dimanche 10 mars 2019

VENT DU NORD

VENT DU NORD


Version française – VENT DU NORD – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – Il vento del NordTullio Bugari – 2017
Texte de Tullio Bugari
Musique et voix de Silvano Staffolani






Vent du Nord est le nom qu’on lui donna quand il est revenu à Corleone après la guerre partisane en Carnie, pour l’énergie qu’il mettait au service des luttes paysannes de sa terre. J’ai eu l’occasion d’approfondir la figure de Placido Rizzotto précisément durant mon voyage en Carnie il y a trois ans, en marchant dans ces belles montagnes où Placido Rizzotto avait vécu son université.

La Carnie est sur la photo, une photo frioulane pour parler de la Sicile. La veille de mon arrivée en Carnie, j’étais allé au barrage de Vajont pour la veillée nocturne des citadins à la mémoire (des victimes de la catastrophe) du Vajont, à l’occasion du cinquantième anniversaire de ce désastre, et j’étais déjà chargé d’idées concernant les terres et les luttes à ne pas oublier.
En outre, cette année-, j’avais publié « In bicicletta lungo la Linea Gotica » (En bicyclette le long de la Ligne Gothique) et j’étais déjà en train de réélaborer les éléments que ce travail m’avait apportés pour approfondir ce que les paysans avaient fait une fois rentrés de la guerre ou redescendus des montagnes où ils avaient été partisans, et ici la figure de Placido Rizzotto s’est révélée une autre impulsion puissante qui me poussa à cette nouvelle recherche. Puis, quand le nouveau livre a commencésuivant l’idée de raconter l’histoire d’événements qui ont eu lieu dans différentes régions en même temps : la période choisie se situait autour du printemps de 1950ici en Sicile, je découvre les occupations des latifundia de cette période, et en particulier du latifundium de Santa Maria del Bosco près de Bisacquino, dans le secteur de Corleone. Les occupations avaient été menées par un très jeune Pio La Torre, arrêté le 10 mars 1950, exactement deux ans après le meurtre de Placido Rizzotto (10 mars 1948), dont le corps n’a pas été retrouvé à l’époque (on le retrouva et on l’identifia en 2009). Pio La Torre avait remplacé à la Chambre du travail de Corleone Placido Rizzotto après sa mort. Dans le livre je raconte cette partie de l’histoire, Rizzotto reste en arrière-plan et n’est que mentionné, mais la chanson part de lui, du Vent du Nord, qui après sa mort revient, à travers les occupations des fiefs en Sicile, sous la forme du vent du sud, car « vous ne pouvez pas mettre en cage le vent, le vent ne se calme pas, quand on enferme dans une cage », répondent les paysans, « notre rage ne peut tourner à vide, nous allons encore occuper ces terres ». [Tullio Bugari]




On ne peut mettre le vent en cage.
Quand il chante comme un fleuve
C’était notre fils et celui d’une âpre terre,
Il monta là-bas partisan faire la guerre,
Il escalada les montagnes pour combattre
Sous les ciels profonds de la Carnie ;
Alors, on l’appela Vent du Nord.
Et quand il tomba, il était le Vent du Nord.
Et quand il tomba, il était le Vent du Nord.


On ne peut mettre le vent en cage.
Quand ses mots sont une rivière,
Il baigne avec douceur cette terre amère.
Nous cherchons la vie, ils nous font la guerre ;
Nous houons courbés pour survivre,
Ce ciel de Sicile sera le nôtre
Fort et doux comme le jus d’un agrume,
Fort et doux comme le jus d’un agrume,
Fort et doux comme le jus d’un agrume.


Dix mars année quarante-huit :
La nuit avale Placido Rizzotto.
Le néant ne peut se raconter,
On ne peut arrêter de respirer.
Le vent ne se calme pas quand on l’encage.
Notre colère ne peut tourner à vide,
Nous occuperons encore ces terres,
Nous occuperons encore ces terres,
Nous occuperons encore ces terres.


