jeudi 30 juillet 2015

JE VIENS MOI AUSSI. NON TOI NON !

JE VIENS MOI AUSSI. NON TOI NON !



Version française – JE VIENS MOI AUSSI. NON TOI NON ! – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Vengo anch'io. No, tu no! – Enzo Jannacci – 1967
Auteurs : F. Fiorentini - D. Fo - E. Jannacci – Enzo Jannacci – 1967



Enzo Jannacci - Dario Fo - 1963

On pourrait aller tous ensemble dans les mercenaires
Là-bas au Congo de Mobutu se faire enrôler
Je viens moi aussi ? Non toi non.





Regarde, Lucien l'âne mon ami, comment vont les choses dans ce monde étrange dans lequel il nous est arrivé de vivre parallèlement l'un à l'autre.


Sans doute, sans doute. Pour paraphraser en le détournant le titre de la chanson que tu as récemment traduite : Je viens moi aussi et toi de même. Mais au fait, dis-moi Marco Valdo M.I. mon ami, ce qu'elle vient faire ici cette chanson et aussi, un peu, pourquoi tu l'insères en italien, comme si nos amis des CCG n'en avaient pas connaissance. Elle leur aurait donc échappé ?


D'abord, commençons par le commencement. Et... Au commencement était Carlo Levi.


Quoi ? Que vient faire Carlo Levi dans cette affaire ? Tu ne vas quand même pas me dire que c'est Carlo Levi qui t'as fait connaître cette chanson… Si je me souviens bien, Carlo Levi est mort depuis longtemps…

En effet, Carlo Levi est mort il y a quarante ans et pourtant, c'est bien lui qui m'a suggéré cette chanson. D'où, mon « Au commencement était Carlo Levi... ». Mais venons-en au fait. Depuis quelques temps, je me suis remis à refaire une version en langue française de cet étonnant et très intrigant livre de Carlo Levi : Paura della Libertà – La Peur de la Liberté. Je te rappelle au passage que Carlo Levi est un des fondateurs et des penseurs du mouvement clandestin de résistance au fascisme, Giustizia e Libertà. C'était au début des années vingt du siècle dernier. Donc… Pour des raisons de traduction, d'éclaircissement du processus qui avait conduit Carlo Levi à écrire – pour lui-même – Paura della Libertà, j'ai relu une série d'interviews qu'il avait données dans les années soixante et septante à la radio et à des journaux. Et c'est dans une de ces transcriptions, que j'ai trouvé le passage suivant, où il est question de cette chanson de Jannacci. La journaliste de la RAI – Terzo Programma (14 juin 1969), Marina Como, lui demande :
« Può far mi il nome de qualche canzone che Le è capitato di ascoltare et che Le piace, oppure il nome di qualche cantante… » (Pouvez-vous me donner le nom d'une chanson qu'il vous est arrivé d'écouter et qui vous plaît, ou le nom d'un chanteur...)
Et Carlo Levi répond… Avant de donner sa réponse, j'indique qu'elle intéresse particulièrement les CCG en ce qu'elle dit à propos de la chanson en général. Donc, Carlo Levi :
« Ce ne sono un'infinità…
Ci sono poi altre canzoni fra le centomila che si ascoltano per le quale ho interesse proprio per la scoperta di un loro motivo psicologico attuale : per esempio certe canzoni di Jannacci… quella di Jannacci ad esempio che dice Vango anch'io… questo « vengo anch'io » l'ho trovato fantastico, bellissimo... » (Il y en a une infinité… Il y a ensuite d'autres chansons parmi les cent mille qu'on entend et pour lesquelles j'ai de l'intérêt précisément en raison de la découverte d'un motif psychologique actuel : par exemple certaine chanson de Jannacci… celle de Jannacci qui dit Vengo anch'io … ce « vengo anch'io », je l'ai trouvé fantastique, très beau... »). Arrivé là, je me suis précipité dans les CCG pour voir cette chanson… Elle n'y était pas. Je l'ai donc cherchée et maintenant, je l'ai insérée dans les CCG. D'abord, la version italienne et ensuite, comme tu le vois, ma version en français. Mais…


Tu ne vas quand même pas me dire qu'il y a encore des éléments inattendus : tu t'intéresses à une chanson, tu la trouves, tu l'insères, tu insères une version en français… Que peux-tu y ajouter ? Tout est dit, non ?


