lundi 26 décembre 2016

LA BALLADE DU FACTEUR WILLIAM L. MOORE DE BALTIMORE

LA BALLADE DU FACTEUR WILLIAM L. MOORE DE BALTIMORE, QUI EN 1963, S’EN ALLA SEUL DANS LES ÉTATS DU SUD. IL PROTESTAIT CONTRE LA PERSÉCUTION DES NOIRS. IL FUT TUÉ AU BOUT D’UNE SEMAINE. TROIS BALLES AVAIENT TROUÉ SON FRONT


Version française – LA BALLADE DU FACTEUR WILLIAM L. MOORE DE BALTIMORE, QUI EN 1963, S’EN ALLA SEUL DANS LES ÉTATS DU SUD. IL PROTESTAIT CONTRE LA PERSÉCUTION DES NOIRS. IL FUT TUÉ AU BOUT D’UNE SEMAINE. TROIS BALLES AVAIENT TROUÉ SON FRONT – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – Die Ballade von dem Briefträger William L. Moore aus Baltimore, der im Jahre 63 allein in die Südstaaten wanderte. Er protestierte gegen die Verfolgung der Neger. Er wurde erschossen nach einer Woche. Drei Kugeln trafen seine Stirn. – Wolf Biermann – 1965



Mon ami Lucien l’âne, commençons par le commencement : l’histoire que raconte la canzone de l’alors citoyen de la République Démocratique Allemande, vivant à Berlin (Est), Chausséestrasse 231, dénommé Wolf Biermann, ci-devant poète interdit d’exercice, est – la chose peut paraître curieuse à première vue – celle d’un facteur de Baltimore, ville située dans l’État du Maryland aux Zétazunis.

Il est, en effet, curieux, dit Lucien l’âne, qu’un poète allemand écrive une Ballade à propos d’un postier d’outre-Atlatntique.

C’est d’autant plus curieux, Lucien l’âne mon ami, que Wolf Biermann va insister lourdement en dotant sa chanson d’un des plus longs titres qu’il m’a été donné de voir. Un titre qui est presqu’une histoire en soi. Écoute bien ça, car il faut du souffle pour le dire – et encore, je ne le dirai qu’en version française. J’ajouterai l’original allemand entre parenthèses ; car je prononce mal l’allemand.
LA BALLADE DU FACTEUR WILLIAM L. MOORE DE BALTIMORE, QUI EN 1963 S’EN ALLA SEUL DANS LES ÉTATS DU SUD. IL PROTESTAIT CONTRE LA PERSÉCUTION DES NOIRS. IL FUT TUÉ AU BOUT D’UNE SEMAINE. TROIS BALLES AVAIENT TROUÉ SON FRONT. (Die Ballade von dem Briefträger William L. Moore aus Baltimore, der im Jahre 63 allein in die Südstaaten wanderte. Er protestierte gegen die Verfolgung der Neger. Er wurde erschossen nach einer Woche. Drei Kugeln trafen seine Stirn.)

C’est effectivement assez époustouflant, Marco Valdo M.I. mon ami. Moi, je me demande ce qui a bien pu justifier un pareil titre.