Dix mars année cinquante
On ne peut mettre le vent en cage
Quand les gens sont un fleuve
Qui s’épand sur les chemins et les prés,
Avec mules, chariots, fanfares et bannières,
Sur la terre à partager et à semer,
C’est nous maintenant le vent du Sud !
C’est nous maintenant le vent du Sud !
Nous sommes maintenant le vent du Sud !


mercredi 6 mars 2019

L'ALLEMAGNE, L'ALLEMAGNE AU-DESSUS (NOUVEL HYMNE NATIONAL ALLEMAND)

 
L'ALLEMAGNE, L'ALLEMAGNE  

AU-DESSUS

 
(NOUVEL HYMNE NATIONAL ALLEMAND)


Version française – L’ALLEMAGNE, L’ALLEMAGNE AU-DESSUS – (NOUVEL HYMNE NATIONAL ALLEMAND) – Marco Valdo M.I. – 2019

Parodie d’un auteur anonyme du "Das Lied der Deutschen" composé en 1841 par August Heinrich Hoffmann von Fallersleben sur une mélodie antérieure de Joseph Haydn.
Texte publié dans "Der wahre Jacob", une revue satirique socialiste fondée en 1879 et publiée jusqu’à l’avènement du nazisme.



Emmanuel Kant




Dans les pages du « Der wahre Jacob », on se moquait du Kaiser et on critiquait la politique impériale, le militarisme et le colonialisme allemands qui précisément dans ces années-là mettaient à feu et à sang les territoires africains correspondant à l’actuelle Namibie, un véritable terrain d’entraînement pour l’immense guerre mondiale qui de là à peu allait éclater et un laboratoire pour les techniques d’extermination qui seront utilisées plus tard. Ce fut vraiment dans la « Deutsch-Südwestafrika », l’Afrique allemande du sud-ouest, que quelques eugénistes allemands menèrent les premières expériences sur des cobayes humains tendant à établir l’infériorité raciale des indigènes… Un de ces « scientifiques » s’appelait Eugen Fischer (nomen omen), qui fut plus tard un des pères de l’« Aktion T4 », le programme nazi pour l’élimination des handicapés, et qu’il eut parmi ses élèves les plus prometteurs certain Josef Mengele, que les prisonniers juifs internés à Auschwitz appelèrent l'« Ange de la Mort ».



Dialogue Maïeutique


Pour des raisons compréhensibles et que cette chanson allemande nus expose en toute clarté, l’Allemagne, la nation allemande, l’identité allemande, le peuple allemand, l’idéologie allemande, la patrie allemande, le pangermanisme et toutes ces sortes de choses sont assez mal perçues dans les pays voisins et même au-delà. Il faut dire que cette chanson-ci, pensée, imaginée et écrite – à n’en pas douter – par un Allemand est un peu particulière et mérite la plus grande attention et même – plus d’un siècle après sa conception – la plus grande sympathie, car cette chanson est la parodie du très patriotique chant des Allemands, un chant tellement patriotique que l’actuelle république allemande a dû en supprimer et en interdire certains passages. Le « Deutschland über alles » passait mal les frontières, il en inquiétait plus d’un et rappelait aux autres Européens certains très mauvais souvenirs. On voit ici que certains Allemands étaient hostiles à cette « Allemagne par-dessus tout ou au-dessus de tous » qui trois fois en un siècle déclencha des guerres de conquête sur les territoires des voisins et précisément au nom de ce « pangermanisme » de mauvais aloi, lequel à chaque fois, a fini par l’ « Allemagne contre tous » (ou presque).

Cependant, dit Lucien l’âne, on aurait pu croire – il fut un temps, il y a longtemps – au temps de l’Aufklärung que les gens qui parlaient la langue allemande ou une de ses variantes, allaient être une des forces de paix et de progrès.