Non. Il y a plus qu'on ne l'imagine dans ce cheminement hasardeux, le voyage au pays de la chanson est sujet à d'étranges aléas. Il y a le texte et le texte. Et l'histoire de la chanson elle-même. Il y a que parmi les auteurs, il y a Dario Fo et j'avais déjà traduit le texte que j'avais trouvé et qui reprenait exactement ce qu'on peut entendre dans les enregistrements publics de Jannacci et dans les compilations que l'on trouve sur Internet. Cependant, je trouvais à ce texte, un goût d'un peu trop peu, lorsque j'ai découvert que la version diffusée et connue avait été censurée et les deux dernières strophes avaient été interdites d'édition. Et quelles strophes… C'étaient de vraies bombes politiques et imagine, elles touchaient à la Belgique 'une part, dans sa politique post-coloniale au Congo et à la dictature de Mobutu et d'autre part, à la catastrophe minière du Bois du Cazier, mettant également directement en cause le résultat de la politique d'émigration italienne : Uomini contro carbone. J'ai donc rajouté ces deux strophes. Je te laisse découvrir.


Laissons découvrir… Car de fait, avec ces deux strophes, c'est réellement une autre chanson, très explicitement chanson contre la guerre, cette fois.
Alors, écoutons-la et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde dérisoire, arrogant, avide, aveugle, assassin et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



On pourrait tous aller au zoo communal.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Pour voir comment sont les bêtes féroces
Crier au secours, le lion s'est enfui, à l'aide
Et voir en cachette l'effet que ça fait.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait tous aller maintenant que c'est le printemps.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Avec sa belle bras dessus, bras dessous parler d'amour,
Découvrir qu'il finit toujours par pleuvoir
Et voir en cachette l'effet que ça fait.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait tous espérer un monde meilleur.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Où chacun, est prêt à te couper une main,
Un beau monde de haine et sans amour
Et voir en cachette l'effet que ça fait.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait tous aller à ton enterrement
Je viens moi aussi. Non toi non.
Pour voir si les gens pleurent vraiment,
Comprendre que pour tous, c'est là chose banale
Et voir en cachette l'effet que ça fait.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait aller tous ensemble dans les mercenaires
Je viens moi aussi ? Non toi non.
Là-bas au Congo de Mobutu se faire enrôler
Puis tirer dans les nègres à la mitrailleuse
Chaque tête rapporte à la civilisation.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait aller tous en Belgique dans les mines
Je viens moi aussi ? Non toi non.
Voir ce qui se passe quand éclate le grisou
Remonter de beaux cadavres avec les ascenseurs
Ensevelis sous le drapeau tricolore.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

LES ANIMAUX

LES ANIMAUX


Version française – LES ANIMAUX – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Gli animaliAlessandro Mannarino – 2014
Paroles et musique : Alessandro Mannarino

Bestiaire


Voici, Lucien l'âne mon ami, une chanson qui devrait bien te plaire. Elle raconte des histoires d'animaux ; On dirait un vrai zoo, ou à tout le moins une ménagerie. Elle devrait figurer dans un bestiaire.


Merci bien, j'aime beaucoup les chansons où il est question des animaux et j'aime aussi les bestiaires. De quels animaux parle-t-elle, celle-ci ?


