LA BALLADE D'ATTILIO
Version
française – LA BALLADE D'ATTILIO – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson
italienne – La
ballata di Attilio – Franco
Trincale – 1970
Qui cherche la fortune trouve la mort |
Attilio
est un garçon sicilien émigré
en Suisse et qui,
épargné par
les catastrophes minières,
fut
tué par des
voyous helvétiques, racistes
et xénophobes qui, encore
dans les années
soixante
et septante,
traitaient
les Italiens
comme des
chiens.
Dans ce texte Trincale,
en plus de rappeler
les
morts de Mattmark (et
de Marcinelle),
fait
une allusion
ironique et amère au fait que les frais de voyage pour les
rapatriements des corps des émigrés morts dans
des
circonstances violentes étaient à charge de l'État - chose qui
revient
souvent dans les chansons de l'émigration. Consolation vraiment
maigre pour une vie brutalement
détruite.
Depuis
ce temps où Trincale faisait cette chanson, Lucien l'âne mon ami,
les choses ont évolué, en apparence, mais dans les faits n'ont pas
changé. Et sans doute, ont empiré.
Comment
ça ? Je n'ai pas entendu parler de beaucoup d'accidents de mine, je
n'ai pas entendu parler de beaucoup d'émigrants italiens morts dans
les usines...
Certes.
Mais la raison est simple : il n'y a plus de mines (ou quasiment), il
n'y a plus d'usines ou en tous cas, beaucoup de moins de
travailleurs dans les usines et de plus, les migrants italiens sont
devenus dans la plupart des cas, des gens du pays dans le pays
d'émigration, même si souvent, ils gardent certains caractères
spécifiques. Je maintiens cependant l'affirmation que les choses ont
empiré et sans doute, vont-elles empirer encore... On en assassine
plus, à présent et même, on les renvoie vers la mort et je ne vois
pas comment on pourra parer à cette terrible dérive. Au fond, la
vérité, c'est qu'il n'y a pas de moyens connus pour éradiquer la
connerie, la bêtise, la méchanceté, l'avarice, l'avidité et la
peur qui y préside. Nombre d'habitants de nos contrées ont peur et
principalement, peur d'eux-mêmes, peur de leurs propres faiblesses,
peur de leur sentiment d'infériorité, qu'ils déguisent en une
affirmation de leur supériorité face à tout nouveau venu. Ils
parlent même de civilisation...
Et
des nouveaux venus, il va y en avoir beaucoup et de plus en plus et
qui viennent de bien plus loin que l'Italie, de venir du bout du
monde, dit Lucien l'âne en hochant son grand front pensif. Et ce
n'est qu'un début. Ils sont des dizaines de millions à errer dans
le monde. Et ce en quoi, Marco Valdo M.I. mon ami, tu as pleinement
raison, c'est qu'ils ne sont pas mieux traités, sinon pire, que
leurs prédécesseurs qui étaient venus ici (et ailleurs) suite –
tiens-toi bien – à la guerre, mais surtout, ô, surtout, en fuyant
la misère. L'Italie, par exemple, dans ces années-là, et
spécialement dans ses campagnes, crevait de faim et le pays –
payant ainsi vingt ans de fascisme – exportait ses habitants.
Uomini contro carbone… entre autres choses. Résultat : sur
place, des bouches en moins à nourrir, des jeunes en moins à
éduquer… et de l'argent frais venant de l'étranger.
Eh
bien, Lucien l'âne mon ami, c'est évidemment la même situation que
l'on trouve aujourd’hui sous le nom de « réfugiés
politiques » pour ceux qui fuient la guerre et de « réfugiés
économiques » pour ceux qui fuient la misère ; ces
derniers font d'ailleurs l'objet d'une vindicte particulière, comme
s'il était normal de mourir de faim… De la part de qui ? Et
voilà un indigne paradoxe : de la part de gens qui ont connu
(tous indistinctement nous sommes des ex-migrants – l'humaine
nation n'ayant jamais cessé de se déplacer et de se mélanger) le
même destin (directement ou dans leur ascendance).
Moi,
je dis que ce sont d'indignes ex-migrants, d'indignes ex-paysans, des
gens qui – si on leur avait appliqué ce qu'ils exigent aujourd'hui
qu'on applique aux autres – notamment par leur vote et leurs
manifestations diverses, ne seraient pas ici maintenant. On pourrait
résumer leur attitude par un slogan : « Les étrangers
dehors et à droite, toute ! ».
Et
cette façon brutale et barbare d'accueillir l'étranger n'est
paradoxale qu'en apparence. C'est, dans les faits, encore un effet de
la Guerre
de Cent Mille Ans
[[7951]] que les riches font aux pauvres, les puissants aux plus
faibles, les installés aux nouveaux arrivants. « Frères
humains qui ... [[5843]]»
Et
dire qu'ils parlent de civilisation… et tout ce qu'ils savent
faire, c'est compter leurs sous. Enfin, reprenons notre tâche et
tissons le linceul de ce vieux monde peuplé d'émigrés en tous
genres, suant la misère, puant la richesse et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Si tu veux voir l'enfer, mon ami,
Viens avec moi, je t'emmène,
Il s'appelle Mattmark et Marcinelle
Où sans laine vont les brebis.
Il
y a l'enfer sur terre, mes amis,
Là où le soleil se cache dans la nuit,
Là où la neige tue les émigrants.
Là, il prend la couleur du sang.
Là où le soleil se cache dans la nuit,
Là où la neige tue les émigrants.
Là, il prend la couleur du sang.
Attilio
quitta son village,
Embrassa sa maman au clair de lune
Et il partit à l'étranger avec sa valise
À la recherche du travail et de la fortune.
Embrassa sa maman au clair de lune
Et il partit à l'étranger avec sa valise
À la recherche du travail et de la fortune.
Il
trouva le travail et fut insulté,
Par des voyous suisses, il fut tué.
La mort dans la mine l'avait épargné
Mais par la main de l'étranger, il fut frappé.
Par des voyous suisses, il fut tué.
La mort dans la mine l'avait épargné
Mais par la main de l'étranger, il fut frappé.
Vêtue
de noir avec les yeux en larmes
Sa maman attend, la pauvre :
Avec le billet gratis, donné,
Dans un cercueil, Attilio est rentré.
Sa maman attend, la pauvre :
Avec le billet gratis, donné,
Dans un cercueil, Attilio est rentré.
Il
y a un train chaque jour à la station
Qui a l'enfer pour destination.
De l'émigrant tel est le sort :
Qui cherche la fortune trouve la mort.
Qui a l'enfer pour destination.
De l'émigrant tel est le sort :
Qui cherche la fortune trouve la mort.
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