En effet, dit Marco Valdo M.I., tu as bonne mémoire. Au temps de l’Aufklärung, ça avait l’air bien parti et je me demande toujours ce qui a foiré. Enfin, un philosophe allemand de son état (c’était en 1784 me dit mon petit doigt – si, si, Lucien l’âne mon ami, mon petit doigt qui se nomme de son petit nom Wiki et de son grand Nom : Pedia, est un savant.), le dénommé Emmanuel Kant disait :
« L’Aufklärung, c’est la sortie de l’homme hors de l’état de minorité dont il est lui-même responsable. L’état de minorité est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. On est soi-même responsable de cet état de minorité quand la cause tient non pas à une insuffisance de l’entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s’en servir sans la conduite d’un autre. Sapere aude ! [Ose savoir !] Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise de l’Aufklärung. »

On ne peut que l’approuver, dit Lucien l’âne. Mais, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est marrant que ton petit doigt s’appelle Wiki Pédia. On dirait un petit gnome savant, échappé d’un univers paradoxal, fait d’elfes, de fées, de philosophes, de feu et d’il était une fois.

Pour quoi pas, Lucien l’âne mon ami, imaginer un monde plat, tournant autour d’un moyeu central...

Un comité central, tu m’effrayes, Marco Valdo M.I. mon ami, s’écrie Lucien l’âne.

Mais non, Lucien l’âne mon ami, pas d’un comité central, d’un moyeu central ; le moyeu, c’est l’axe sur lequel se place la roue pour tourner ; donc, un monde plat, une grande assiette portée par des mammouths radioactifs faisant la course en rond sur le dos d’une tortue de Mururoa, forcément radioactive. Mais revenons à la chanson et aux Allemands ; il m’a plu de la mettre en langue française pour montrer qu’il est depuis longtemps des Allemands conscients du risque que représente l’Allemagne débridée, comme cet anonyme socialiste d’il y a plus d’un siècle qui écrivit cette patriotique parodie. Pour dire aussi, le cas échéant, et il échet tout le temps, qu’il convient de soutenir et d’encourager les Allemands de cette sorte, ceux qui – comme dans n’importe quelle nation, n’importe quel pays, peuple, etc. s’opposent leur vie durant à la bêtise nationale. On peut en trouver une belle kyrielle ici rassemblés.

Pour l’Allemagne ou la langue allemande, sans trop chercher, dit Lucien l’âne, je me souviens d’Erich Mühsam, de Bertolt Brecht, de Kurt Tucholsky, Erich Kästner, Wolf Biermann, Franz-Josef Degenhardt et d’autres encore. Et je conclus ici : tissons le linceul de ce vieux monde national, trop national, patriotique, expansionniste, impérialiste, belliciste et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Allemagne, Allemagne au-dessus de toi
Aucun pays ne peut aller dans le monde ;
Et malheur à qui à l'avenir encore sera
Se placer impudemment sur notre route.
Le flambeau de notre vengeance
Éclairera alors le monde,
Jusqu’à ce que nous prenions de force
Tout, tout dans le monde.


L’Allemagne seule a de bonnes manières
Allemande seule est la vraie culture ;
Toutes les autres nations
Sont seulement des barbares.
Anglais, Français et Russes,
Faux patriotes et lunatiques,
Avides et cruels – C’est avec l'Allemand


Que l’Homme commence véritablement.
Quand l’Allemagne sera si étroite,
Que plus personne ne s’y plaira,
À quoi serviront aussi des soldats,
Et à quoi tant d’argent servira ?
Ne parlez pas des vieilles frontières :
Adige et Belt, Memel et Meuse
Nous appartiennent de droit,
Et plus tard aussi le reste du monde.

Pour ça, envoyons des flottes
Partout dans le monde,
Frappons, écrasons,
Ce qui tombe sous nos griffes.
Quand bientôt de Chine le dragon
Saignant à terre s’écroulera,
Alors, l'Angleterre, la Russie, la France seront
Avec le Nouveau Monde, notre nouveau combat.