Elle parle du chien, de l'âne, des chiroptères (plus connus sous le nom de chauves-souris, mais ça n'allait, pas pour la rime), du mulet, du crocodile, des serpents, de l'agnelet, du singe et des poissons…


Ça fait du monde et ce serait peut-être le moment de rappeler aux humains les droits des animaux et spécifiquement, ceux de l'âne par le biais de cette Déclaration Universelle des droits de l'âne  que tu publias ici-même, il y a quelques temps. Je ne voudrais pas qu'elle s'abîme comme un navire qu'un capitaine négligent a oublié au coin d'un océan.


Moi, elle m'a remis en mémoire deux chansons que j'aime beaucoup et qui trouveraient place elles aussi dans un bestiaire des chansons contre la guerre : l'une est une sorte de zoo à elle toute seule, elle s'intitule Les Éléphants et l'autre, à laquelle – comme on le découvrira – il est fait allusion dans la version française ci-dessous, s'intitule « La Maman des Poissons ». Tout comme y trouverait place Le crocodile d'Offenbach , qu'il faudrait bien lui rendre… Rendons à Offenbach, ce qui est à Offenbach ! Mais voilà, il manque un bestiaire dans les parcours des Chansons contre la Guerre ; il y a bien un parcours relevant les chansons où des animaux sont mal traités. Mais le bestiaire, ce serait autre chose ; disons que ce serait le coin des animaux. Il y aurait là aussi par exemple le chameau ou le dromadaire et le chameau, ou le chameau et le dromadaire , sans compter le chat ...


Moi aussi, je les aime beaucoup les nouvelles chansons que tu annonces et j'espère qu'elles seront bientôt dans le bestiaire des Chansons contre la Guerre et bien évidemment, rendons à Offenbach, ce qui lui revient. En attendant écoutons celle-ci et reprenant notre tâche, tissons, tissons le linceul de ce vieux monde trop anthropocentré, trop anthropocentrique, parfois même trop atroce, négligeant les animaux,et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Le chien se soumet
Parce que ça lui plaît
L'âne va d'avant en arrière
De chez lui au cimetière.
Les chiroptères
Évitent la lumière
Le mulet porte le bât
Et ne se reproduit pas
Le crocodile cherche
Toujours une proie
La proie se démène
Pour qu'il la voie
Les serpents pullulent
Comme les saints patrons
Ils changent de vêtements
Ils sont sales dedans, dehors élégants
Faites attention !

Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh

Les gouvernements changent
Mais pas les esclaves
L'agnelet hurle
Et les chiens policiers bavent
Le singe pourpre
A mis son kimono
Il dit qu'il peut parler haut
Avec le Tonnerre Suprême
Dans la forêt, on a construit un grand Dôme
Où les animaux vénèrent l'homme.
Les poissons dans la mer se confondent
Et font le tour du monde
Ils sautent au soleil et baisent dans l'eau profonde

Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh.
Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh.
« Grand-père, grand-père, puis-je te poser une question sur notre vie de poissons de la mer ? Pourquoi parfois il y en a un qui disparaît ? »

« Car il a été pris dans le filet du pêcheur. »

« Mais y a-t-il un moyen de ne pas se faire attraper ? »

« Il faut savoir distinguer la lumière des étoiles de celle des lamparos. »

Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh

lundi 27 juillet 2015

IL Y A LE DIABLE

IL Y A LE DIABLE

Version française – IL Y A LE DIABLE – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Il diavolo c'è - Sergio Endrigo – 1993

Parole
s et musique de Sergio Endrigo



Ah, ah, qu'est-ce qu'il y a ?
Tu peux être sûre que là,

Il y a le Diable,
Il y a le Diable.




Voilà, dit Lucien l'âne en riant tout en balançant la tête de haut en bas ou de bas en haut selon le moment du tempo, une chanson qui en effrayerait plus d'un et qui l'entraînerait à appeler au secours un prêtre exorciste. Des exorcistes… au cours de mes périples, il me fut donné d'en rencontrer plusieurs et tous me parurent un peu brin de zinc ou brindezingue comme on voudra.


