mardi 16 janvier 2018

ÉLOGE DE L’ÂNE

ÉLOGE DE L’ÂNE



Version française – ÉLOGE DE L’ÂNE – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson italienneIn lode de l’asinoGiordano Bruno1585
Sonnet introductif aux dialogues de della Cabala del Cavallo PegaseoLondra, 1585
Suivi dell’Asino Cillenico
[F
ausse indication (d’éditeur) : Parigi, appresso Antonio Baio, 1585]
Musi
que et texte moderni (sous le titre In lode all’asino)
Hautville, 2011
Album
 : Nomen Lumen



« Je repropose ci-après le célèbre sonnet que Giordano Bruno place en introduction aux dialogues contenus dans la Cabale du cheval Pégase. Un « éloge de l’ignorance », exprimé sous forme de poésie et avec une insurpassable ironie. Il ne suffit pas seulement de rappeler le bûcher du grand philosophe italien, sur le Campo dei Fiori le 17 février 1600, mais il témoigne combien est long et pénible le chemin vers la connaissance et la vérité, à laquelle comme disait le Nolano (alias Giordano Bruno, né à Nola), nous pouvons seulement « tendre à nous approcher ». Dogmatisme, scepticisme et vérités révélées sont en effet toujours en embuscade pour empêcher les êtres humains de sortir du sommeil par la raison. Aujourd’hui, comme alors, le pouvoir, partout où il se tient, élève le « drapeau de l’ânerie », en manipulant savamment l’information, en cachant ses desseins, en prêchant et en imposant son dogme, au seul but de se conserver lui-même. À l’ânerie imposée par les castes de tout genre, le citadin doit savoir opposer une ânerie « consciente », avec la reconnaissance socratique de sa propre ignorance, pour l’élimination de tout genre de préjugé et pour être un acteur de l’Histoire. »

Comme introduction brève mais complète au sonnet d
u Brûlé du Campo dei Fiori, qu’il écrivit et publia quinze ans avant le fatal 17 février de 1600, je ne pouvais que reproduire ce que dit Sergio Magaldi dans son Zibaldone (un zibaldone est un pêle-mêle, un foutoir, et dans ce cas, un carnet de notes, un cahier et en franglais : blog). Cependant. Deux ou trois autres choses doivent être dites. Dans un site historiquement « asinien » comme celui-ci, et peuplé d’ânes en personne (Lucien Lâne), avec de plus un parcours consacré aux « asini bello adversi » (ânes contre la guerre), j’étais sincèrement convaincu que le sonnet du Nolano t déjà présent, et peut-être que Marco Valdo l’aurait cité plusieurs fois dans ses Dialogues Maïeutiques. Ensuite, je suis allé voir, et il n’y était pas. Pourrait-il manquer ici ? Jamais de la vie, pour le dire avec un brutal gallicisme. Le voici, et même avec sa musique moderne, récente, par un intéressant groupe d’origine de la Basilicate, les Hautville, qui l’ont harmonisé (en forme très belle, à mon avis) dans leur album du 2011 Nomen Lumen. Et ainsi, il entre dans le site la Sainte Asini de Giordano Bruno, par la grand’porte. Moi, cependant, je continue à être fondamentalement perplexe sur les fréquentes et anciennes anthropomorphisations des animaux utilisées pour énoncer les vices, caractéristiques et vertus de cet autre animal appelé scientifiquement Homo sapiens. Il me plairait par exemple de savoir quand l’Âne, emblème historique de l’ignorance, a pris son semblable et l’a mis au bûcher sur une place romaine. Ignorance, dieux, bûchers et autres sont des affaires entièrement humaines. Pas celles des ânes.