Quand enfin du gâteau chinois
Le meilleur morceau raflé sera,
Le guerrier allemand s’en ira
En Amérique, continuer le combat.
Et en moins de quinze jours
Nous écraserons la Colombie, le Panama,
Ouicar l’Allemagne doit toujours,
Toujours, toujours, grandir encore.

Droit allemand et allemande liberté ,
ah, que nous importent ces futilités,
Rire de tout ça, nous les nouveaux
Allemands à la poigne de fer.
Non, dans l’éclat des canons
Le monde fleurira à lavenir nouveau
Jusqu’à ce que la grande Allemagne s’effondre
En mille craquements dans ses débris et ses décombres.


lundi 4 mars 2019

La Guerre Sainte



La Guerre sainte


Chanson léviane – La Guerre sainte – Marco Valdo M.I. – 2019

Lettre de prison 12

20 avril 1934






Dialogue maïeutique

Évidemment avec un titre pareil, c’est une chanson qui attire le regard, dit Lucien l’âne.

Oui, elle attire le regard avec son titre en trompe l’œil, répond Marco Valdo M.I, car s’il y est question d’une guerre sainte, ce n’est pas celle qu’on pourrait croire.

Qu’on pourrait croire, ah, ah !, dit Lucien l’âne, elle est bien bonne celle-là, car croire en la guerre sainte, c’est le cas de le dire. Moi, ces idées de croyance et de guerre sainte me font toujours rire, tellement elles sont absurdes et loufoques.

Mais enfin, Lucien l’âne mon ami, je te rassure, nous, on n’est pas là pour croire, ni pour faire la guerre – sainte ou pas, faut-il te le rappeler. Cependant, je reviens à ma guerre sainte ou plutôt à celle que mène dans sa cellule le prisonnier. C’est une guerre sainte et farouche, parsemée d’armées de cadavres chaque jour renouvelées. De plus, et cette fois tu peux sans crainte me croire, c’est une guerre aussi inévitable que nécessaire. Tous ceux qui ont dû y recourir te le confirmeront et ils te diront aussi que c’est une guerre sans fin, sans cesse recommencée, du moins dans les lieux où elle s’est installée en quelque sorte à demeure, en territoire conquis. Cela dit, comme tu vas le voir, elle n’a pas que des vilains côtés – du moins, pour le prisonnier : cette guerre le distrait, elle rompt la monotonie des jours. Mais je m’aperçois, à tes regards de plus en plus effarés, que je ne t’ai pas encore dit quels sont les belligérants. Sachant que le champ de bataille est la cellule de la prison, d’un côté bien sûr, il y a le prisonnier Carlo Levi et de l’autre, il y a les punaises.

« Ici, je mène la guerre sainte
Contre les punaises.
Une guerre silencieuse,
Un combat quotidien et sournois »

Tout ça pour ça, dit Lucien l’âne. Quelle histoire !

Oui, tout ça pour ça, reprend Marco Valdo M.I., mais ton acrimonie vient de ce que tu n’as – comme moi, au début – pas encore réfléchi à tous les aspects de la question. D’une part, la guerre entre l’humanité et les (vraies) punaises, généralement connues sous le nom de punaises de lit, est aussi ancienne et aussi étendue que la Guerre de Cent Mille Ans et y mettre fin par élimination de ces insectes est un objectif louable et probablement, actuellement, hors de portée. Cependant, tu as raison, cette guerre aux punaises est anecdotique, mais si tu prends la peine de te souvenir (Ah ! Le devoir de mémoire !) du fait que les nazis et pas seulement eux, traitaient les Juifs ou d’autres de leurs ennemis, de punaises, de poux, de rats et sans doute d’autres choses encore et si tu veux bien te souvenir aussi de l’implacable ironie, issue de la glande poétique identifiée par le Dr. Levi, du terrible humour caustique dont Carlo Levi était coutumier, cette séquence rabelaisienne et pour tout dire, picrocholine, prend une tout autre signification. Pour cela, il faut évidemment inverser la perspective.

Ah, dit Lucien l’âne, inverser la perspective, qu’est-ce à dire ?