Oh, j'aime bien ton brin de zinc, je trouve l'expression assez jolie, même si dans le français authentifié, elle n'existe pas encore ; ce qui ne saurait au reste tarder. Mais j'en arrive à l'effroi que pourrait créer le titre de la chanson et peut-être chez les mêmes personnes, la chanson entière – on voit de tout les côtés de ces fanatiques, ces temps-ci et j'en profite pour leur lancer une de nos antiennes : « Fanatiques de tous les pays, calmez-vous ! ».
Donc, l'effroi de certains… On ne saurait les en guérir pour la simple raison que si effroi il y a, c'est parce qu'ils croient à l'existence du Diable et la chose va de pair avec la croyance à l'existence de Dieu, étant les deux faces du même ectoplasme. Et on aura beau leur expliquer que le diable de la chanson de Sergio Endrigo est en quelque sorte une figure, une image, une entité symbolique, un objet rhétorique, ils n'en démordront pas. Disons que chez Endrigo, cette entité symbolique en appelle à l'idée qu'on se faisait du diable dans un Moyen Âge reculé en opposition au dieu de ce temps, lequel dieu était censé être le bon et le diable de son côté, assumait le rôle du mauvais, dans une sorte de western œcuménique. Pour conclure, voici : le diable, c'est le mal, le mauvais côté des choses et du monde. Dans la chanson, tu peux – sans en aucune façon en occulter le sens – remplacer le mot « diable » par le mot « mal ».


D'accord, la messe est dite. Mais qu'as-tu d’autre à dire à propos de cette chanson ? Car je vois à ton œil qui pétille que tu brûles de me révéler une de tes étranges pensées, qui, je l'avoue, me déconcertent souvent...


Et tu n'as pas tort. Encore une fois, ce qui m'agite, c'est un souci de traduction. Le texte italien dit : « Nella gente che... il diavolo c'è ! », ce qui se traduit généralement par « Dans les gens qui... », que normalment on convertit en « Parmi les gens, chez les gens... », tout ce qu'on voudra sauf « Dans les gens... », ce qui supposerait « dans les gens = à l'intérieur des gens... » Cependant, à la réflexion, et me remémorant le film italien « Il piccolo diavolo » (http://www.filmpertutti.co/il-piccolo-diavolo/), où un diable exilé sur Terre (Benigni) s'introduit dans des personnes (particulièrement, une grosse dame, un cardinal…) et où il convient de faire appel à des exorcistes pour l'en extraire. La suite à l'écran… Je me suis rendu compte que la bonne traduction était véritablement dans, à l'intérieur des gens…

Alors voyons avec Endrigo ce que le « diable » fait en entrant dans les gens et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde hanté, endiablé, rongé par le mal de diable et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Dans les gens qui se croient toujours plus haut que toi,
Qui te traitent en esclave et se prennent pour les rois,
Pleins de la vanité, de la suffisance et de la superbe
Du paon gonflé et triomphant qui se croit on ne sait quoi,
Il y a le Diable,
Il y a le Diable.

Dans les gens qui ne dépensent rien, ne donnent rien à qui n'a rien
Et confient tout leur bonheur à leurs biens,
Qui ont un trésor sous le lit et vivent en pauvreté,
Qui nous verraient crever de soif et n'offriraient pas un café.
Il y a le Diable,
Il y a le Diable.

Dans les gens qui envient tout ce qu'on a
Peu ou rien peu importe, qui envient même nos tracas.
Ah, ah, qu'est-ce qu'il y a ?
On peut être sûr que là
Il y a le Diable.

Dans les gens qui ne font rien pour rien et ne font pas
Et qui passent leurs jours à bailler sur leur sofa,
Et s'écroulerait le monde qu'ils ne bougeraient même pas un doigt,
Qui prennent tout et ne donnent rien et ne se demandent jamais pourquoi.
Il y a le Diable,
Il y a le Diable.