Avec tout cela, le 17 février d’il y a 418 ans, s’est passé ce qui s’est passé ; ce sont de vieilles histoires, et je reste convaincu que, s’ils pouvaient encore le faire, ils le feraient tranquillement encore aujourd’hui nonobstant les papefrançois et tant d’autres. Curieusement, le 17 février est devenu, depuis l’autre année, la Journée Mondiale du Chat. Peut-être parce que le très savant Omo Sapienz, par ses superstitions et ses dieux, a détruit les chats par millions à certaines époques, favorisant ainsi des épidémies de peste diverses du fait que les très intelligents petits animaux appelés des rats n’avaient plus leurs régulateurs naturels. Dites-moi, dès lors, où se tient l’ignorance. [RV]


Dialogue maïeutique

Aujourd’hui, Lucien l’âne mon ami, avec cet éloge de l’âne et l’interpellation de notre ami Ventu, on ne pourrait faire moins que de proposer un dialogue maïeutique. D’autres raisons s’y ajoutent évidemment : d’abord, car ce dialogue est une de nos habitudes, ce qui suffirait en soi ; mais, ce qui est plus circonstanciel, mais pas moins déterminant, c’est aussi le mode d’exposition qu’utilise Giordano Bruno dans cette Cabale de l’Asino… Excuse-moi, ma langue a fourché, je voulais de toute évidence dire cette Cabale del cavalo pegaseo, qui en français se dirait la Cabale du cheval Pégase. Enfin, comme tu le sais, Giordano Bruno était inscrit dans la constellation de mes préoccupations prochaines.
Cependant, avant d’aller plus avant, il me faut avouer que j’ignorais tout de cet Éloge de l’Âne, mais je me rattrape par cette version française que j’espère convenable et assez fidèle à l’esprit de Giordano Bruno, lequel doit flotter dans les airs les plus salubres de l’atmosphère et roder autour du monde tel un satellite pluricentenaire.

Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, en matière de dialogue maïeutique et d’intérêt pour Giordano Bruno, tu ne dois pas être si timide, car je te rappelle que précédemment tu avais proposé ici même une version française de diverses chansons le célébrant. Je me souviens ainsi de Giordano de Franco Fosca – avec un dialogue maïeutique, de Giordano Bruno de Rocco Rosignoli – avec un dialogue maïeutique, de Giordano Bruno de Stefano Rosso – avec un dialogue maïeutique, de Giordano Bruno, du som vet vilket pris den kan få betala av de Jan Hammarlund… et bien sûr, il en reste encore à faire.

Je sais, je le sais, Lucien l’âne mon ami, « mais il y a tant de choses à faire avant de partir pour le firmament, il y a tant de jours et tant de nuits », disait presque la petite Émilie de Philippe Chatel.

Oh, dit Lucien l’âne, je connais bien cette histoire et il faudra sans doute que l’insère un jour ici. Le texte d’origine est cependant légèrement différent, mais sans doute, te connaissant, tu l’as volontairement un peu adapté. De fait, il est moins contemplatif et plus tourné vers l’acte. Tiens, je te chantonne le passage d’Émilie et le Grand Oiseau – n’était-ce pas Julien Clerc ? :

« Mais il y a tant de choses à voir avant
De partir pour le firmament,
Il y a tant de pages à tourner
Ta vie ne fait que commencer,
Il y a tant de choses à voir avant
De partir pour le firmament,
Il y a tant de jours et tant de nuits,
Tu es au début de ta vie. »

Mais finalement, revenons à ce sonnet de Bruno qui fait l’éloge de l’asinité, autrement dit d’une certaine bêtise sociétalement répandue. Au passage, on rappellera que Jean-Paul fit (en allemand) comme entrée dans sa vie littéraire et que Jacques Brel la chanta lui aussi, cette Bêtise qui devrait avoir sa place bien en vue ici, étant une des causes principales de la guerre et un de ses meilleurs fondements.

Tout cela est fort bien, dit Lucien l’âne, mais il nous faut reprendre notre tâche et tisser, tisser le linceul de ce vieux monde rongé par la bêtise, la cupidité, l’ignorance, la brutalité et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Ô sainte Ânerie, sainte Ignorance
Sainte Sottise et pieuse Dévotion,
Que peut faire l’âme de bon
Si talent et savoir humains ne lui sont d’aucune avance ;


N’y arrive pas la peineuse attention
Qu’elle soit, d’art ou d’invention,
Ou de pontifiante contemplation
Du ciel où tu situes ta maison.


