LES MALÉDICTIONS
Version
française – LES MALÉDICTIONS – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson
italienne – Le
maledizioni – Ivan
Della Mea – 2000
Ivan Della Mea - Milan -1965 |
Cette
« Canzone,
forse : Chanson,
peut-être », comme
l’appela
lui-même,
Ivan Della Mea, fut
écrite
en février ou mars
de
l’an 2000.
Elle
fut
longtemps
considérée comme « inédite »,
mais en
réalité, son
texte fut publié quatre ans plus
tard
dans le volume « Prima
di dire, Cantate dalla caduta del Muro di Berlino alla Seconda guerra
del Golfo - Avant
de dire, Cantate
de la chute du Mur de Berlin à la Deuxième guerre du Golfe »,
éditions Jaca Book. Chanson, peut-être, donc. C’était
la célèbre [année]« Dumila »
– l’An Deux Mille,
comme l’appelle toujours encore.
Le
début des
« Millennials », car
au
jour d’aujourd’hui, une
définition à
base d’idiotismes
anglais
ne se refuse
même
pas à des jeunes
de dix-sept ans qui,
malgré eux,
se
retrouvent
cibles de ventes, de « modes », de
« trends »
(tendances),
de catégorisations
imposées
par
les mécanismes du système de pouvoir. C’était
la célèbre [année]« Dumila »
– l’An Zéro,
comme je
l’appelle toujours
encore.
Il
restait
encore un an et quelque mois avant
le massacre
de la génération précédente, à Gênes (NdT :
il s’agit de la répression policière insensée et extrêmement
brutale exercée lors du G8 en 2001 contre les manifestants
pacifiques rassemblés dans la ville de Gênes).
Il restait
dix-sept
ans et quelque mois jusqu’aujourd’hui,
et Ivan Della Mea lançait une série de malédictions inédites,
dans cette
« Chanson, peut-être ». Et peut-être, serait-il
bien de
retourner
il y a
dix-sept
ans, lorsque avec ces
Malédictions, Ivan Della Mea reparcourait
sa vie alors
qu’il
lui restait,
mais il ne le savait pas,
un
peu
plus de
neuf ans pour
la terminer. Habituellement,
je
déteste
consteller de notes un texte original ;
mais je me suis dit que, peut-être, pourrait venir à quelqu’un
l’envie de la
traduire
dans sa
langue
maternelle
ou de
sa compétence,
juste
pour
aller revoir
comment
c’était
en
« Dumila ». Le langage d’Ivan Della Mea était,
sûrement, imaginatif ;
mais d’autre
part, il est indispensable pour
comprendre mieux son
Dumila maudit. [RV]
Je
maudis l’amour soûl
qui en l’an Quarante me donna la vie [1]
Au cœur d’un monde mort fou.
Cette histoire est bel et bien finie.
qui en l’an Quarante me donna la vie [1]
Au cœur d’un monde mort fou.
Cette histoire est bel et bien finie.
Je
maudis mes
années au
collège [2]
Bourrées de dogmes, d’enfer et d’angoisse.
La branlette [3] fut mortelle injure
Au Père éternel et à la nature.
Bourrées de dogmes, d’enfer et d’angoisse.
La branlette [3] fut mortelle injure
Au Père éternel et à la nature.
Je
maudis l’école avec ce deux
Plus deux qui fait toujours quatre.
Un seul doute et on passait pour dingues
Ou débiles ou balourds comme des bœufs.
Plus deux qui fait toujours quatre.
Un seul doute et on passait pour dingues
Ou débiles ou balourds comme des bœufs.
Grandir
en mâle, c’était les bagarres
Mais le sexe mâle était certain
Seulement si on avait chopé la vérole
Ou la prison pour un temps contraint.
Mais le sexe mâle était certain
Seulement si on avait chopé la vérole
Ou la prison pour un temps contraint.
Je
maudis les
savants et
puissants
Macs[5] de toute culture.
Ils massacrent tout et ensuite, souriants
Nous disent comment supporter l’ordure.
Macs[5] de toute culture.
Ils massacrent tout et ensuite, souriants
Nous disent comment supporter l’ordure.
Je
maudis la télévision [6]
Téléviolente et télévile
Où sous les idioties de l’information,
Commande toujours la race patronne.
Téléviolente et télévile
Où sous les idioties de l’information,
Commande toujours la race patronne.
Je
maudis les téléthonistes[7]
Qui raclent les euros de la mort et du coeur
Et aux talkistes et aux stranamoristes, [8]
J’envoie un crabe porte-bonheur.
Qui raclent les euros de la mort et du coeur
Et aux talkistes et aux stranamoristes, [8]
J’envoie un crabe porte-bonheur.
Je maudis de mes râles cassés
Le grand camarade qui avec son savoir
Ignore la douleur des jeunes trépassés,
Dégoûtés de tout pouvoir.
Et
je bénis les rêves détruits
[9]
De qui comprend la grande classe morte
Des sans chefs, sans drapeaux et sans pays
Et imagine un monde sans portes.
De qui comprend la grande classe morte
Des sans chefs, sans drapeaux et sans pays
Et imagine un monde sans portes.
Je
le bénis en tant que créature
Humaine et naturelle, niée par le pouvoir.
Mais la classe morte a la vie dure
Et son monde est sans frontières.