À mon sens, Lucien l’âne mon ami, ce qui a poussé Wolf Biermann à user d’un titre aussi long, c’est le fait qu’il souhaitait de cette manière, faire ressortir l’histoire de William Lewis Moore (c’est le fameux postier) et ainsi la faire connaître du public. Et aussi, je pense, faire qu’on ne l’oublie pas. Et il y est parvenu ; vois : nous sommes un demi-siècle plus tard et n’était cette chanson, on n’aurait (au moins dans les pays de langue allemande ou en dehors des Zétazunis) jamais plus parlé de ce courageux facteur. Pourtant, courageux, il le fut et même héroïque comme on va le voir. Un héros civil ô combien ! Je ne retracerai pas son parcours, c’est le propos de la chanson de Biermann, comme celui d’autres chansons qui lui furent dédiées, comme par exemple : William MoorePhil Ochs – 1963 ; Ballad for Bill Moore - Don West - 1963 ; WilliamMoore The Mailman - Seymour Farber – 1963. Résumons l’affaire : William L. Moore était facteur et de ce fait, était un infatigable marcheur ; mais c’était aussi, un militant des droits de l’homme, ce qu’aux Zétazunis, on appelle un activiste ; un athée, ce qu’aux Zétazunis on appelle « an athéist ». En l’occurrence, son action consistait en une longue marche de Chattanooga jusque Jackson (environ 630 km) pour aller remettre en mains du gouverneur de l’État du Mississippi une lettre où il demandait de mettre fin à la ségrégation raciale qui frappe les Noirs aux Zétazunis. Avant celle-ci, il avait déjà marché afin de porter une lettre au Président de l’époque, lettre dans laquelle il annonçait son intention d’aller à Jackson. En avril 1963, alors qu’il portait cette lettre, il fut abattu un soir au bord d’un chemin. Trois balles dans la tête, et hop, terminé. William Lewis Moore allait avoir 36 ans. On connaît le tueur, un certain Floyd Simpson, membre du KKK (Ku – Klux – Klan). On ne l’a jamais poursuivi.

Oh, moi, dit Lucien l’âne, quand j’entends parler de ce KKK étazunien, ça me donne toujours la nausée et je pense pour éloigner cette pénible sensation qu’on devrait l’appeler le Cul-cul-clan, tellement il est stupide et ridicule ; ce qui ne l’empêche pas d’être bêtement assassin.

On a retrouvé la lettre que comptait remettre personnellement au gouverneur du Mississippi. Il y écrivait notamment : « l’homme blanc ne pourra jamais se sentir vraiment libre tant que tous les hommes n’auront pas des droits égaux ».
Mais l’aventure de cette lettre ne s’arrête pas là ; des années plus tard, en avril 2008, Ellen Johnson et Ken Loukinen reprirent la marche interrompue du postier William Lewis Moore pour aller remettre en mains du gouverneur (enfin, son successeur) à Jackson, la lettre retrouvée. Le (nouveau) gouverneur a refusé de recevoir ce pli postal.

Finalement, conclut Lucien l’âne, ils avaient bien raison ceux qui ont fait à l’époque des chansons à propos de l’assassinat du facteur William Lewis Moore de Baltimore, sans eux, on aurait complètement oublié son geste et son histoire. Et il avait eu bien raison Wolf Biermann de faire un titre kilométrique. Cependant, il nous faut à présent reprendre notre marche à nous, reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde raciste, absurde, méprisant, méprisable et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dimanche

Ce dimanche-là, William L. Moore
Se reposait de son labeur.
C’était un pauvre facteur ;
Il habitait à Baltimore.

Lundi

Le lundi, c’était à Baltimore,
Bill dit à sa femme :
« Je ne veux plus être facteur encore,
Je m’en vais dans le Sud – faire un voyage. »
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il partit.

Mardi

Le mardi, dans le train,
Plus d’un demanda à William L. Moore
Ce que signifiait l’écriteau qu’il portait à la main,
Et chacun lui souhaitait bonne chance pour son parcours.
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il était parti.

Mercredi

Le mercredi en Alabama,
Il marchait sur le macadam ;
Longue était la route de Birmingham,
Et ses pieds lourds entravaient son pas.
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il était parti.

Jeudi

Le jeudi, un shérif l’arrêta sur le trottoir ;
Il lui dit : « Mais tu es un blanc ! »
Et dit encore « Qu’as-tu à faire des Noirs ?
Mon gars, réfléchis convenablement ! »
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il partit.

Vendredi

Le vendredi, un chien, courut après lui ;
Il devint son meilleur ami.
Mais dès le soir, on jeta des pierres sur eux ;
Alors, ils sont partis plus loin, à deux.
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il était parti.

Samedi

Le samedi fut chaud à mourir,
Une femme blanche est venue
Lui donner à boire, et en secret lui dire :
« Vous m’avez convaincue ! »
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il partit.

Dernier jour

Le dimanche, un beau jour d’été bleu,
On l’a trouvé dans l’herbe verte –
Trois œillets rouge avaient mis le feu
À son front soudain livide.
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il partit.

Mort tout seul
Il n’est plus seul.


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