lundi 13 juillet 2015

Le Cri du Front

Le Cri du Front

Canzone française – Le Cri du Front – Marco Valdo M.I. – 2015

Ce n'était pas un cri de guerre
À peine le son
D'une tête couchée sur son front
Un soir d'août, presque hier.


Lucien l'âne, mon ami, il te souviendra que l'autre jour, j'avais traduit une chanson italienne, intitulée Natale 1914 [[50233]], que j'avais intitulée en français : Noël 1914. Elle racontait les épisodes de fraternisation qui avaient eu lieu sur le front à ce moment. Je voudrais te faire remarquer deux ou trois choses à ce propos. La première que c'est une chanson écrite par un Italien – Marco Chiavistrelli et que l'Italie n'était entrée en guerre qu'en 1915 et que de ce fait, il n'y a évidemment pas de troupes italiennes qui ont participé à ces embrassades. En fait, et c'est la seconde,de toute façon, c'étaient principalement des rencontres entre les troupes britanniques et allemandes dans ce qui est aujourd'hui le Nord-Pas-de-Calais. Ce sont des épisodes limités, autour du solstice d'hiver, à peine tolérés et qui seront étroitement surveillés pas les autorités des deux camps.


En effet, je me souviens très bien de cette chanson. Quel rapport a-t-elle avec celle que tu présentes aujourd'hui ?


Le rapport est que toutes deux relatent des épisodes de fraternisation, mais pas de la même manière et pas du même côté du front et pas le même type d'épisodes. Cette fois, il ne s'agit pas d'une trêve de Noël, celle-ci a comme lieu la Champagne et se déroule probablement en 1916 ou 1917. Dans la chanson, l'initiative de paix vient des poilus français et l'histoire est racontée par un soldat allemand. Ceci s'explique aisément par le fait que l'auteur de la nouvelle, dont la chanson est tirée, n'est autre qu'Erich Maria Remarque [[37758]], l'auteur de « À l'Ouest rien de nouveau » [[43463]], qui fut lui-même un de ces jeunes qu'on obligea à aller tuer des gens qu'ils ne connaissaient pas et qui ne leur avaient strictement rien fait. Pour en revenir à la comparaison des deux chansons, alors qu'en décembre 1914, et spécialement en ce premier Noël au front, il y avait l'idée que cette guerre serait bientôt terminée et qu'en somme, on était face à un malentendu qui serait vite résorbé, quelques années plus tard, on n'en était plus là. On n'en voyait pas la fin de cette guerre. On s'enlisait. Et la guerre devenait sur le front une sorte de routine où finalement, les soldats évitaient – dans les deux camps – de trop en faire. De là, sans doute, ces « ententes » sur le terrain et aussi, la compréhension du mécanisme fondamental de la guerre lorsque descendant ou remontant du front, les soldats croisaient ces camps ou ces colonnes de prisonniers et se rendaient compte qu'ils étaient exactement comme eux, que c'étaient leurs frères qui, comme eux, avaient été envoyés à la boucherie afin de satisfaire des intérêts supérieurs. Ils découvraient – sur le vif, quand il était encore temps pour eux – le sens profond de cette guerre et s'apercevaient qu'elle était un simple épisode de la Guerre de Cent Mille Ans [[7951]] que les riches mènent sans relâche contre les pauvres.


Donc, pour ce qui est de la chanson, ce sont les soldats français qui font les premières avances…


Exactement. Les lignes de tranchées sont proches et ils lèvent d'abord un panneau « Attention », puis, ils montrent des objets cadeaux, ici des cigarettes… Puis, un drapeau blanc… Tout le monde se comprend et commence une série d'allers-retours au milieu des barbelés. Concrètement, les soldats s'organisent pour attendre la fin de la guerre ; ils tirent pour la frime. Jusqu'à ce que la hiérarchie s'en mêle et relance le jeu de massacre. Du côté allemand, un nouveau commandant est envoyé, un dur. Dès qu'apparaît un des Français confiant des bonnes relations avec l'adversaire (littéralement, cette fois, celui d'en face), il s'empare d'un fusil et s'empresse de le tuer. Résultat : douze morts en représailles dans son camp, dont le commandant lui-même.

Pas sûr que ce soient les Français qui l'ont eu, celui-là…


Pas sûr, en effet ! Les soldats en avaient vraiment marre de cette guerre et de ces cinglés. Tout comme pour les trêves, tacites et clandestines, la littérature foisonne de ces officiers et sous-officiers va-t-en guerre rossés, liquidés par leur propres troupes. Enfin, note ce quatrain où il est fait mention du souvenir qui s'incruste dans les rêves du survivant, de cette souvenance qui n'en finit jamais, de cette horreur polluant les nuits de la paix revenue et pendant tant de temps… Ça, c'est un thème récurrent de Remarque… En fait, ce qu'il ressentait lui-même… des années et des années plus tard. La guerre, vois-tu Lucien l'âne mon ami, continue dans la paix.


Alors, Marco Valdo M.I. mon ami, continuons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde toujours en guerre, hâbleur, matamoresque, tricheur et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco valdo M.I. et Lucien Lane




Soldats, votre conscience est nette,
On ne se tue pas entre soldats !
On serait bien mieux à faire la fête,
À quoi donc rime tout cela ?

Pan, pan, pan… Au matin à sept heures
Pan, pan, pan… Salut, on tire au petit bonheur
Pan, pan, pan… Au soir, bain de soleil aux barbelés
Pan, pan, pan… Bientôt, on ira se coucher.

En face, un panneau s'agite tout droit :
« Attention ! »… Attention à quoi ?
Un carton de cigarettes danse
« Compris ! ». Tissu blanc, chemise blanche.

Hors de la tranchée, un homme vient, un homme rampe
Il pose un cadeau, il décampe.
J'avance heureux, joyeux, hilare ;
Je pose notre cadeau, je repars.

Entre les tranchées, deux hommes musardent
« Bonjour, camarade ! »
« Bonjour, bonjour ! »
Et retour.

Donne-moi ta main et prends la mienne
Entre nous, la guerre est finie.
J'ai ma vie, tu as la tienne.
Soyons amis, la guerre est finie !

Collégiens, commerçants, paysans, ouvriers,
Garçons inoffensifs, maintenant prisonniers
N'étaient pas des ennemis
Avant… Avant qu'on les arme de fusils.

Ce faible cri, je vais l'entendre
Je n'entends plus que lui
Je l'entends toutes les nuits
Pas même un mot, juste un cri.

Ce n'était pas un cri de guerre
À peine le son
D'une tête couchée sur son front
Un soir d'août, presque hier.

Pan, pan, pan… Au matin à sept heures
Pan, pan, pan… Salut, on tire au petit malheur
Pan, pan, pan… Au soir, bain de soleil aux barbelés
Pan, pan, pan… Bientôt, on ira se coucher.

Soldats, votre conscience est nette,
On ne se tue pas entre soldats !
On serait bien mieux à faire la fête,

À quoi donc rime tout cela ?

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