Humaine et naturelle, niée par le pouvoir.
Mais la classe morte a la vie dure
Et son monde est sans frontières.
[1]
Luigi Della Mea, dit Ivan, né à Lucques le 16 octobre 1940, fils
d’un soldat fasciste de la garde des finances (douanes). Il
qualifie de « briaco » (saoul) l’amour qui lui donna la
vie ; il fallait être plus que pété pour mettre au monde un
fils durant cette période. Ainsi, Della Mea grandit dans un
orphelinat. Il est ramené à Milan en 1946 par une amie de la
famille.
[2]
Arrivé à Milan, Luigi Della Mea rencontre pour la première fois
son frère Luciano, son majeur de seize ans (né en 1924). Le frère
de
22 ans
emporte
le petit Ivan dans une charrette à bras à Bergame ; là,
il
grandit
avec son
frère, sa
soeur Marie et ses
parents qui se sépareront après une dispute terrible.
Ivan donc est inscrit
au Collège Archiépiscopal d’Éloge, et ensuite de nouveau à
Milan. À
onze
ans, pour gagner quelque sou, il
figure
dans le film Miracle à Milan de Vittorio De Sica. Du collège
religieux, Ivan développe une granitique horreur de la religion
(« Vieilles soeurs noires » etc, Francesco Guccini,
Piccola
città).
[3]
Dénomination
italienne
commune
de la masturbation masculine (en
français commun : branlette).
Après avoir manifesté ainsi son mépris
au « Padreterno » (Père
éternel),
Luigi Ivan Della Mea s’inscrit
au Parti
Communiste Italien à l’âge de seize ans, en 1956, année
de la
déstalinisation
et de la révolution
hongroise.
À
compter de cette année
jusqu’en
60,
Ivan Della Mea écrit les
« Ballate
della violenza – Ballades
de la violence », basées sur ses
souvenirs d’enfance et sur la figure du père, et d’autres
chansons d’amour perdues.
[4]
Luigi Ivan Della Mea assimile le milanais avec impressionnante
rapidité, mais ne cesse pas de maintenir un substrat toscan pour
toute sa vie. « Ghiozzo » est un toscanisme « côtier » :
« stupide, imbécile, idiot ». Il dérive du nom d’un
poisson (on peut aussi dire « ghiozzo de mer »).
[5]
Dans le mélange linguistique d’Ivan Della Mea, existent ses
célèbres créations : des néologismes, des mots-valise, des
mots de l’archaïque langue ramenés à la vie, des dialectismes,
préciosismes toujours employés avec une spontanéité absolue.
Inutile dire que « baronlobbisti » en fait partie ;
issu de « barons » et de « lobbyistes », mais
« baronlobbisti » est cela et seulement cela.
[6]
En 2000, Luigi Ivan Della Mea, déjà âgé de soixante ans, maudit
la télévision ; il aurait été intéressant, au jour
d’aujourd’hui, d’entendre ce qu’il aurait eu à dire sur les
Médias sociaux (on peut augurer sa définition de « socialmerdia »)
et autres choses du genre. De toute façon, ce qu’il dit à propos
de la télévision peut être indifféremment applicable à la
soi-disant « communication » actuelle, qui n’a
évidemment pas cessé d’être entièrement au service de la race
patronne, ainsi que son moyen de contrôle privilégié en complément
à la répression toujours plus capillaire. Dans les « lazzi et
frizzi » (idioties) peut être peut-être cultivé même un
mépris ironique envers un des « telecialtroni »
(télévils – télépourris) à la mode à l’époque, tel
Fabrizio Frizzi.
[7]
Comme on put le dire nombre de « mediologi », la TV est
maintenant devenue un moyen obsolète, réservée aux vieux ou un peu
plus. Cependant, la « telebeneficienza » (télécharité,
télébienfaisance) est encore solide ; cette « charité »
qui, naturellement, remplace les plus élémentaires fonds publics
qui sont détournés vers les dépenses militaires & les sociétés
musicales. Ainsi, pendant que (par exemple) la santé publique est
démantelée d’un côté, de l’autre « on ramasse les
fonds » pour telle ou telle recherche ou maladie commune ou
rare, au moyen des « Telethons » et cetera.
[8] Les talkisti – talkistes (qui rappelle à l’évidence par sa construction le mot : tankistes) sont naturellement les animateurs des « causeries télévisées », en premier lieu, Maurizio Costanzo (carte n° 1819 de la Loggia P2 – Loge P2). Les « stranamori » sont les initiateurs et les animateurs de programmes basés sur l’intrusion dans les « affaires de cœur », qui sévissent toujours . « Stranamore » fut un programme TV des années ’90, animé par Alberto Castagna, un ex-journaliste du TG2. Le programme fut lancé en 1994 sur les chaînes de Berlusconi. Il était basé sur des « videomessaggi » de couples en crise, fiancé(e)s délaissé(e)s, maris trahis, etc.
[9]
Je ne sais si, dans le thesaurus de la langue italienne, il existe
vraiment un verbe « sfrangere », ou si c’est une
création de « Della Mea ». Note du traducteur : le
verbe « sfrangere » existe bel et bien en italien ;
il correspond au verbe français : « effranger »,
qui veut dire créer des franges, déchirer sur les bords ou quelque
chose d’approchant et par extension : déchiqueter, détruire.
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