Que vous vaut, curieux, l’étude
De ce que fait la nature,
Si de terre, feu et mer sont aussi les astres ?

La sainte Ânerie n’en a cure ;
Elle reste à genoux les mains jointes
Expectant de Dieu sa chance.

Nulle chose ne dure
Sauf l’éternel repos, la jouissance
Qu’après les obsèques, Dieu donne.


jeudi 11 janvier 2018

Un autre Pauvre

Un autre Pauvre

Chanson léviane – Un autre Pauvre – Marco Valdo M.I. – 2018



Tu verras, Lucien l’âne mon ami, que cette chanson commence par un distique qu’il faudra interpréter poétiquement. Il y faut de la pensée et pas seulement de la réflexion.

D’abord, Marco Valdo M.I. mon ami, avant d’aller plus loin, que veux-tu dire par cette dichotomie entre pensée et réflexion ? Quand tu auras répondu à ma question, tu pourras reprendre le fil de ton propos.

De fait, Lucien l’âne mon ami, cela mérite le détour d’une explication. Je distingue en effet la pensée de la réflexion, car, à mon sens, la réflexion s’attelle à se développer dans la précision méticuleuse : elle raisonne ; la pensée, elle, a tendance à opter pour le vague. La réflexion tend à construire de façon ordonnée en vue d’une fin ; la pensée tend à vagabonder sans fin. Par sa nature et par nécessité, la pensée est vagabonde ; il faut s’y faire. Cependant, à la fin, elles sont complémentaires. Bref, la réflexion vise le monde par le précis ; la pensée interpelle le monde au hasard de ses pérégrinations ; elle est exploration.

Remarque, Marco Valdo M.I. mon ami, qu’on ne peut logiquement explorer que de l’inconnu, lequel est par définition vague. Ce qui m’inclinerait à penser que tu approches de la réalité de ces phénomènes. Maintenant, je t’en prie, reprends ton propos interrompu.

Je disais, Lucien l’âne mon ami, qu’il faut interpréter poétiquement le distique introductif, qu’il y faut de la pensée. Je disais ainsi, car si on le prend trop serré du col, si on l’interprète trop strictement, on perd beaucoup du sens de l’ensemble de la chanson. Bref, tout ça pour dire qu’il faut comprendre les mots « grande ville » dans un double sens, car il y a là une amphibologie qu’il faut éclairer. Il y a double sens ; le premier est celui effectif de « grande ville » comprise comme métropole, conurbations et le second, bine plus vague, de monde urbanisé qui s’oppose aux mondes rural, désertique ou montagnard. En ce sens, le monde urbain et la « civilisation » qu’il constitue tend à phagocyter les populations et les ressources des autres mondes. Et depuis des siècles, on voit un mouvement conduisant les pauvres de ces derniers mondes vers la « grande ville ». Voilà pour le tableau d’ensemble. Mais, la canzone focalise son récit sur un de ces paysans pauvres (ou de ces émigrés) qui arrive dans la « grande ville » – à pied, en train, en car, en camion, sous le camion, enfin n’importe comment. Il y voit son eldorado et commence par y fréquenter la misère et souvent ou parfois, allez savoir, il entretient avec elle une relation suivie qui l’amène à aller quémander, à sonner aux portes. Parfois, il trouve une porte compatissante et il y revient, sonne et ressonne. Généralement, une seule porte ne suffit pas ; il en entretient une série ; c’est son domaine, dont il lui est difficile de s’éloigner. Celui de la canzone, le pauvre voit un de ses habituels donneurs déménager à l’autre bout de la ville. Il finit par aller lui faire ses adieux. En fait, aller si loin pour une aumône n’était plus rentable. La logique du système est implacable ; mais la nature a horreur du vide et le vide créé par le pauvre est comblé par un autre pauvre.

