samedi 24 décembre 2016

42 ÉCOLIERS

42 ÉCOLIERS


Version française – 42 ÉCOLIERS – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – 42 SchulkinderErich Fried – 1966







Erich Fried, né le 6 mai 1921 à Vienne (Autriche) et mort le 22 novembre 1988 à Baden-Baden est un poète, traducteur, essayiste juif autrichien, établi en Angleterre.
Avec Hans Magnus Enzensberger et Wolf Biermann, il est considéré comme un des représentants de la littérature engagée de langue allemande d’après la Seconde Guerre Mondiale. Pour beaucoup, il est aussi le meilleur traducteur de Shakespeare en allemand.
Fils unique d’une famille juive viennoise, Erich Fried perd en mai 1938 son père, victime d’un interrogatoire de la Gestapo peu après l’Anschluss : « Lycéen autrichien de dix-sept ans, je me transformai en juif persécuté », résumera-t-il plus tard. Il se réfugie alors en Angleterre en passant par la Belgique, crée un groupe de « jeunesse émigrée » (Emigrantenjugend) qui a réussi à faire venir à Londres avant que la guerre n’éclate 70 personnes, dont sa mère. Il survit pendant la guerre grâce à divers emplois. Dès 1943, il quitte une organisation de Jeunesses communistes dont il refuse le stalinisme croissant. De 1952 à 1968, il est commentateur politique au German Service de la BBC.
(pour la suite voir Erich Fried dans Wikipedia)
Ses premières œuvres poétiques remontent aux dernières années de la guerre et son premier roman – « Ein Soldat und ein Mädchen » (« un soldat et une fille ») – date de 1948.
Nombreux sont ses ouvrages de poésies et de récits, mais il fut même librettiste d’opéra, dramaturge radiophonique et traducteur, surtout de T.S. Eliot, Dylan Thomas, Sylvia Plath et William Shakespeare.


Dialogue maïeutique

Je n’ignore évidemment pas, Lucien l’âne mon ami, que tu as connu et sans doute, suivi comme tout un chacun à l’époque, l’interminable « Guerre du Vietnam ». Je dis interminable, car c’est ce qu’ont dû penser les Vietnamiens eux-mêmes, surtout le petit peuple, celui qui est toujours du côté oublié, celui qui en fait ne demande que de vivre en paix.

Interminable, qu’est-ce à dire ?, demande Lucien l’âne en inclinant le front. Il faudrait m’expliquer, même si je considère aussi – moi qui ai vu Troie et Mycènes, Marathon, Alésia, Andernach, Tolède, Jérusalem, Constantinople, Poitiers, Pavie, Iéna, Verdun, l’Ardenne et j’en passe – je considère donc aussi, spécialement quand il s’agit d’une guerre armée, qu’une guerre est toujours trop longue. J’imagine qu’on pourrait m’objecter que c’est là un point de vue civil, peu expert en la matière et même, si c’était quelqu’un d’ici, il n’hésiterait pas à me jeter au visage : « Les rwétans n’ont rin n’à dire ».

En fait, Lucien l’âne mon ami, il y a eu deux guerres qui s’enchaînèrent et qui mirent le Vietnam littéralement à feu et à sang et si elles le laissèrent finalement réuni et débarrassé des occupations étrangères, elles le laissèrent aussi exsangue et en ruines, une ruine qui frappa autant les villes surpeuplées que les campagnes les moins habitées. C’était le résultat de bombardements intenses, les plus intenses que le monde ait jamais connus. Il s’agissait en bombardant de nettoyer le pays de la guérilla vietcong. L’autre bord, question massacres et assassinats ne fut pas en reste ; c’était juste plus artisanal.
Quant à la longueur de la durée de cette guerre, il faut considérer qu’elle avait commencé dès le jour de la première colonisation française. Elle aura donc duré à peu de chose près un siècle et demi – de 1858 à 1975. Dans sa phase finale, on la connut sous deux noms : la Guerre d’Indochine – c’était la version française, qui se clôt en 1954 ; et la Guerre du Vietnam, qui s’achève en 1975 – c’était la version vietnamienne-étazunienne – les Zétazunis s’engageant de plus en plus dans l’affaire ; elle dura vingt ans. Elle fit côté vietnamien environ 3 000 000 de morts et environ 150 000 soldats étazuniens. On dit que les Zétazunis avaient gagné sur le sol vietnamien et perdu chez eux.

