LE DÉSERTEUR
Version
française – LE DÉSERTEUR – Marco Valdo M.I. – 2014
d'après
la version italienne d'une
Chveik le soldat
|
La
création populaire, dans ses moments les plus représentatifs tels
les rites, les traditions liées aux cycles annuels, les danses, les
ballades, exprime une inégalable capacité d'unir au sens de
l'histoire une très riche dimension poétique, magique, imagine.
En
présentant ce disque de chants, danses et ballades principalement
piémontaises et occitanes, nous voulons reproposer l’esprit et les
structures originaux de chaque musique, en intervenant dans une
certaine mesure, dans le respect de la tradition populaire avec nos
élaborations et nos arrangements.
«
Le Déserteur » est une vieille ballade dont on connaît beaucoup de
variantes surtout en Piémont et en France. Nous avons marié un
texte piémontais à une musique de provenance française.
Comme
pour la Ballade du volontaire (reproposée en italien du duo
Centanaro/Winderling) [[48156]] le mobile de la désertion ou de la
trahison est – pour des raisons de « censure » – transposé en
événements amoureux ou plus inconsistants (aller saluer les
parents), qui justifient le meurtre du capitaine, autrement
inexplicable.
En
outre, il me reste un doute relatif à l'exécution du déserteur,
car je n’ai pas compris si on l'a fusillé (Oh tire fort jusqu'à
ce que je tombe mort) ou si on l'a pendu (allez dire à mon père que
je n'ai pas été pendu), mais le protagoniste ne le savait peut-être
pas lui-même, qui, à propos, est celui qui, comme dans d'autres
versions de la complainte, raconte à la première personne les
événements.
(Gianfranco
Robiglio)
Mon
ami Lucien l'âne, voici une canzone issue du folklore, c'est-à-dire
une chanson venue de lieux et de temps où les chansons, chants,
lais, ballades… se transmettaient et circulaient de bouche à
oreille, où l'essentiel de la « culture » était oral.
Oh
moi, la chanson folklorique, je la connais bien ; elle est dans mes
oreilles depuis si longtemps. Ce qui doit d'ailleurs être le cas de
presque tout le monde. Par parenthèse, dit Lucien l'âne, en
clignant de l’œil, ce doit encore être le cas aujourd’hui et
d'autant plus qu'il y a des amplificateurs de portée kilométrique
et même, continentale ou mondiale. Mais veux-tu bien m'en dire un
peu plus à propos de cette canzone...
Maintenant,
j'en viens à cette histoire de déserteur… Un sujet que l’on
rencontre souvent dans les Chansons contre la Guerre et pour cause.
Il doit y en avoir beaucoup des déserteurs et de toutes sortes et de
toutes les époques. Cela dit, celui-ci est quand même assez
particulier en ce qu'on le retrouve dans une série de canzones -
c'est un archétype et apparemment, la canzone de référence serait
précisément une canzone du 15ième siècle, intitulée La Chanson
du Déserteur [[963]]… dont seraient issues une série de canzones
racontant à peu près la même histoire.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, tu as bien fait de dire « apparemment »,
car je me souviens qu'il y avait déjà des canzones qui racontaient
des choses similaires dans les légions romaines, en Gaule, en
Hellénie, en Ionie, en Perse, en Égypte et j'imagine bien en Chine.
C'est
plus que vraisemblable, Lucien l'âne mon ami, car partout où il y a
des armées, des guerres et toutes ces sortes de choses, il y a ipso
facto des déserteurs et tout ce qui s'ensuit. Sinon comment
expliquer les sanctions terribles qui sont promises à ceux qui
désertent… pour autant qu'on les attrape, ce qui n'est pas
toujours le cas. Heureusement !
Oui,
oui, on ne les attrape pas toujours… Je pense, comme toi (ainsi que
ton sourire malicieux me le révèle) à ce Brave soldat Chveik
[[8859]] qui, sur l'ordre exprès du lieutenant « Chveik, en avant !
», partit à l'assaut, traversa les rangs ennemis, sortit de l'autre
côté du champ de bataille et disparut à jamais dans la grande mer
des civils.
«
Surtout, ne me reconnaissez pas
J'étais
Chveik le soldat
Et
surtout, oubliez-moi,
J'étais
Chveik le soldat. »
Donc,
pour y revenir, cette canzone est la fille d'une longue tradition. Ce
qui a été relevé par Gianfranco Robiglio. Mais avant d'en finir,
je voudrais te dire deux mots à propos de la version que je propose…
et spécialement du « Gentil Galant » , qui ne figure pas dans les
autres versions – françaises, piémontaises ou italiennes. Certes,
dans la version piémontaise et la version italienne, il est question
d'un « bel galant »… Ce qui pourrait être et est assez proche,
mais pas suffisamment… Car le « gentil galant » se raccroche à
une autre canzone de la tradition qui s'intitule exactement : «
Gentils Galants de France » et se rapporterait à une bataille du
XIIIième siècle, le texte étant lui-même daté du XIVième.
et
il existe une version plus contemporaine, elle aussi intitulée
pareillement. Je m'empresserai d'ailleurs de te la proposer
prochainement.
En
attendant les « gentils galants de France », je te rappelle, Marco
Valdo M.I. mon ami, qu'il nous revient, tout comme à des canuts, de
tisser le linceul de ce vieux monde plein de guerres, de combats,
d'exécutions, d'assassinats et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Gentil
galant s'en est allé pour l'amour d'une blonde
Pour
un seul baiser d'amour que le galant a demandé
Que
le galant a demandé et la belle a refusé
En
fille prudente, en fille honnête
Gentil galant pour son amour s'en est allé soldat
S'en
est allé soldat et puis déserta
Gentil
galant s'en va promener, l'a vu son capiston
« Holà
soldat que fais-tu là loin du bataillon ? »
Gentil
galant dégaine son épée et frappe le capiston
« Aie,
je l'ai occis par erreur et ils me tueront.
Ne
dites rien à ma mère, soldats de mon pays,
Dites-lui,
si vous voulez, que je suis parti.
Quand
je serai mort, allez dire à mon père
Que
je n'ai pas été pendu et que je suis en terre
À
Marguerite, portez mon cœur.
Elle
dira : - Holà quel grand malheur, on a tué mon cœur ! »
Et
quand d'une serviette blanche, les yeux on me bandera
Le
soldat qui le fera sera le plus brave des soldats
Le
plus brave des soldats, ce sera
Oh
ami, mon ami très cher, ne me rate pas.
Oh
tire juste, tire sans remords
Oh
tire fort jusqu'à ce que je tombe mort.
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