Eh bien, cette guerre sans merci que le prisonnier Carlo Levi mène contre les punaises – de vraies punaises – est une métaphore de ce qui se pratique ailleurs contre les hommes – les pogroms, par exemple. Pour qui savait lire, il y avait là matière à réflexion.


Alors, dit Lucien l’âne, si je comprends bien, il faut interpréter cette guerre du prisonnier contre les punaises comme une dénonciation de ce racisme qui tue les humains en les ramenant au rang le plus bas, parmi les animaux – insectes, rongeurs, bactéries, que sais-je, qu’il convient d’exterminer par pur souci d’hygiène sanitaire. En quelque sorte pour le bien public. Ainsi, la mémoire du passé éclairait le futur.

Par ailleurs, ajoute Marco Valdo M.I., on peut aussi voir dans cette description du combat contre les punaises, celle du combat de l’opposant contre les tenants du régime et leurs sbires. En quelque sorte, il y a là une réflexion vague et nébuleuse, mais nettement résistante.

Il y aurait encore mille choses à dire, mille réflexions à faire ou plus encore, mais elles se feront bien tout seules en toute autodétermination comme vont les idées quand elles sont libres, et nous, nous concluons tissant le linceul de ce vieux monde infesté, hygiéniste, raciste, populiste et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Je souris de toute accusation.
Si on me condamne,
Ce n’est pas moi qu’ils condamnent,
Mais un autre,
Pur fruit de leur imagination.

Ici, je mène la guerre sainte
Contre les punaises.
Une guerre silencieuse,
Un combat quotidien et sournois
Entre elles et moi.

Cette lutte inégale et sauvage
Est toute à mon avantage.
Je les tue, elles ne me tuent pas.
Elles ne me mordent même pas.
J’ai le sang amer ; elles ne l’aiment pas.

Ce sont des animaux très fourbes,
Ingénieux, retors et rusés.
Dès qu’on les approche, ils filent.
Par une fissure, ils fuient
Dans les abris du plancher.

Je suis cruel et féroce,
Je les écrase.
Avec une allumette, je les brûle ;
Comme dans mon studio à Paris,
Je les élimine sans merci.

Après je lis les comédies de Goldoni,
Plus stupides l’une que l’autre ;
Mais plus elles sont stupides,
Plus elles me divertissent.
Ce sont mes fêtes de la nuit.

dimanche 3 mars 2019

LA BALLADE DU SOLDAT (autre version)


LA BALLADE DU SOLDAT (autre version)


Version française – LA BALLADE DU SOLDAT (autre version) – Marco Valdo M.I. – 2019
d’après la version italienneLA BALLATA DEL SOLDATOGian Piero Testa2008
Texte : Odysseas Elytis
Musiq
ue : Manos Hatzidakis / Hadjidakis
Première interprétation : Giorgos Moutsios



Dialogue Maïeutique

Mon ami Lucien l’âne, comme il m’arrive souvent, j’étais distrait, j’étais préoccupé pas plus tard que tout à l’heure par d’autres choses et de ce fait, j’avais oublié que j’avais fait une autre version de cette chanson. En rangeant mes papiers, je me suis dit que tout compte fait, deux versions valent mieux qu’une.

Je suis assez de ton avis, Marco Valdo M.I., et j’ai souvent développé cette idée. Il me semble même que c’est un des moteurs de cette gigantesque compilation des Chansons contre la Guerre et une des choses qui font leur charme si exotique.

En effet, Lucien l’âne mon ami, c’est l’art de la redondance créatrice, qui est l’enfant naturelle de la sélection de Mère Nature. Un concept darwinien, en quelque sorte.

