vendredi 11 décembre 2015

LETTRE À MON PAPA LOINTAIN


LETTRE À MON PAPA LOINTAIN

Version française – LETTRE À MON PAPA LOINTAIN – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Lettera al papà lontanoFranco Trincale – 1967




Personne ne pourra plus nous séparer,
Petit poussin de mon cœur.






Voici, Lucien l’âne mon ami, une bien jolie canzone à propos de l’émigration. Elle ne raconte pas comme le font – à juste titre – bien des autres, une histoire terrible, comme celle d’Attilio [[51087]]. Souviens-toi, c’était l’histoire d’un mineur assassiné, en exil, en émigration, par des voyous indigènes.

Je m’en souviens fort bien, tout comme j’ai en mémoire les terribles accidents qui peuvent survenir dans le travail – accident individuel, catastrophe collective.

On peut y ajouter les mauvaises conditions de vie, les maladies professionnelles… Les mineurs émigrés se sont battus ici pour la reconnaissance de la silicose comme maladie professionnelle ; il y a cinquante ans et ils ont gagné ce combat. Que dire encore des usines d’amiante ou des carrières de chaux ? Tout cela est assurément terrible et mérite, nécessite qu’on en parle. Mais


Mais quoi donc, Marco Valdo M.I. mon ami ? Quoi donc ? Quoi donc encore ?


Eh bien, il y a d’autres facettes à l’émigration, des facettes tout aussi terribles, même si elles sont d’un caractère qu’on dira plus personnel, plus intime, plus intérieur, plus sentimental, plus familial… elles n’en sont pas moins douloureuses. Car, mon ami Lucien l’âne, il ne t’aura pas échappé que l’humain, comme bien d’autres animaux, est un être d’émotion, est un animal sentimental. Et cette dimension émotionnelle, je le pense, est sans doute au moins aussi importante que les conditions matérielles d’existence. Et, voilà le point : l’émigration engendre une coupure vive, une blessure saignante dans ces êtres sentimentaux que sont les humains – aussi bien chez l’émigré que chez les proches restés au pays.


Je le conçois très bien ; la douleur de la séparation est terrible, même pour les ânes. Mais revenons à la canzone. Que dit-elle ?


Elle raconte, elle raconte, car c’est une canzone de cantastorie – littéralement, de raconteur d’histoires – elle raconte une histoire. Pour la raconter, elle organise une mise en scène particulière. Elle présente tout d’abord une lettre qu’un petit enfant resté au pays écrit à son papa émigré au loin ; une lettre où il lui demande, il le supplie de revenir ; et la réponse qu’adresse le papa exilé à son enfant. Et voilà tout.


Oh, dit Lucien l’âne, j’en suis par avance tout troublé. Elle me plaît beaucoup cette histoire et j’espère qu’au moins cette fois, on connaîtra une fin heureuse.


Rassure-toi, je pense que c’est le cas. Le papa annonce son retour. Mais avant de conclure, je dois avouer que j’ai légèrement changé cette histoire. Dans la canzone italienne, c’est un petit garçon qui écrivait à son papa ; moi, j’ai choisi d’en faire une petite fille. D’abord, pour faire place aux fillettes, dont à la vérité, je ne sais si elles sont plus tendres que les gars ; mais aussi, car Franco Trincale interprète la chanson avec sa fille Mariella.

Tu as donc bien fait. Maintenant, il nous faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde malade de l’économie, perclus d’avidité, d’oppression, d’émigration, d’exil et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



L'enfant :

Cher papa, je t’écris cette lettre,
On ne se voit pas depuis quatre ans
La maison semble vide sans toi,
Nous t’attendons, avec maman.
Si je fais des fautes, excuse-moi papa,
Cette lettre que je t’écris ; c’est la première.
J’ai mis ce que mon cœur me dicte,
Je t’en prie, reviens, papa.
Si tu reviens, papa, le soleil brillera,
La maison ne sera plus triste et sombre.
Maman souffre mille tourments,
Elle t’aime encore plus qu’avant.
Reviens à la maison, cher papa lointain,
Je t’embrasse. Signé : ton cher poussin.

Le père :

Petit poussin de mon cœur,
Comme tu es belle, comme tu as grandi.
Sans toi, je n’aurais pas eu tout ce courage,
Ma petite, je reviens pour cela ici.
J’ai lu ta chère petite lettre,
Ton papa aime sa petite maman.
Le passé n’existe plus dorénavant ,
Le soleil est revenu dans le ciel bleu
Et serre-toi contre mon cœur, ma petite blonde,
Moi, quand je t’embrasse, j’embrasse le monde.
Moi et maman, tu vois, on ne pleure pas,
Et on te serre fort, fort contre notre cœur.
À présent, plus personne ne nous séparera,
Petit poussin de mon cœur.




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