Oui, certainement, dit Lucien l’âne, mais enfin, cette fois, il y a une sorte d’humour ou de cocasserie dans la situation. Allons, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde miséreux, misérable, trop riche, cupide et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Tout autour de la grande ville
Campe une armée grise et civile.
Avec sa vie et ses drapeaux
Faits de bouts, de morceaux, de lambeaux
Elle campe et patiente
En une éternelle attente.
Son désir est d’y entrer, de s’y installer
Mais elle est toujours repoussée
Par les murs de la vie organisée.
Et tous les jours, on voit arriver
Jusqu’à la porte des maisons
Ces étrangers messagers.
Il y en a des milliers, il y en a des millions.
Pitié, faiblesse, vague solidarité
Nous voilà liés
Et ils viennent et reviennent
Des années durant
Sur le seuil, presque transparents.
À force, avec le temps, ils deviennent
Des relations anciennes.

Le carillon sonne.
On ouvre, c’est un homme, une personne
Avec son histoire obscure
Écrite sur sa figure.
Et il parle, il raconte
Le besoin,
Qui l’a mis en chemin
Et qui le pousse
À marcher dès le matin.
Même faux, même inventé
Ce récit, c’est la vérité.

Petit, poussiéreux, timide,
Avec sa tête ronde et chauve,
Ses yeux larmoyants et humides
Et l’insistance passive
De l’espoir sans horizon.
Il dit sortir d’années de pension,
De sanatorium et de prison.

Avant, il était coiffeur ou barbier ;
Il faut racheter les outils de son métier :
Tondeuse, brosses, peignes, rasoirs, ciseaux.
Quelle importance que ce soit vrai ou faux ?
C’est juste une histoire.
Personne ne demande d’y croire.
Maintenant, il n’est plus coiffeur ou barbier
Il a oublié la prison et le sana.
On se connaît ; plus besoin de raconter.
Comment ça va ? Ça va
Très bien, réponse machinale.
Une autre fois, ça va ? Comment ça va ?
Mal, terriblement mal.
Mal, vous aussi ?
Vous n’avez plus d’argent ? Mon pauvre ami !

Puis, j’ai déménagé,
Dans un lointain quartier.
Il m’a retrouvé.
Il est revenu une fois, deux fois
Puis, une dernière fois.
Il a sonné un matin ;
Il a dit, c’est trop loin.
Je ne viendrai plus.
Cherchez un autre pauvre
Et un autre pauvre
Est venu.

Avant, il était coiffeur ou barbier ;
Il faut racheter les outils de son métier :
Tondeuse, brosses, peignes, rasoirs, ciseaux.
Quelle importance que ce soit vrai ou faux ?
C’est juste une histoire.
Personne ne demande d’y croire.




mercredi 10 janvier 2018

Marco et les Escrocs

Marco et les Escrocs

Canzone léviane – Marco et les Escrocs – Marco Valdo M.I. – 2018 







Ainsi, aujourd’hui, Lucien l’âne mon ami, je recommence à écrire de nouvelles chansons lévianes. Il y en aura sans doute plusieurs, mais je ne sais vraiment pas te dire combien. Celle-ci est tirée d’un récit de Carlo Levi intitulé « Briganti e contadini » (1958), ce qu’on peut traduire en français par « Brigands et paysans ». Le personnage principal dénommé ici Marco est un lointain cousin de ce Marcovaldo auquel Italo Calvino avait consacré tout un roman. C’est d’ailleurs en référence à Marcovaldo qu’il porte ici ce prénom. Quant aux escrocs, ils n’ont pas de nom ; ce sont des escrocs ; deux escrocs déguisés en policiers. Ou l’inverse. Cependant, pour l’honorabilité de la profession, on n’en dira rien.

C’est mieux, dit Lucien l’âne. Imagine un peu que ce soit le cas ; des policiers véreux, corrompus, manipulateurs, cupides, extorquant le passant, ce serait désolant.

