LES TRAVAILLEURS DE VIENNE
Version
française – LES TRAVAILLEURS DE VIENNE – Marco Valdo M.I. –
2015
Nous sommes le peuple porteur du monde, Nous sommes le semeur, la semence et la terre. |
La chanson Die Arbeiter von Wien (Les travailleurs de Vienne) est la principale chanson de lutte née pendant la Révolte du juillet viennois de 1927 ; depuis lors, elle fait partie intégrante des chants antifascistes internationaux. Le texte fut écrit par Fritz Brügel (Bedřich Bruegel, d'origine tchèque, né en 1897 à Vienne et mort en 1955 à Londres) ; c'était un bibliothécaire et diplomate ; à ces activités, il adjoignait une discrète activité littéraire. Pour la musique, Brügel reprit celle que le compositeur prolétarien russe Samuel Pokrass avait écrit en 1920 pour une célèbre chanson révolutionnaire, Белая армия, чёрный барон (« Armée blanche, Baron noir »), à propos du baron Pjotr Wrangel (https://fr.wikipedia.org/wiki/Piotr_Nikola%C3%AFevitch_Wrangel).
La Révolte de juillet de 1927 (connue sous le nom de « L'incendie du Palais de Justice de Vienne », en allemand : Wiener Justizpalastbrand) fut une révolte populaire de grande dimension qui éclata dans la capitale autrichienne – Vienne, le 15 juillet 1927. La révolte culmina quand les forces de police tirèrent sur la foule : 84 manifestants et 5 policiers furent tués. Parmi les manifestants, il y eut en outre six cents blessés.
La révolte éclata suite au conflit entre le parti social-démocrate autrichien et une alliance de droite, formée par les riches industriels et l'Église Catholique, dans la tragique situation autrichienne suite à l'écroulement de l'Empire des Habsbourg. Dans les premières années 1920, s'étaient formées en Autriche beaucoup de bandes paramilitaires nationalistes et protonazies, parmi lesquelles le Frontkämpfervereinigung deutsch-Österreichs (« Front Uni de Combat Austro-allemand ») commandé du colonel Hermann Hiltl ; les sociaux-démocrates opposaient leur Republikanischer Schutzbund (« Ligue de Défense Républicaine ») dans un climat de guerre civile. Un premier heurt parmi les deux formations eut lieu le 30 janvier 1927 lors d'une manifestation à Schattendorf, dans Burgenland ; dans l'affrontement, moururent un vétéran de la Grande Guerre et un enfant de 8 ans. Trois membres de la formation nationaliste furent arrêtés et devaient être jugés au mois de juillet à Vienne, sous l’inculpation de massacre et de guet-apens armé. Défendus par l'avocat Walter Riehl, ils plaidèrent l'autodéfense et furent acquittés dans l'indignation générale.
Le « Verdict de Schattendorf » provoqua une grève générale convoquée pour faire démissionner le gouvernement du chancelier social-chrétien Ignaz Seipel. Les protestations massives commencèrent au matin du 15 juillet 1927, quand une foule furieuse tenta de prendre d'assaut le rectorat de l'Université de Vienne dans la Ringstrasse. Les révoltés attaquèrent et détruisirent un commissariat de police voisin et le siège d'un journal, avant de se diriger vers le Parlement autrichien. Repoussés par la police, ils se dirigèrent vers le Palais de Justice. Vers midi, les révoltés entrèrent dans le palais en fracassant portes et fenêtres ; après avoir détruit les bureaux, ils mirent le feu aux archives et au casier judiciaire. En un instant, le palais tout entier fut en proie aux flammes ; le feu se propagea rapidement, tandis que les révoltés assaillaient les pompiers en coupant les tuyaux et en détruisant les bouches d'incendie. Le feu ne put être dompté avant le matin suivant.
Le
chef de la police viennoise, Johann Schober (qui avait été premier
ministre et qui le serait encore), réprima la révolte avec une
violence inouïe. Il força le maire de Vienne, le social-démocrate
Karl Seitz, à faire intervenir l'armée autrichienne ; Seitz refusa,
suivi par le ministre de la Défense, le social-chrétien Carl
Vaugoin. Schober fit alors équiper les forces de police de fusils de
guerre de l'armée, et annonça publiquement qu'il ferait évacuer la
place par la force après que Seitz et le secrétaire du
Republikanischer Schutzbund, Theodor Körner, eussent tenté (en
vain) de convaincre la foule de se disperser. La police ouvrit le feu
et ce fut un massacre de dimensions énormes.
La
chanson, composée dans la foulée des
événements, fut présentée
pour la première fois seulement en 1929 à l'occasion de la IIe
Journée Internationale de la Jeunesse Ouvrière.
