutais que tu allais faire une pareille réflexion, Lucien l’âne mon ami et comme on peut l’imaginer, j’ai une réponse à te donner, dont j’espère qu’elle ne te décevra pas. En premier lieu, ce n’est pas « Oh la la Oh la la » le titre de la chanson, c’est « Ogalla, Ogallala ». Et ça change tout, même si je dois reconnaître qu’en écho, il y a bien l’expression que tu avances qui laisse entendre qu’il y aurait un drame qui se jouerait. Et pour un drame, c’en est un et un drame à rebondissements qui n’est pas près de finir. Venons en au fait : l’Ogallala du titre n’est la petite ville du Nebraska, à laquelle tu pensais certainement, mais une gigantesque nappe aquifère (Ogallala aquifer) d’environ 450.000 km², une superficie entre celle de la France : 543.000 km² et celle de l’Italie : 301.000 km². Cette sorte d’immense lac souterrain se situe au milieu des Zétazunis, sous les États suivants : Colorado, Dakota, Kansas, Nebraska, Nouveau Mexique, Oklahoma, Texas et Wyoming et de façon plus géologique sous Les Grandes Plaines, pays de la légende étazunienne qu’Yves Montand chantait : « Dans les plaines du Far West quand vient la nuit, les cow-boys près du bivouac sont réunis… ».

C’est toute la légende du western qui a déferlé sur le cinéma, dit Lucien l’âne. Un mythe patriotique lui, ce Far West. Comme on sait, il n’y a rien de plus nocif et de plus toxique que les mythes patriotiques.

Pour en revenir à la chanson, Lucien l’âne mon ami, il te faut savoir que l’aquifère Ogallala vivait tranquille sous le continent. Avant l’arrivée des colons, il gonflait ses réserves sous une steppe semi-aride où paissaient les grands herbivores, tout en alimentant des fleuves, des rivières, des lacs. Mais les fermiers sont arrivés et ont découvert cette immense, mais pas infinie, réserve d’eau et ils l’ont pompée afin de faire de ce semi-désert une des zones les plus productrices de céréales et autres nourritures destinées pour l’essentiel à l’élevage et in fine, à nourrir les troupeaux humains des grandes cités. Il en fallut toujours plus et on renforça les capacités de pompage, jusqu’à vider quasi-complètement l’Ogallala.

C’est terrible, dit Lucien l’âne. On aurait dû les prévenir.

C’est terrible, en effet, Lucien l’âne mon ami. Ce qui est terrible, c’est qu’ils sont prévenus depuis longtemps. Une première semonce avait été tirée vers 1930 – le Dust Bowl désastreux qui inspira diverses chansons à Woodie Guthrie et au-dessus d’Ogallala, la terre n’était plus alors qu’une étendue brune poussiéreuse. Le message d’Ogallala était clair ; on fit semblant de ne pas comprendre. On tira la conséquence qu’il fallait forer plus, plus profond et pomper, pomper pour arroser, arroser. On fit appel à des techniques et des équipements de forage plus puissants, plus efficients et on intensifia l’exploitation des terres. Les populations agglomérées autour de ce pactole augmentaient ; les villes réclamaient des montagnes d’eau pour leurs habitants et leurs entreprises. Entretemps, il fallut soutenir l’effort de guerre et ensuite, la nouvelle prospérité du monde momentanément pacifié. De fait, les résultats des grandes cultures furent meilleurs que jamais ; la prospérité s’installa dans les fermes et dans toute la région, qui fournissait le quart de l’alimentation du pays et exportait ses produits en grande quantité. Dès lors, on accrut encore l’exploitation, les crédits et les aides accélérèrent le mouvement et l’aquifère de plus en plus vite s’épuisait. On en est là à présent, même si les signes de l’épuisement commencent à devenir de plus en plus inquiétants et qu’en certains endroits, les forages doivent être abandonnés. Les tempêtes de sable sont revenues. Cependant, la canzone va plus loin.

Comment ça, plus loin, dit Lucien l’âne ?

Eh bien, la chanson envisage le futur et tire certaines conclusions en quelque sorte inévitables, même si on peut le retarder en important de l’eau…

Ah oui, comment et d’où ?, dit Lucien l’âne interloqué et fort sceptique.

Du Canada, du Québec, d’Alaska, répond Marco Valdo M.I., mais comment on ne sait pas encore. On envisage aussi de dessaler l’eau de mer, mais là, il faudrait l’énergie de nombreuses centrales nucléaires. Hors de portée aussi. Dans l’ensemble de la planète, on trouve d’autres régions où la guerre de l’eau va sans doute se produire, mais au-dessus d’Ogallala, les fermiers fuyant les banquiers auront déserté bien avant, ruinés. Il ne restera que les ruines d’un glorieux passé agricole : des fermes vides, des machines à pomper rouillées. Quant à l’aquifère d’Ogallala, comme les étoiles, il s’en fout ; il lui suffira de 6000 ans pour se remplir à nouveau.

Ainsi, dit Lucien l’âne, en cherchant la prospérité, l’homme creuse sa propre tombe et la planète et le reste de l’univers s’en fout. Il nous faut plus encore qu’à l’ordinaire, tisser le linceul de ce vieux monde exploiteur, avide, asséché et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane

Trois ères glaciaires,
Trois glaciations millénaires,
La neige, le gel, les longs hivers,
Les pluies sur la plaine entière
Ont comblé l’aquifère
Qui se meurt sous la terre.
Là-bas, sous l’Oklahoma.
Ogalla, Ogallala !

Sous la grande prairie
Où vivaient les bisons,
Où passaient les saisons,
Sous le soleil, sous les pluies,
À l’unisson de la plaine fleurie,
La nature chantait sa chanson
Là-bas au Kansas, au Nebraska
Ogalla, Ogallala !

Ogallala, fille de la pluie,
Dans l’immense réservoir
Sous la grande prairie,
S’étendait dans le noir.
Ogallala vivait en paix
Entre les roches en grès
Sous le Texas, sous le Dakota.
Ogalla, Ogallala !

Des fermiers l’ont trouvée,
Elle, le don du ciel,
Eau douce sous le soleil,
Les fermiers l’ont captée.
Ils ont vidé la source de vie
Qui meurt d’asphyxie
Sous au moins 8 états.
Ogalla, Ogallala !

Ogallala, l’eau douce,
Mille et mille pompes
Sucent ton sang clair
Plus encore aujourd’hui
Qu’hier,
Creusent de nouveaux puits
Et créent lentement un désert :
Texas, Kansas, Colorado, Oklahoma.
Ogalla, Ogallala !

Oh, dit le fermier,
Il n’y a plus assez d’eau à pomper.
Ah, dit le banquier,
Il faut quand même rembourser.
Oh, dit le fermier,
Il ne reste qu’à m’en aller :
Kansas, Texas et cetera.
Ogalla, Ogallala !

Chez toi, Ogallala,
La guerre de l’eau n’aura pas lieu ;
La poussière brune couvrira
Les champs longtemps luxurieux,
Les foreuses rouillées
Et les maisons au sable abandonnées :
Nouveau-Mexique, Wyoming, en triste état.
Ogalla, Ogallala !

Sur les paysages désolés des Grandes Plaines,
Pour retrouver une vie sereine,
Il te faudra six mille ans seulement
De pluies et de ruissellements
Pour te remplir à ras bords.
Les hommes seront peut-être morts
Et pour toi, la vie continuera.
Ogalla, Ogallala !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire