Les Bambous
Chanson
française – Les
Bambous – Maurice Dulac – 1970
Texte :
Boris Bergman (interprétation 1974 – Album : Le Tzigane et
la fourmi)
Musique :
Maurice Dulac
Lucien
l’âne mon ami, toi qui es
foncièrement herbivore, tu auras certainement souvenance de la
chanson de Karel Kryl
que j’avais mise
en langue française l’autre jour et qui s’intitule
HERBE.
Bien
évidemment que je m’en souviens. C’était il y a deux ou trois
jours. Je ne suis quand même pas gâteux malgré mon âge
millénaire. Mais comme tu le sais, vivre en écriture, ça conserve.
Dans cette chanson, il était question de la guerre du Vietnam et de
bambous.
Précisément.
Et à propos de bambous encore, au moment où je transcrivais cette
version française d’une chanson tchèque, s’est mis à me
trottiner dans la tête un air entendu autrefois. C’était la
ritournelle d’une chanson où il était question de bambous et de
mort et que j’avais préparée, il y a déjà un certain temps,
pour la proposer aux Chansons contre la Guerre.
Une
chanson, un air et qui parle de bambous et de mort ? Ne
serait-ce pas LES BAMBOUS, une chanson que chantait Maurice Dulac ?
Bien
sûr et même que c’est à cause d’elle que je me suis intéressé
à nouveau à Maurice Dulac et que j’ai retrouvé ce « Cul
entre deux chaises », insérée ici il y a quelques jours.
Voilà pour la circonstance. Il me reste à dire quelques mots de la
chanson elle-même. En premier qu’il ne s’agit pas des mêmes
bambous que ceux du Vietnam. Les bambous, cette fois, ne sont pas
asiatiques, mais bien américains. Ce sont les bambous de la forêt
amazonienne qui enserre le bagne de Cayenne en Guyane (fermé en
1946). Elle raconte l’histoire imaginaire d’un malfrat parisien
qui s’y trouve condamné à la réclusion à la suite d’un
meurtre crapuleux – c’est le terme d’usage pour définir un
assassinat commis pour voler. Cet assassin, c’est Jojo des Grands
Chemins. Un gars du milieu qui a pris vingt ans et les passe à
Cayenne. Un
aller simple : Paris-Cayenne , en quelque sorte. La
vie au bagne est épouvantable et vingt ans, c’est long. Alors,
Jojo tente la belle et se fait abattre par les gardes-chiourme. Dans
les bambous. Mais la chanson amène une autre réflexion quand elle
dit :
« Après
vingt ans de bagne, dis qu’aurais-tu fait
De ta vie de cavale et de ta liberté ? »
De ta vie de cavale et de ta liberté ? »
Une
vraie question celle-là pour un vrai problème, dit Lucien l’âne
en soupirant comme un vieux poêle.
D’ailleurs à Cayenne, les condamnés à de longues peines
restaient sur place. Ils s’étaient faits au climat et c’était
devenu leur pays. C’est là aussi qu’ils avaient leurs
connaissances. Les autres devaient les avoir oubliés depuis le
temps, comme pour les émigrés. Alors, ils finissaient leur vie
là-bas.
Mais
Lucien l’âne mon ami, il faut aussi ajouter que les condamnés à
des longues peines à Cayenne ne pouvaient revenir en France
métropolitaine qu’en
ayant passé l’équivalent de leur peine en relégation. Autrement
dit, ils devaient rester en Guyane. Ce qui réglait généralement le
problème de la réinsertion. En somme, on
revenait rarement du bagne ; au point d’ailleurs que du temps
de sa splendeur, on appelait Cayenne, la guillotine sèche.
Bah,
ne pas revenir, dit Lucien l’âne. Revenir où ça ? Ça
dépend de l’âge où on a été condamné ; et même, vingt
ans (fois deux), c’est un fameux bail ; entretemps, le monde
doit avoir changé et fameusement. Il y a de quoi ruminer son
Rutebeuf : « Que sont mes amis devenus... ». C’est le lot
des longues peines. Évidemment, c’est pire encore quand le
condamné est innocent de ce pourquoi on l’a enfermé. Je pense à
Marco
Camenisch, par exemple.
N’épiloguons
pas plus et reprenons notre tâche tranquille et tissons, telles les
fileuses et les canuts, un linceul, le linceul de ce vieux monde
empli de bambous, carcéral, punitif et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Tu
dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
Tu es mort à Cayenne et pas à Pantin,
S’il faut mourir quand même ça ne change rien.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
C’est pour revoir la Seine que tu fabriquais
Ce grand radeau de chêne quand ils t’ont tué.
Tu allais sur la Seine pour voir les bateaux,
Tu rêvais de soleil des îles de Bornéo ;
Le bagne de Cayenne, c’est pas Valparaiso,
Au bout d’une semaine, tu rêvais de Puteaux.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
Toi qui aimais la Seine, fallait pas noyer
Ce pauvre énergumène pour un peu de blé.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
Après vingt ans de bagne, dis qu’aurais-tu fait
De ta vie de cavale et de ta liberté ?
Quand je vais sur la Seine pour voir les bateaux,
Je cherche ton soleil, tes îles de Bornéo ;
Le bagne de Cayenne, c’est pas Valparaiso,
Avec un peu de veine, t’aurais revu Puteaux.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, tu t’en fous.
L’addition est la même au bout du chemin
Que l’on soit de Cayenne ou bien de Pantin.
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
Tu es mort à Cayenne et pas à Pantin,
S’il faut mourir quand même ça ne change rien.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
C’est pour revoir la Seine que tu fabriquais
Ce grand radeau de chêne quand ils t’ont tué.
Tu allais sur la Seine pour voir les bateaux,
Tu rêvais de soleil des îles de Bornéo ;
Le bagne de Cayenne, c’est pas Valparaiso,
Au bout d’une semaine, tu rêvais de Puteaux.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
Toi qui aimais la Seine, fallait pas noyer
Ce pauvre énergumène pour un peu de blé.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
Après vingt ans de bagne, dis qu’aurais-tu fait
De ta vie de cavale et de ta liberté ?
Quand je vais sur la Seine pour voir les bateaux,
Je cherche ton soleil, tes îles de Bornéo ;
Le bagne de Cayenne, c’est pas Valparaiso,
Avec un peu de veine, t’aurais revu Puteaux.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, tu t’en fous.
L’addition est la même au bout du chemin
Que l’on soit de Cayenne ou bien de Pantin.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
Tu es mort à Cayenne et pas à Pantin,
S’il faut mourir quand même ça ne change rien.
Tu dors sous les bambous, les bambous, les bambous,
Jojo des grands chemins, t’étais fou, t’étais fou.
…
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