Dès lors, Lucien l’âne mon ami, pour mettre fin à toute dérive, il convient de préciser le contexte. Si j’ai parlé de Marcovaldo, c’est que le Marco qui nous occupe est lui aussi un paysan, monté à la ville pour chercher de quoi subsister. Comme son presque homonyme, comme tous les émigrés, il est assez décalé par rapport à la vie de cette ville anonyme et compte tenu de son ignorance supposée et de sa situation de faiblesse, de son désarroi, il est l’objet d’intimidations et la proie d’escrocs.

Certes, dit Lucien l’âne, ce sont là des choses anciennes et qui sont toujours d’actualité et d’autant plus que le nombre de nouveaux arrivants s’accroît. Il y faudrait une politique d’accueil intelligente et fonctionnelle. Mais, me semble-t-il, celle-là relève de l’oxymore.

C’est la cas bien souvent, répond Marco Valdo M.I., mais cette fois, Marco ne se laisse pas abuser par les escrocs, car comme on dit par chez nous, il sent venir l’oignon et s’il accepte la proposition d’aide de ses anges gardiens, il se tient sur ses gardes et laisse venir les événements en restant prêt à se dégager. Comme tu vas le voir, c’est finalement ce qui va se passer. Par ailleurs, ces escrocs ne sont pas de grands arnaqueurs, ils n’ont rien de ces grands hommes d’affaires qui se bâtissent des fortunes réelles ou feintes, qui se portent à des sommets de pouvoir à force de mensonges, de tricheries, de dettes et d’arrogances diverses. Les escrocs que l’on trouve ici sont des escrocs au petit pied, ils ne sont pas mieux lotis (et peut-être même moins) que Marco qu’ils tentent de dévaliser et leur combine va lamentablement foirer. Ce sont des branques, des branquignols, des caves, des nuls.

En somme, dit Lucien l’âne, c’est une histoire drôle dans le genre de celles des Pieds Nickelés ou de Charlot et le côté amusant pour moi tient aussi au fait qu’il s’agit d’une fable contemporaine, à la manière de celles d’Ésope ou de La Fontaine, mais où on aurait remplacé les animaux par des humains. Cela dit, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde escroc, perclus, menteur, minable et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Au village, Marco est un arbre
Dans sa forêt ;
Marco est l’histoire
D’un homme vrai.

Comme tant de ses frères,
De son finistère,
Il a quitté le village
Pour d’autres paysages.

Mais à la ville,
Qui est-il ?
Parmi tous ces gens de la terre,
Chassés par la misère.

Homme petit, tête ronde,
Venu d’un bout du monde,
Avec sa peau de paysan,
Ses yeux noirs et ses gestes lents.

Il marche à pas pesants
Du pas de l’âne prudent.
Il parle avec réticence
Et garde pour lui sa confiance.

À la ville, Marco n’est personne
Autour de lui, les autos klaxonnent
Souvent, les policiers le contrôlent.
En ville, la vie de pauvre n’est pas drôle.

« Eh, vous, là ! Vos papiers ! »
« Vous travaillez ? »
« Vous avez de quoi subsister ?
De l’argent sur vous. Oui, oui, j’en ai »

« Alors, ça peut s’arranger.
Nous on peut vous aider.
On connaît un bon travail, facile,
Bien payé et tranquille. »

Marco quand même intéressé,
Pensez donc, un travail assuré.
Dit « et pourquoi pas ?
Mais au fait, c’est quoi ? »

« Un poste de tout premier choix :
Concierge et jardinier
Au couvent des sœurs de la Sainte Croix ;
C’est la sécurité. »

C’est assez loin. Alors, on y va.
En chemin, ils m’offrent un café,
Plus tard, un petit repas.
On arrive enfin. On va sonner.

C’est un lieu assez écarté.
Et le soir tombe déjà.
Mais avant, il faut nous donner
La valise et l’argent que tu as là.

Le ton monte et descend ;
On crie, on menace.
C’est le face-à-face.
Donne-nous ton argent !

Oh, l’argent, je n’en ai pas ;
Je comptais sur ce boulot
Que je n’aurai pas.
Bande d’escrocs !

Marco laisse la valise et s’enfuit.
Il court, il court.
Où est le village, où sont les brebis ?
Ce soir, le ciel est bien lourd.