Le
Cri du Front
Canzone
française – Le Cri du Front – Marco Valdo M.I. – 2015
Ce n'était pas un cri de guerre
À peine le son
D'une tête couchée sur son front
Un soir d'août, presque hier.
|
Lucien
l'âne, mon ami, il te souviendra que l'autre jour, j'avais traduit
une chanson italienne, intitulée Natale
1914 [[50233]],
que j'avais intitulée en français : Noël
1914. Elle racontait les épisodes de fraternisation qui avaient
eu lieu sur le front à ce moment.
Je voudrais te faire remarquer deux ou trois choses à ce propos. La
première que c'est une chanson écrite par un Italien – Marco
Chiavistrelli et que l'Italie n'était entrée en guerre qu'en 1915
et que de ce fait, il n'y a évidemment pas de troupes italiennes qui
ont participé à ces embrassades. En fait, et c'est la seconde,de
toute façon,
c'étaient principalement des rencontres entre les troupes
britanniques et allemandes dans ce qui est aujourd'hui le
Nord-Pas-de-Calais. Ce sont des épisodes limités, autour
du solstice d'hiver, à peine tolérés et qui
seront étroitement surveillés pas les autorités des deux camps.
En
effet, je me souviens très bien de cette chanson. Quel rapport
a-t-elle avec celle que tu présentes aujourd'hui ?
Le
rapport est que toutes deux relatent des épisodes de fraternisation,
mais pas de la même manière et pas du même côté du front et pas
le même type d'épisodes. Cette fois, il ne s'agit pas d'une trêve
de Noël, celle-ci
a comme lieu la Champagne et se déroule
probablement en 1916
ou 1917. Dans la chanson,
l'initiative de paix vient des poilus français
et l'histoire
est racontée par un soldat allemand. Ceci
s'explique aisément par le fait que l'auteur de la nouvelle, dont la
chanson est tirée, n'est autre qu'Erich
Maria Remarque [[37758]], l'auteur de « À
l'Ouest rien de nouveau » [[43463]], qui fut lui-même un
de ces jeunes qu'on obligea à aller tuer des gens qu'ils ne
connaissaient pas et qui ne leur avaient strictement rien fait. Pour
en revenir à la comparaison des deux chansons, alors
qu'en décembre 1914, et spécialement en ce premier Noël au front,
il y avait l'idée que cette guerre serait bientôt terminée et
qu'en somme, on était face à un malentendu qui serait vite résorbé,
quelques
années plus tard, on n'en était plus là. On n'en voyait pas la fin
de cette guerre. On s'enlisait. Et la guerre devenait sur le front
une sorte de routine où finalement, les soldats évitaient – dans
les deux camps – de trop en faire. De là, sans doute, ces
« ententes » sur le terrain et aussi, la compréhension
du mécanisme fondamental de la guerre lorsque
descendant ou remontant du front, les soldats croisaient ces camps ou
ces colonnes de prisonniers et se rendaient compte qu'ils étaient
exactement comme eux, que c'étaient leurs frères qui, comme eux,
avaient été envoyés à la boucherie afin de satisfaire des
intérêts supérieurs. Ils découvraient – sur le vif, quand il
était encore temps pour eux – le sens profond de cette guerre et
s'apercevaient qu'elle était un simple épisode de la Guerre
de Cent Mille Ans [[7951]] que les riches mènent sans relâche
contre les pauvres.
Donc,
pour ce qui est de la chanson, ce sont les soldats français qui font
les premières avances…
Exactement.
Les lignes de tranchées sont proches et ils lèvent d'abord un
panneau « Attention », puis, ils montrent des objets
cadeaux, ici des cigarettes… Puis, un drapeau blanc… Tout le
monde se comprend et commence une série d'allers-retours au milieu
des barbelés. Concrètement, les soldats s'organisent pour attendre
la fin de la guerre ; ils tirent pour la frime. Jusqu'à ce que
la hiérarchie s'en mêle et relance le jeu de massacre. Du côté
allemand, un nouveau commandant est envoyé, un dur. Dès qu'apparaît
un des Français confiant des bonnes relations avec l'adversaire
(littéralement, cette fois, celui d'en face), il s'empare d'un fusil
et s'empresse de le tuer. Résultat : douze morts en
représailles dans son camp, dont le commandant lui-même.
Pas
sûr que ce soient les Français qui l'ont eu, celui-là…
Pas
sûr, en effet ! Les soldats en avaient vraiment marre de cette
guerre et de ces cinglés. Tout comme pour les trêves, tacites et
clandestines, la littérature foisonne de ces officiers et
sous-officiers va-t-en guerre rossés, liquidés par leur propres
troupes. Enfin, note ce quatrain où il est fait mention du souvenir
qui s'incruste dans les rêves du survivant, de cette souvenance qui
n'en finit jamais, de cette horreur polluant les nuits de la paix
revenue et pendant tant de temps… Ça, c'est un thème récurrent
de Remarque… En fait, ce qu'il ressentait lui-même… des années
et des années plus tard. La guerre, vois-tu Lucien l'âne mon ami,
continue dans la paix.
Alors,
Marco Valdo M.I. mon ami, continuons notre tâche et tissons le
linceul de ce vieux monde toujours en guerre, hâbleur, matamoresque,
tricheur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco valdo M.I. et Lucien Lane
Soldats,
votre conscience est nette,
On
ne se tue pas entre soldats !
On
serait bien mieux à faire la fête,
À
quoi donc rime tout cela ?
Pan,
pan, pan… Au matin à sept heures
Pan,
pan, pan… Salut, on tire au petit bonheur
Pan,
pan, pan… Au soir, bain de soleil aux barbelés
Pan,
pan, pan… Bientôt, on ira se coucher.
En
face, un panneau s'agite tout droit :
« Attention ! »…
Attention à quoi ?
Un
carton de cigarettes danse
« Compris ! ».
Tissu blanc, chemise blanche.
Hors
de la tranchée, un homme vient, un homme rampe
Il
pose un cadeau, il décampe.
J'avance
heureux, joyeux, hilare ;
Je
pose notre cadeau, je repars.
Entre
les tranchées, deux hommes musardent
« Bonjour,
camarade ! »
« Bonjour,
bonjour ! »
Et
retour.
Donne-moi
ta main et prends la mienne
Entre
nous, la guerre est finie.
J'ai
ma vie, tu as la tienne.
Soyons
amis, la guerre est finie !
Collégiens,
commerçants, paysans, ouvriers,
Garçons
inoffensifs, maintenant prisonniers
N'étaient
pas des ennemis
Avant…
Avant qu'on les arme de fusils.
Ce
faible cri, je vais l'entendre
Je
n'entends plus que lui
Je
l'entends toutes les nuits
Pas
même un mot, juste un cri.
Ce
n'était pas un cri de guerre
À
peine le son
D'une
tête couchée sur son front
Un
soir d'août, presque hier.
Pan,
pan, pan… Au matin à sept heures
Pan,
pan, pan… Salut, on tire au petit malheur
Pan,
pan, pan… Au soir, bain de soleil aux barbelés
Pan,
pan, pan… Bientôt, on ira se coucher.
Soldats,
votre conscience est nette,
On
ne se tue pas entre soldats !
On
serait bien mieux à faire la fête,
À
quoi donc rime tout cela ?
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