En 1934, à l'occasion de la « Bataille de février »
entre le mouvement ouvrier autrichien et le gouvernement fasciste de
Dollfuss, elle connut
encore une grande diffusion
durant la
révolte, contre l'« Austrofascisme »
soutenu par
Mussolini, réprimée dans le sang. Elle fut employée aussi
dans un documentaire électoral du Parti Social-democrate
autrichieno, Geschichte der Nummer 17
(« Histoire du n° 17 »). Depuis
lors, Die Arbeiter von Wien fait
partie du
répertoire antifasciste international, où elle
se diffusa immédiatement. [RV]
Commentaire
à propos des versions norvégienne et suédoise.
La première, historique traduction de ce chant fut la version hongroise, et ce n'est certainement pas un hasard: les deux composantes principales de l'Empire des Habsbourg avaient connu des destins semblables. Si en Autriche, on vit se configurer un régime cléricalo-fasciste soutenu par Mussolini et en raison de sa nature violemment répressif, la Hongrie (qui en 1919 avait connu la brève expérience révolutionnaire de la « République des Conseils » de Béla Kun, renversée et réprimée dans le sang) connaissait déjà depuis 1920 le régime réactionnaire et para-fasciste de l'amiral Miklós Horthy von Nagybánya (pas par hasard « réévalué » fortement dans la Hongrie actuelle du fasciste Orbán). La chose peut être lue en termes de classes : lors de la répression du mouvement ouvrier, les travailleurs autrichiens et hongrois ne virent pas de différences « nationales ». [RV]
La chanson arriva en Norvège en 1934, après avoir été un des hymnes de bataille de la lutte antifasciste en Autriche et utilisée dans le documentaire électoral intitulé « L'histoire du n° 17 ». Elle fut traduite en norvégien par Arne Paasche Aasen (1901-1978), pour être immédiatement reprise par le Suédois Karl Fredriksson qui la rendit dans sa langue (pratiquement identique au norvégien).
Importée
en Suède en 1934, Die Arbeiter von Wien devint
immédiatement un classique du mouvement ouvrier suédois. La chanson
était
reprise
de la traduction norvégienne d'Arne Paasche Aasen, dont elle
reprend même le titre (en norvégien
et suédois
: Vi
bygger landet
– « Nous
bâtissons
le pays ») : la
quasi-identité
entre
les deux langues transparaît
là aussi.
Les traductions scandinaves ne reflètent
pas cependant
l'origine
viennoise du
chant
(signe de précoce internationalisation de
ce dernier),
mais sont assez fidèles quoique d'empreinte
plus pacifiste. Vi
bygger landet fut
chantée
en
mars
1986, à
l'enterrement
du Premier ministre suédois Olof Palme, assassiné le 28 février
précédent à
Stockholm.
Nous
sommes le peuple porteur du monde,
Nous sommes le semeur, la semence et la terre.
Nous sommes les faucheurs de la prochaine moisson,
Nous sommes l'avenir et nous sommes l'action.
Nous sommes le semeur, la semence et la terre.
Nous sommes les faucheurs de la prochaine moisson,
Nous sommes l'avenir et nous sommes l'action.
Alors vole, flamboyant, drapeau rouge,
Ouvre le chemin qui nous emmène.
Nous sommes du futur les combattants fidèles,
Nous sommes les travailleurs de Vienne.
Maîtres des usines, maîtres du monde,
Finalement votre pouvoir sera liquidé.
Nous, l'armée qui crée l'avenir des hommes,
Ferons sauter les chaînes des prisonniers.
Alors
vole, flamboyant, drapeau rouge,
Ouvre le chemin qui nous emmène.
Nous sommes du futur les combattants fidèles,
Nous sommes les travailleurs de Vienne.
Ouvre le chemin qui nous emmène.
Nous sommes du futur les combattants fidèles,
Nous sommes les travailleurs de Vienne.
Bien
que le mensonge détestable nous entoure,
L'esprit s'élève triomphant à son tour.
Sa force brisera les prisons et les fers ,
Nous nous préparons à la bataille dernière.
L'esprit s'élève triomphant à son tour.
Sa force brisera les prisons et les fers ,
Nous nous préparons à la bataille dernière.
Alors vole, flamboyant, drapeau rouge,
Ouvre le chemin qui nous emmène.
Nous sommes du futur les combattants fidèles,
Nous sommes les travailleurs de Vienne.
Alors
vole, flamboyant,
drapeau rouge,
Ouvre le chemin qui nous emmène.
Nous sommes du futur les combattants fidèles,
Nous sommes les travailleurs de Vienne.
Ouvre le chemin qui nous emmène.
Nous sommes du futur les combattants fidèles,
Nous sommes les travailleurs de Vienne.
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