Version
française– JE TE REMETS
EN
LIBERTÉ – Marco Valdo M.I. – 2017
d’après
la version italienne (en italien courant) de Riccardo Venturi – In
libertà ti lascio – 2017
de
la chanson populaire milanaise du XIXe – Lombardo Milanese – « In
libertà ti lascio » – anonyme
Piazza della Vetra vers 1900
(n'est-ce pas la Rina en manteau rouge ?)
|
Et dit Nanni Svampa lui-même (in La mia morosa cara, Canti popolari milanesi e lombardi, Nuova Editrice, Lampi di Stampa, Milano 2007, 1a edizione 1981, p 148) : « Chanson parmi les plus belles et plus intenses concernant la « mala ». Le protagoniste, enfermé à San Vittore [grande et ancienne prison milanaise], revoit en rêve la scène au tribunal quand il a été condamné à vie. La protestation d’innocence revient souvent dans les chansons de prison des différentes régions d’Italie. Ici, il est intéressant remarquer le passage du dialecte à la langue dès qu’entre en scène le juge. Mais la conclusion tragique, le condamné la revit encore dans son dialecte : « mènell à San Vittór » (Emmenez-le à San Vittore). In libertà ti lascio est peut-être la chanson de « mala » la moins chantée et la moins trouvable dans les recueils. Même Frescura-Re [auteurs d’un recueil de chants milanais, ndr], qui ont compilé un recueil spécifiquement milanais, en citent seulement deux strophes dans l’introduction. Il faut cependant dire à propos de ce livre né en plein fascisme (1939) que toutes les chansons comportant l’un ou l’autre vers brûlants sont omises (comme celles de protestation sur les conditions de travail, par exemple). Imaginez celles sur la mala ! Certaines sont à peine citées, autres ignorées, puisqu’à ce moment, en Italie, il n’y avait ni délits ni délinquants, ni ghettos du milieu ! (La seule inoffensive « E con la cicca in bocca » – « Et avec le mégot à la bouche » a eu l’honneur d’être insérée en totalité). » Le soussigné ajoute enfin ceci : malgré l’interprétation d’Enzo Jannacci et d’autres, cette chanson doit absolument tout à Nanni Svampa. [RV]
Dans
le texte de la chanson, il est question de la Vetra. Riccardo Venturi
y consacre une longue note que je repositionne en avant de la
chanson et j’y ajoute un commentaire :
[1]
Vetra :
place historique de Milan (Piazza Vetra, ou Piazza Vetra
de’Citadine), dans le quartier des Ticinese
(Tessinois)
et
à brève distance, entre autres,
de San Vittore. C’est
la zone de la basilique de San Lorenzo et des Colonnes. Place Vetra
était connue pour être une des places de la « ligera »,
le petit milieu milanais. Jusqu’au XIXe
siècle, sur
la Piazza
Vetra, on exécutait
même les condamnations à mort. À très peu à de distance de
Piazza Vetra, en Giangiacomo Mora, s’élève
même la célèbre Colonna
Infame (Colonne
Infâme – en
fait, le pilori) ;
à tout ceci, on ajoutera
la proximité du
Bottonuto, le quartier médiéval milanais (pratiquement collé
à la
place du Dôme) qui
fut démoli à la fin du XIXe
siècle. Nous sommes, en somme, dans un lieu hautement évocateur
pour la ville de Milan et de son histoire populaire. La
Place Vetra était connue même pour la présence de prostituées
(voir,
naturellement,
La
povera Rosetta) :
si la femme du protagoniste de la
chanson
« specia sur
la Vedra », la chose peut faire allusion à tout un certain
monde. Le
nom de la
place
Vetra peut être dérivé de Platea
Vetera
(« vieille place »,
mais la place est nommée pour la première fois dans un document du
1579), mais plus probablement des « vetraschi »,c’est-à-dire
des tanneurs de peau, ainsi appelés parce qu’ils raclaient les
peaux avec des morceaux
de
verres, ou bien d’un ancien cours d’eau de la zone, dit
« Vepra ».
Petite
note complémentaire : Si on retient, « vepra », il
serait bien d’examiner l’hypothèse d’une place de la vêprée
ou vesprée, où les gens se retrouvent le soir à la « vêprée »
– la « passeggiata »
de fin d’après-midi ou du soir. Cette
vesprée de Ronsard :
Mignonne,
allons voir si la rose
Qui se matin avoit déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil. »
Qui se matin avoit déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil. »
(Pierre
de Ronsard, À ma maîtresse, dans Odes, 1550-1552)
Et
« si non è vero, è ben trovato », comme on dit dans nos
régions où circule un curieux bilinguisme.
Mot
pour mot, on lira les divers sens de poireauter
dans le Trésor de la Langue française. Certains sont assez
appropriés ; notamment quand notre condamné rêve à Rina
avant de s’endormir. Comprends qui peut.
Ainsi
Parlait Marco Valdo M.I.
Enfermé
dans ce nid à rats
en compagnie des puces
Et des punaises qui ne me laissent pas dormir,
Qui ne me laissent pas dormir,
Et des punaises qui ne me laissent pas dormir,
Qui ne me laissent pas dormir,
Je
pense à ma femme
qui poireaute à
la Vetra [1].
Je rêve à elle le soir [et] je me plonge dans le sommeil,
Je me plonge dans le sommeil.
Je rêve à elle le soir [et] je me plonge dans le sommeil,
Je me plonge dans le sommeil.
Et
au tribunal, le
président dit :
Jeune homme, il ne faut pas mentir mentir en vérité,
Mentir en vérité.
Jeune homme, il ne faut pas mentir mentir en vérité,
Mentir en vérité.
En
vérité, la vérité, je l’ai dite :
moi, je ne
sais rien.
Je vous prie président de me remettre en liberté,
Me remettre en liberté.
Je vous prie président de me remettre en liberté,
Me remettre en liberté.
En
liberté, je te remets, les mains
menottées,
Les portes bien fermées, emmenez-le à San Vittore,
Emmenez-le à San Vittore.
Les portes bien fermées, emmenez-le à San Vittore,
Emmenez-le à San Vittore.
Et
si la Rina sait
que je suis condamné,
Elle donnerait sa vie pour me donner ma liberté,
Pour me donner ma liberté.
Elle donnerait sa vie pour me donner ma liberté,
Pour me donner ma liberté.
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