Dans les gens qui prennent feu pour rien et s'enflamment de fureur,
Se fâchent, s’énervent et sont toujours prêts à exploser :
Des mèches allumées, des bombes en liberté.
Dans ces gens qui pour un rien tuent des gens, savez-vous ce qu'il y a ?
Il y a le Diable,
Il y a le Diable.

Dans les gens qui se gavent comme s'ils étaient Gargantua
D'abord mangent leur part et puis veulent tout le plat.
Ah, ah, qu'est ce qu'il y a ?
On peut être sûr que là,
Il y a le Diable.

Dans tes jambes si élancées que des plus longues on n'en trouve pas,
Dans ta bouche si gentille qui ne dit jamais je ne veux pas,
Dans ta peau d'or comme les saints, comme les rois,
Dans tes aisselles mouillées qui parfument tes bras
Il y a le Diable,
Il y a le Diable.

Dans les gens qui t’épient, te déshabillent, ne regardent que toi
Et ne veulent pas admettre que tu es seulement à moi
Ah, ah, qu'est-ce qu'il y a ?
Tu peux être sûre que là,
Il y a le Diable,

Il y a le Diable.

dimanche 26 juillet 2015

FRANCESCO BARACCA

FRANCESCO BARACCA


Version française – FRANCESCO BARACCA – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienneFrancesco Baracca – Sergio Endrigo – 1982
Te
xte de Maria Giulia Bartolocci/Sergio Bardotti
Musi
que de Sergio Endrigo

Album: Mari del Sud (Fonit Cetra, 1982)




Un feu d'artifice, une comète
Comme un oiseau blessé qui tombant
Devient plumes et vent 
Et puis silence.


Ah, Lucien l'âne mon ami, on ne comprend véritablement les chansons qu'après les avoir traduites et plus encore quand on tente d'exprimer ce que l'on ressent. Il faudrait se méfier ; il y a parfois des chansons idiotes.


Chanson idiote ? Mais pourquoi ?


Par exemple, parce qu'elle raconte une histoire idiote ou traite de façon idiote une histoire somme toute banale. À moins que, à la relire, on s'aperçoive qu'il y traîne je ne sais quel parfum d'ironie, je ne sais quel double sens. Une sorte de distanciation, qui dès qu'on la perçoit renverse le sens apparent.


Évidemment, vu comme ça, c'est autre chose et j'aimerais mieux qu'il en soit ainsi. Mais quand même, cela dit et entendu, dis-moi l'affaire, comme si la chanson était vraiment une chanson idiote…


Donc, voici une chanson qui raconte une histoire idiote : celle d'un aviateur qui se fait abattre par l'artillerie ou par une mitrailleuse au sol. Il en meurt : c'est normal, c'était un aviateur militaire et c'était un héros. Un héros, surtout quand il est militaire, il est normal qu'il meure dans l'action ; sinon, en quoi serait-il un héros ? . Comme disait Ferré 
« Et comme on dit, je ne sais plus où
Un général ça meurt debout
Si seulement ça mourait couché
Je vois pas pourquoi j'irais râler ».
Là, vois-tu, mourir au lit, c'est tout de suite moins héroïque.


En effet, je trouve ça très bien de mourir dans l'action, surtout s'il faut en faire un héros. Dans le fond, ce sont les risques du métier. Surtout quand on est un militaire de haut vol, quand on est un as de l'aviation. Rien à voir avec « nous les petits, les obscurs, les sans-grade,
Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades,
Sans espoir de duchés ni de dotations,
Nous qui marchions toujours et jamais n'avancions; »
(L'Aiglon – Rostand).
Rien à voir avec tous ces gens dont a toujours fait la chair à canon  et quand on en fait des « héros », c'est globalement sur les monuments, dans des discours, dans des livres pleins d'exaltations assassines et patriotiques. Ces « héros de masse » sont des héros bien malgré eux, ce sont des héros inconnus ; des héros industriels : on les traite par milliers, quand ce n'est pas par centaines de milliers. D'ailleurs, ce « peuple de héros » se serait bien passé de tout héroïsme et aussi bien entendu, de mourir à la guerre. Contrairement aux généraux et aux héros, le peuple, les petites gens, les gens simples préfèrent mourir dans leur lit.


