LA
MARCHE DES VEAUX
Version
française – LA MARCHE DES VEAUX – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
allemande – Kälbermarsch
– Bertolt Brecht – 1943
La Révoltée |
La
Kälbermarsch (La Marche des Veaux)
est
une
des parodies les plus connues du
Horst-Wessel-Lied
(chant
nazi). Elle
est tirée de « Chveik dans la deuxième Guerre mondiale »,
une pièce de Bertolt Brecht (1943), écrite pendant son
exil
aux
États-Unis.
Originellement,
elle aurait dû être jouée à Broadway, avec une musique de Kurt
Weill. Mais
Kurt Weill
ne crut pas au succès de ce drame, c’est
pourquoi Brecht travailla avec le compositeur Hanns Eisler. La
première eut lieu en 1957 après
la mort de Brecht.
L’histoire
se
situe
dans le
contexte
suivant. Dans la prison militaire de Prague, se trouvent des
prisonniers tchèques, qui doivent être enrôlés
de force dans l’armée
allemande. C’est
Chveik qui chante « La
Marche des Veaux ».
Dialogue
maïeutique
Je
sais, je sais, Lucien l’âne mon ami, le veau, les veaux, ce n’est
pas des ânes. Ils n’ont pas cette résistance face à la
domination, cette aptitude à la liberté, ce caractère de farouche
indépendance et cette capacité à refuser d’être mis en troupeau
qui signalent l’engeance têtue dont tu fais partie. Cependant
comme l’âne, comme le chat, comme le mouton, comme le loup, comme
l’agneau, comme le chien, comme le renard, comme le cochon, comme
le lion, comme l’ours, comme l’aigle, comme la fourmi, comme la
souris ou le rat, comme le lapin, comme le kangourou ou l’anaconda
(et plein d’autres encore – du serpent, au scarabée en passant
par le poisson et l’éléphant), le veau est un personnage
emblématique, assez proche de l’agneau, dont parlait Heinrich
Böll. La place du veau commun dans cette héraldique est évidemment
fort différente de celle du Veau d’Or, où il était Dieu. Dans ce
cas-ci, il représente non pas le peuple qui peut être souffrant et
rester digne, mais la masse qui se vautre dans son indignité
(qu’elle ne conçoit même pas) et qui se laisse mener à
l’abattoir sans rechigner et parfois aussi, avec enthousiasme.
Oh,
dit Lucien l’âne en riant, pauvre veau, il en prend plein la tête
et tout ça après avoir été Dieu ; c’était au temps de son
âge d’or.
Je
me demande si Brecht, qui écrit ce texte vers 1943 avait eu vent de
la réflexion de Charles De Gaulle qui au moment où Pétain signait
l’armistice avec les nazis, soutenu en cela par le « peuple »
français, avait maugréé, sans doute plein de rage, à propos des
Français de France : « Ce sont des veaux. Ils sont
bons pour le massacre. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. »
Il n’y avait donc pas que des veaux allemands.
Cependant, le sens donné au mot est le même. Il s’agit
bien de l’animal voué à l’abattoir.
En
effet, dit Lucien l’âne, mais il faut dire à la décharge du
veau, compte tenu de son jeune âge, on peut imaginer qu’il ne peut
pas comprendre ce qui lui arrive et qu’il n’ait pas le réflexe de
résister, ni même le temps de s’organiser.
Justement,
cela devrait donner une idée de ce que pense Brecht à propos de la
soumission « volontaire » de la population allemande au
Reich de Mille Ans, qui dura – agonie comprise – une
douzaine d’années.
Maintenant
deux mots de la chanson. Je te rappelle que dès ses
débuts en politique, Adolf Hitler avait été surnommé
le « tambour », tant il faisait du bruit en hurlant.
C’est donc de lui qu’il est question. Bien sûr, ce
drapeau rouge sang est celui des nazis et la croix qui l’orne est
tout aussi évidemment une croix gammée : c’est le « croc
sanglant ».
Et
enfin, Lucien l’âne mon ami, si la chanson est courte et un peu
abrupte, c’est qu’elle est tenue par la forme de celle qu’elle
parodie : le chant des nazis – le Horst Wessel Lied. Note que
c’est une pratique courante dans la chanson politique que de
prendre la forme du chant de l’ennemi pour lui faire chanter
d’autres paroles. Elle en adopte donc la forme et la musique, mais
elle n’en a pas du tout, pas du tout le même contenu.
Je
l’espère bien, dit Lucien l’âne en éclatant de rire.
Cependant, n’oublions pas le destin des veaux et les dégâts que
leur pleutrerie et leur suivisme a engendrés, dont ils furent parmi
les premiers à souffrir. Je leur propose un petit proverbe aux
allures bibliques : « Qui se conduit comme un veau, périra
comme un veau ». Alors, reprenons notre tâche et tissons le
linceul de ce vieux monde pleutre, pusillanime, lâche et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ils
fournissent la peau
Du
tambour.
Ils
portent une croix
Sur
leurs drapeaux rouge sang.
Pour
le pauvre homme, cette croix,
C’est
un croc sanglant.
Le
boucher crie. Les yeux bien fermés,
Le
veau marche d’un pas calme et décidé.
Les
veaux, dont le sang coule déjà dans l’abattoir,
S’alignent
mentalement dans le mouroir.
Ils portent une croix
Ils portent une croix
Sur
leurs drapeaux rouge sang.
Pour
le pauvre homme, cette croix,
C’est
un croc sanglant.
Ils
ont le bras levé,
Ils
le montrent ostensiblement.
Déjà
dégouline leur sang
Et
les voilà vidés.
Ils
portent une croix
Sur
leurs drapeaux rouge sang.
Pour
le pauvre homme, cette croix,
C’est
un croc sanglant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire