Au
bord du canal
Chanson française – Au bord du canal – Marco Valdo M.I. – 2016
Ulenspiegel
le Gueux – 25
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs
(1867).
(Ulenspiegel
– I, LXXXIV)
Cette
numérotation particulière : (Ulenspiegel
– I, I), signifie très
exactement ceci :
Ulenspiegel :
La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs,
dans le texte de l’édition de 1867.
Le
premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman
comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre
d’où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur
vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui
ne figurent pas ici.
Nous
voici, Lucien l’âne mon ami, à la vingt et cinquième canzone de
l’histoire de Till le Gueux. Les vingt-quatre premières étaient,
je te le rappelle :
01
Katheline
la bonne sorcière
(Ulenspiegel
– I, I)
02
Till
et Philippe
(Ulenspiegel
– (Ulenspiegel – I, V)
03.
La
Guenon Hérétique
(Ulenspiegel
– I, XXII)
04.
Gand,
la Dame
(Ulenspiegel
– I, XXVIII)
05.
Coupez
les pieds !
(Ulenspiegel
– I, XXX)
06.
Exil
de Till
(Ulenspiegel
– I, XXXII)
07.
En
ce temps-là, Till
(Ulenspiegel
– I, XXXIV)
08.
Katheline
suppliciée (Ulenspiegel – I, XXXVIII)
09.
Till,
le roi Philippe et l’âne
(Ulenspiegel
– I, XXXIX)
10.
La
Cigogne et la Prostituée
(Ulenspiegel
– I, LI)
12.
La
messe du Pape, le pardon de Till et les florins de l’Hôtesse (Ulenspiegel – I, LIII)
13.
Indulgence
(Ulenspiegel
– I, LIV)
14.
Jef,
l’âne
du diable (Ulenspiegel
– I, LVII)
15.
Vois-tu
jusque Bruxelles ? (Ulenspiegel
– I, LVIII)
16.
Lamentation
de Nelle, la mule et la résurrection
(Ulenspiegel
– I, LXVIII)
17.
Hérétique
le Bonhomme
(Ulenspiegel
– I, LXIX)
18.
Procès
et condamnation (Ulenspiegel
– I, LXIX)
19.
La
Mort de Claes, le charbonnier
(Ulenspiegel
– I, LXXIV)
20.
Le
Talisman rouge
et noir
(Ulenspiegel
– I, LXXV)
21.
La
Vente à l’encan (Ulenspiegel
– I, LXXVI)
22.
Telle
est la Question (Ulenspiegel
– I, LXXVIII)
23.
Charles
et Claes (Ulenspiegel – I, LXXIX)
24.
Trois
cents ans de torture (Ulenspiegel
– I, LXXIX)
Et
l’aventure de Till le Gueux continue ; cette fois au bord du
canal…
Oh !
Un canal !, dit Lucien l’âne tout rêveur. Selon les jours et
les heures, et le temps qu’il fait, un canal change de figure et de
nature. Par beau temps, il peut être cette eau apaisante et calme,
si on la compare au torrent de montagne.Il peut être ce miroir où
l’on s’abîme. Il peut être ce promenoir à bateaux, ce
plongeoir à cormorans, ce reposoir à hérons, ce dortoir à
canards. Brel disait beaucoup de belles choses à propos de ces
rivières endormies dans son Plat Pays :
« Avec
un ciel si bas qu’un canal s’est perdu
Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité
Avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu
Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s’écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien ».
Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité
Avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu
Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s’écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien ».
Eh
bien, évidemment ! Mais qui a dit que Brel n’écrivait pas
mieux, n’était pas mille fois plus poétique et meilleur
chansonnier que nous. Et alors, est-ce que ça nous empêcherait de
compter cette mirifique chanson de paix, qui raconte la plaine là-bas
au loin au bas de chez nous, parmi les chansons contre la guerre ?
Bien au contraire !