Oh, je les connais bien, moi qui les ai croisés dans les tranchées… Car, nous les ânes, on fait partie de ces « héros inconnus » et s'ils avaient pu, comme nous les ânes, ils se seraient enfuis à l'autre bout du continent ou n'importe où il n'y avait pas la guerre. Et je t'assure qu'ils n'en avaient strictement rien à faire de la gloire et de tout ce qui s'en suit. En fait, ils ne pensaient qu'à rentrer chez eux.


Quant à l’as de l'aviation, vois-tu Lucien l'âne mon ami, c'était pas pareil. C'était un as, c'était un compétiteur, il cherchait sa renommée dans le ciel… Il devait confondre la guerre avec des Jeux olympiques… Il rêvait d'exploits et de gloire.


Et il tire gloire de quoi exactement ? De piloter un avion ? De mourir en tombant du ciel ? En quoi devrais-je trouver la chose plus intéressante et plus digne que cette mort inconnue qui frappait les millions de paysans et d'ouvriers et d'inconnus et de gens de rien ou de quelque chose ? Y a-t-il une poésie particulière à tomber du ciel plutôt que de s'enfoncer démembré dans la boue de la tranchée ou champ de bataille ? Ça me rappelle les petits illustrés où on racontait les « exploits » des aviateurs des guerres de 1914-18, de 1940-45, de la guerre de Corée, de celle du Vietnam… Peut-être y en a-t-il sur les guerres des Balkans ou d'Irak… Il y a même une série où les « héros » finissent par être à la retraite… Allons, reprenons notre tâche sans gloire et tissons le linceul de ce vieux monde idiot rempli de héros, de guerriers prestigieux, de médaillés, de décorés, de champions et cacochyme.

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


C'était un ancien matin italien
Avec les mouches, les pavots, le grain
Les paysans paraissaient peints
Le soleil, le Po et les héroïques destins
Juillet milleneufcent quelque chose
Et tout à coup de la plaine bruineuse,
Comme l'aigu du ténor se détacha
L'avion de Francesco Baracca.

Il vibrait fort l'oiseau de toile
Léger et fragile, il vole
Et il s'élevait en spirale
Comme une allègre valse romagnole
Et là-haut la terre se montrait
Comme une femme heureuse s'ouvrait
Sans crainte et sans timidité
Elle découvrait sa douce rotondité.
Et il y avait Riccione, il y avait Rimini
Et au fond le Sud, inexploré midi
Et au Nord, le grondement du canon
Dévastateur comme l'inondation
Alors lui entra dans l'âme et dans l'esprit
Son inconsciente et belle Italie
Et il souffrit de jalousie, gare à qui la touche
Gare à qui l'enlève.

Et il plongea jouer avec le sort ;
La jeunesse n'a pas de la peur de la mort.
Ce ne fut pas un duel, il n'y eut pas de cavalerie
Mais un coup bas de l’infanterie.
Et déjà, il voyait s'enfuir sa vie
Un feu d'artifice, une comète
Comme un oiseau blessé qui tombant
Devient plumes et vent
Et puis silence.

Le poète dit qu'en mourant
La vie entière se revoit en un instant
Les jeux, les espoirs, les peurs
Les faces aimées, les amis, les cœurs
Juillet milleneufcent dix-huit
Il y avait un homme qui tout perdit
Et l'Italie agraire et prolétaire
Conquérait son premier as de l'air


Comme un oiseau blessé qui tombant
Devient plumes et vent
Et puis silence.