Texte :
Jacqueline Sorano – Maurice Dulac
Il
y a des chansons et en corollaire, des chanteurs et même, des
chanteuses de ces chansons qu’on découvre bien longtemps après le
moment de leur floraison et même qu’ils aient fini de la chanter.
Mais, te souviens-tu précisément, de ceci :
« Longtemps,
longtemps après que les poètes ont disparu,
Leurs
chansons courent encore dans les rues. », que disait,
chantonnait Trenet. C’est le cas de cette chanson de Jacqueline
Sorano, interprétée par Maurice Dulac en 1975. Elle s’intitule
« Le cul entre deux chaises », mais, à voir ton œil
égrillard, je te précise tout de suite ce n’est pas le cul
de la patronne [[39877]].
Là, Marco Valdo M.I. mon ami, je t’arrête. C’est dommage, car comme
tu le devines, j’aime beaucoup le cul de la patronne, c’est
toujours pour moi, un moment de grand plaisir. Mais comme tu le sais,
nous autres les ânes, on ne s’assied jamais sur les chaises et on
n’essaye même pas. D’ailleurs, il me souvient de t’avoir dit
déjà : « On ne fait pas les chaises pour les ânes ».
C’est pour cette raison fondamentale que nous restons d’obstinés
quadrupèdes. Et dès lors, peux-tu me dire ce que signifie cette
étrange expression, qui sert de titre à la chanson.
De
titre et de leitmotiv. Donc, « le cul entre deux chaises »
renvoie à la situation de celle ou celui qui ne peut ou ne veut pas
choisir entre l’une ou l’autre chaise, qui hésite à se poser et
penche donc une fois par ici, une fois par là, comme les poupées
qui basculent, se redressent et reviennent à leur point d’équilibre.
En fait, ce faux mouvement a comme but réel de ne pas bouger. C’est
le chevalier Ni-Ni. Mais cela ne l’empêche pas de peser de tout
son poids. C’est un de ces personnages typiques des collaborateurs
de tous les régimes. Toujours du côté du manche, en quelque sorte.
Enfin, débrouille-toi avec ça et revenons à la chanson et à 1975.
C’était l’époque où on trouvait Super Dupont (personnage de
Gotlib) en couverture de Fluide Glacial, où sévissait l’ami Yves
Frémion qu’on salue au passage. Je parle de Super Dupont, car il
me paraît être le sur-moi de ce Dupont, héros de la chanson de
Dulac.
« Et
l’on dit de Dupont la joie :
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises. »
Par
parenthèse, nos amis italiens n’arrêtent pas d’en rencontrer à
tous les coins de rue, en version italienne, bien sûr. En somme,
j’imagine, j’ai comme l’impression que la chose dépasse le
cadre de la France, de l’Italie.
La
France avait-elle de l’avance dans cette pratique, à mon sens
aussi, universelle. Je ne le pense même pas. Dupont la Joie, c’est
le personnage qui fit le pétainisme ou ailleurs, s’est rallié
(se range ) aux vieilles et aux nouvelles gloires locales. En fait,
c’est le personnage-clé de la démocratie, il fait ces majorités
molles dont elle se délecte et qui souvent la mènent au pire. On le
retrouve dans la Guerre
de Cent Mille Ans cet éternel tenant du juste milieu,
du politiquement correct, du conformisme évolutif. Comme pour ses
chemises, ses dessous et sa coiffure, il suit la mode, il suit le
mouvement – en masse, en troupeau. Il se laisse porter par la vague
sans jamais savoir où elle l’emmène, lui et le monde.
Alors,
il ne reste plus qu’à découvrir la chanson et à reprendre notre
tâche et à tisser le linceul de ce vieux monde conformiste,
immobiliste, massif et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Je
suis né sous le signe de la balance,
Pendant
la guerre ;
La
moitié de la France était en France,
L’autre
en Angleterre.
Il
y a dans ce pays, je crois,
Comme
un malaise
Et
l’on dit de Dupont la joie :
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises.
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises.
Le
cul entre deux chaises.
Et
quand je suis sorti de l’enfance,
Ô
quelle misère !
La
moitié de la France était en France,
L’autre
outre-mer.
Il
y a dans ce pays, je crois,
Comme
un malaise
Et
l’on dit de Dupont la joie :
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises.
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises.
Le
cul entre deux chaises.
On
a collé sur les murs de la France
De
grands posters
On
a fait de peu pencher la balance
Et
tout est à refaire.
Il
y a dans ce pays, je crois,
Comme
un malaise
Et
l’on dit de Dupont la joie :
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises.
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises.
Le
cul entre deux chaises.
Mais
moi qui suis de la balance
Héréditaire,
Une
voix crie en moi de dire ce que je pense
L’autre
de me taire.
Il
y a dans ce pays, je crois,
Comme
un malaise
Et
l’on dit de Dupont la joie :
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises.
Il
est gentil, oui, mais il a
Le
cul entre deux chaises.
Le
cul entre deux chaises.
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