Curieuse
chanson, « Avec de l’Italie qui descendrait l’Escaut »,
cette chanson parle du petit rieu, de la petite rivière, du
ruisseau, ruisselet ruisselant, le ru qui passe en bas de chez nous,
le ry où tu baignes tes sabots noirs comme les pierres du terril,
est déjà l’Escaut, est une de ses sources qui sont nombreuses,
même si on l’appelle d’un autre nom et finalement, peu importe
lequel et l’Italie d’ici est celle de ces exilés qui ont perdu
le Sud. Il y a autour de nous d’étranges villes où l’on croise
un étrange italien, une langue mâtinée qui métisse notre parler à
force de s’intégrer.
Et
demain, en viendront d’autres, ainsi va le vent qui porte les
nuages et les oiseaux. Mais, dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, à
part cette apologie du canal, que raconte cette chanson ?
Elle
raconte le vol du « trésor » de Josse, qui fit déjà
deux morts et qui achève Soetkin, la mère de Till. Le passé est
passé. Till se
retrouve seul , avec Nelle, face au destin,
ce perpétuel inconnu, et en devoir de vengeance, en devoir de
justice. Et dans cette chanson aussi, une page se tourne lorsqu’il
croise le poissonnier au bord du canal.
Chanson
manquante pour chanson manquante, dit Lucien l’âne en baissant
l’oreille gauche, il faudrait penser à Monsieur mon Passé, cette
chanson de Léo Ferré qui fait ses comptes avec le passé.
Sans
doute. Un dernier mot pourtant. Pour une fois, je vais attirer
l’attention sur un quatrain, car outre ce qu’il raconte de la
mise à l’écart du poissonnier, il rend un hommage amusé à un
petit poème de Charles Cros, qui dans cet « Hareng
saur », tiré de son coffret de santal, disait :
« Il
était un grand mur blanc – nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle – haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec... »
Contre le mur une échelle – haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec... »
Voyons
voir ça et puis, reprenons notre tâche sans jamais nous décourager
et tissons le linceul de ce vieux monde mal, mal, mal, sec, sec, sec,
banal, banal, banal et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Un
noir démon avait suborné Katheline
Pour
s’emparer du trésor
Il
avait appris ainsi de façon clandestine
Où
gisaient les carolus d’or.
Au
matin, une hirondelle jette un cri.
Ruinée,
Soetkin s’en est allée de la nuit.
On
la met en terre au champ des pauvres.
Contre
le cœur, battent les cendres.
Rêveur,
dolent, maussade, fâché,
Jour
et nuit, Till erre désespéré,
Toujours
répondant : battent les cendres .
Et
Nelle pleurait de l’entendre.
Le
poissonnier veule, veule, veule,
Vit
de hareng sec, sec, sec ;
Les
gens le huent seul, seul, seul ;
Les
enfants le fuient bec, bec, bec.
Il
se rend aux trois cabarets.
Au
premier, les buveurs sortent,
Au
deuxième, la patronne s’emporte,
Au
troisième, le patron ferme le loquet.
Au
bord du canal, loin du village,
Il
est un bouge sans étage.
On
y sert tout le monde ;
Tous,
jusques aux plus immondes.
Contre
le cœur, murmurent les cendres.
Justice,
justice, il faut rendre.
Au
bord du canal, marche le meurtrier.
Till
arrête le poissonnier.
Ah,
je suis vieux, je suis faible.
Pardon !
Pardon ! Je m’en vais boire.
En
ville, on ne veut plus me voir.
Je
paierai, je rendrai les meubles.
Le
fils ne veut rien entendre
Sur
son cœur battent les cendres.
Justice,
justice sans plus attendre.
Chez
les poissons, il lui faut descendre.
À
genoux, laid, tremblant et lâche,
Le
poissonnier supplie et pleure.
Till
repousse l’ombre d’un geste banal
Et
pensif, s’en repart au long du canal.
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