Arrête, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est suffisant. Si tu continues à parler de cette guerre, on n’en sortira plus. Parle-moi de la canzone.

Si je t’ai tant parlé de l’Indochine et du Vietnam, Lucien l’âne mon ami, c’est que, vois-tu, si la chanson s’intitule 42 écoliers, il s’agit de 42 écoliers du village vietnamien de Mang Quang, victimes d’un bombardement étazunien lors de cette fameuse guerre. Ce sont des écoliers, en quelque sorte, emblématiques de l’ensemble des Vietnamiens victimes de cette effroyable confrontation, des 3 000 000 de morts, sans compter les blessés, les veufs, les veuves, les orphelins, les villes, les villages, les forêts, les fleuves et bien évidemment, les animaux. L’essentiel de ces destructions a été le fait des bombardements aériens entre 1965 et 1972, on a relevé 3 400 000 sorties aériennes, rien que du côté des Zétazunis et de leurs alliés. Dans une région, Quang Tri, on a calculé qu’il était tombé 3000 bombes au km².
Un observateur étazunien, travaillant pour le US Forest Service, Arthur Westling notait en 1973 à propos du paysage de Quang Tri :
« Malgré un an de combat sur le front de Corée et malgré trois voyages précédents en Indochine pour étudier les zones de guerre au Cambodge et au Sud-Vietnam, je n’étais pas préparé (à voir) l’horrible dévastation que j’ai rencontrée partout où je suis passé…
Jamais nulle part ailleurs, nous n’avions rencontré un panorama infini de cratères. Aussi loin que nous pouvions voir pas un seul bâtiment, urbain ou rural, n’était intact : plus d’habitations, plus d’écoles, plus de bibliothèques, plus d’églises ou de pagodes et plus d’hôpitaux… la seule voie de chemin de fer à travers cette province avait aussi été effacée. »
Ces 42 écoliers emblématiques de ce village rasé à l’heure de classe étaient ceux-là qui étaient censés se poser la question de la distance entre Mang Quang et toutes sortes de villes ou entre ces villes elles-mêmes ; toutes ces villes – on trouve aussi le nom d’une personne : Adolf H., comme ce village, comme aujourd’hui Alep en Syrie et demain d’autres encore évoquent des bombardements et des massacres de civils. Il faut dire que depuis Mang Quang, on ne compte plus les écoliers écrasés sus les bombes, depuis cette lointaine guerre du Vietnam (depuis il y a eu l’Afghanistan, le Biafra, l’Irak, le Liban, la Libye, l’Iran, l’ex-Yougoslavie et que sais-je encore la Grenade, on a eu le temps d’en fabriquer – et d’en vendre – des avions, des bombes et toutes ces sortes de choses écrasantes. Au fait, les B 52 qui ravagèrent le Vietnam sont toujours en service.

J’imagine, dit Lucien l’âne, que depuis la fin de cette guerre militaire, le Vietnam a pu reprendre une vie plus tranquille. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde où fleurissent les canons et les guerres, ce vieux monde meurtrier, avide et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


De Guernica à Mang Quang, quelle distance ?
De Washington à Berchtesgaden, quelle distance ?
De Munich à Prague, quelle distance ?
De Berlin et de Moscou à Varsovie, quelle distance ?
De Guernica à Munich, quelle distance ?

Une année et cinq mois,
au fond,
Ce n’est pas très
long.

Quelle distance y avait-il de Guernica à Varsovie,
D’Hitler à n’importe qui et à n’importe quel pays ?

De Saigon à Hanoi, de Berlin
à Kiev, quelle distance ?
Ou de Münster
à Guernica, quelle distance ?

J’ai cherché Guernica sur la carte
soigneusement,
Car je ne peux pas me représenter Mang Quang autrement.

Qu’ont appris des bombes les écoliers de Mang Quang ?
Qu’avons-nous appris des écoliers Mang Quang
 ?
De Guernica et de la Pologne, qu’avons-nous appris ?
De Coventry, Stalingrad, Dresde, Nagasaki, Suez et Sakiet, qu’avons-nous appris ?
Qu
e ce n’est vraiment pas si loin,
Ou qu’il n’est pas encore
assez loin,
Ou qu
e ça ne peut pas venir de si loin ?


Les
parents ont pris les enfants dans leurs cercueils
Pour l
es porter aux soldats.
Ils ont été r
epoussés par les soldats
Et
à Mang Quang, sont retournés les cercueils. 

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