Une bonne idée, cette redondance darwinienne, dit Lucien l’âne ; de toute façon, sans elle, nous ne serions pas là à ânonner nos âneries. Poursuivons et tissons le linceul de ce vieux monde changeant, multiple, splendide, autocréateur, autodestructeur et cacochyme


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


J’en étais là, dit Marco Valdo M.I. et puis, Riccardo Venturi m’a demandé d’insérer la traduction de son introduction à cette chanson :

« Cher Marco Valdo, peut-être faudra-t-il que tu ajoutes la traduction de ma petite introduction à ton dialogue maïeutique. En effet, ce n’est qu’une petite introduction historique qui rétablit un peu la vérité: il ne s’agit pas d’un poème d’Odysséas Elytis, mais bel et bien de sa traduction grecque du “Cercle de Craie caucasien” de Bertolt Brecht. Et voilà : juste ce que tu avais déjà deviné, ou compris par intuition, en nommant la Légende du soldat mort et la Chanson de Chveik le soldat. Merci ! »

et donc la voici :

« La traduction historique grecque du Cercle de Craie caucasien de Bertolt Brecht (Der kaukasische Kreidekreis, 1945) a été faite entre 1954 et 1956 par Odysseas Elytis, futur prix Nobel de littérature en 1979 (cette année est donc le 40ème anniversaire de ce prix). Avec la scénographie de Karolos Koun et la musique originale de Manos Hatzidakis, la pièce a été jouée au Théâtre d’Art (Θέατρο Τέχνης) à Athènes en 1957.
Le chanteur Giorgos Moutsios, qui faisait partie de l’équipe originale du théâtre, a ensuite enregistré un album, un véritable "Q-Disc" contenant les quatre chansons de la pièce, intitulé : Μάνος Χατζιδάκι Τέσσερα τραγούδια του Οδυσέα Ελύτη από τον "Κύκλο με την Κιμωλία " ("Quatre chansons d’Odysseas Elytis sur une musique de Manos Hatzidakis du « Cercle de Craie caucasien ») ; au piano, il était accompagné par Manos Hatzidakis lui-même.
Pratiquement à l’unanimité, le spectacle continue d’être considéré comme l’un des sommets du théâtre hellénique contemporain ; il s’agissait d’ailleurs de la première représentation brechtienne en Grèce, un an seulement après sa mort. À partir de l’album, le titre original de la chanson est Τὸ τραγοῦδι τοῦ στρατιώτη ("La canzone del soldato"), mais plus tard le titre de Μπαλάντα του στρατιώτη ("Ballata del soldato") s’est répandu et s’est généralisé. Ici, cependant, nous restaurons le titre original. [RV] "

Et cette note de Ventu m’a amené à découvrir ce que je crois être la raison du changement de titre. En fait, il existait déjà une « Το τραγούδι του στρατιώτη » de Κωστής Παλαμάς (1859-1943), qui avait été publiée en 1885. Je laisse cependant à Riccardo Venturi le soin de traduire ce texte et de l’insérer dans les CCG.
Une dernière petite remarque cependant, La Chanson de Chveik le Soldat n’est pas inspirée de Bertolt Brecht, mais bien directement des « Aventures du brave soldat Chveik » de Jaroslav Hasek, (je le sais, car j’en suis l’auteur), comme on peut le lire en tête de la publication :

« La chanson de Chveik le soldat : Chanson française très respectueuse de l’honneur militaire. 13 août 2008 – À la gloire de Jaroslav Hasek et de l’immortel soldat Chveik et son lieutenant Lucas. A priori sur l’air d’un autre Cacanien intitulé : « Ah, vous dirais-je, Maman… », le dénommé Wolfgang Amadeus Mozart, qui aurait bien aimé Chveik. »






À l’heure où le brave
S’en allait la guerre,
Sa bien-aimée pleura
Et supplia ainsi le soldat :


La bataille n’est pas une fête
Et, mon amour, garde bien en tête
De te protéger de la furie
Et des épées ennemies.


Ne te mets pas à l’avant,
Ne reste pas à l’arrière :
Le feu est devant, le feu est derrière,
Toi, tu dois rester au mitan.


Seul celui qui est au milieu sait
Courir et sauter
Et chez lui, seul celui-là
Un beau jour reviendra.