LE CROQUEMITAINE
Encore moins rassurant est « L’homme noir », un personnage inquiétant qui voudrait se débarrasser des gays et des noirs, rêve du retour d’Hitler et des berceaux pleins avec un langage et une rhétorique vétéro-fascistes. Il le dit ironiquement : « La démocratie est un échec, une perte de temps, mieux vaut laisser une seule personne décider. J’étudie les chants de Balilla, je deviendrai un fasciste diplômé en souveraineté, mais hélas, je suis toujours un “démocrate”.
L’homme noir, Le croque-mitaine, souvent identifié à la figure de Babau, est une créature légendaire, un être amorphe, maléfique et sombre présent dans les traditions de différents pays. En Russie, il est connu sous le nom de Buka, en Hongrie sous le nom de Mumus ou Bubus, dans la région allemande sous le nom de Butzemann, aux États-Unis d’Amérique sous le nom de boogeyman (également orthographié bogeyman, boogyman ou bogyman). Dans les pays hispanophones, cette figure est connue sous le nom d’El Coco. Dans les pays francophones, il est connu sous le nom de croquemitaine.
Dialogue Maïeutique
Commençons, Lucien l’âne mon ami, par le titre de la chanson, qui en italien est « L’uomo nero » et qui devrait se traduire tout à fait régulièrement par « L’homme noir ».
Oui, dit Lucien l’âne, je vois bien la difficulté ; il y a une ambiguïté, une amphibologie, un amphibole, un vague, une incertitude. Un « homme noir », soit, mais est-ce un homme à la peau noire ou foncée, un homme habillé de noir, un homme saoul, un jésuite, que sais-je ? Voilà le problème de ce titre.
Oui, et en plus, Lucien l’âne mon ami, il faudrait y ajouter tout le poids de cette nouvelle manie contemporaine du « politiquement correct ou incorrect » ou du « socialement correct ou incorrect » ou dans le cas qui nous occupe, on ne saurait échapper au « racialement correct ou incorrect » et donc, honneur aux dames, la question se pose de mettre ce nom au féminin. Pour éviter ces difficultés, j’ai utilisé le sens populaire de l’« uomo nero » en italien, celui en français de « croquemitaine », mot très avantageux, car il est pareil pour le masculin, le féminin, le plurisexe, le neutre et que sais-je encore – on en invente tous les jours ? De cette manière, on peut éviter aussi la question spéciste, c’est-à-dire du spécisme qui est une variante répandue du racisme.
Évidemment, dit Lucien l’âne, on aurait pu traduire l’« être noir », ce qui aurait permis de n’exclure aucune espèce biologique. Mais qu’en sera-t-il demain avec les robots ? Revendiqueront-ils aussi qu’on les appelle autrement que de ce mot que d’aucun artificiel pourrait considérer comme infamant et exiger, comme le font actuellement certains, d’interdire les livres de Karel Čapek et d’Isaac Asimov ? On a déjà interdit et brûlé tant de livres.
Mais, Lucien l’âne mon ami, cet « être noir » aurait eu les mêmes inconvénients de genre que l’« homme noir » et puis, l’idée même qu’on utilise le mot « noir » est en soi insupportable à certains. Il faudrait occulter le noir. D’autant plus qu’on avait déjà fait une version française d’une chanson italienne et qu’on l’avait intitulée « L’homme en noir » ; souviens-toi, elle était de Brunori Sas, c’était elle aussi « L’uomo nero » Ainsi, le croquemitaine convient très bien. Encore que c’est une dénomination et un concept ancien que les nouvelles générations ne connaissent pas et ne reconnaissent pas. À propos du croquemitaine, qu’on ne rencontre plus trop de nos jours, je ne saurais trop conseiller d’aller voir ce qu’en dit Erik Jordan : Le croque-mitaine et autres monstres du monde.
Oh, répond Lucien l’âne, rien n’est moins sûr, car les croquemitaines eux-mêmes pourraient considérer qu’on les considère mal, qu’on les dévalorise et exiger l’abandon d’un tel usage de leur nom. Quel foutoir ! C’est pas pour dire, mais ne pourrait-on s’en tenir aux mots et aux langues tels qu’ils se sont constitués eux-mêmes à travers le temps. Ce ravalement de façades me semblent futiles et en même temps, terriblement lourds et imprécis.
C’est pourquoi, Lucien l’âne mon ami, étant grands partisans de la « liberté », je propose qu’en ce qui nous concerne, nous nous en tenions à nos habitudes.
Oh, dit Lucien l’âne en riant, la « liberté », elle est comme l’âne, elle a bon dos. Par exemple, pour nous les ânes et généralement tous les animaux, toutes les espèces sauf une, on considère d’un œil étonné le port du pantalon chez les hommes, qui a l’air d’être une obligation et être dès lors, un odieux attentat à la « liberté ».
D’accord, Lucien l’âne mon ami, je te comprends parfaitement, mais moi, sous nos latitudes, j’ai froid aux fesses sans pantalon. Mais je t’en prie, revenons à notre croquemitaine et je vais faire court en dévoilant que « l’uomo nero » qui sévit ici est identifiable et qu’il s’agit in fine du ou de la fasciste, noirs en raison de leur chemise, de leur uniforme et e qu’on ne voit pas immédiatement, de leurs intentions – toutes choses des plus noires. Pour le reste, on s’en reportera à la chanson.
En effet, Marco Valdo M.I., tenons-nous-en là et reprenons notre tâche qui est, je le rappelle, de tisser le linceul de ce vieux monde nationaliste, fasciste, sexiste, raciste, spéciste et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
J’ai un plan parfait dans ma tête
L’équilibre entre instinct et entendement
Un pied dehors, un pied dedans
Un coup au tonneau et puis un, au cercle.
Il me faudra décider, convaincre
Et puis, la peur fédère.
À outrance, je défendrai la frontière,
J’ai un arsenal de slogans pour vaincre.
Oh mein Führer, il est temps de revenir de l’enfer.
Plus aucun dissident, aucun pédé, aucun visage noir.
Audacieux avant-gardistes, il est temps de sortir du placard ;
Je suis votre chef, moi aussi, je suis un vrai Führer.
J’ai un plan parfait dans ma tête.
Le but suprême cautionne tous les moyens ;
Je suis l’homme qui convient,
L’antidote idéal à ce monde indompté et bête.
Il me faudra convaincre, il me faudra savoir
Avaler la boue pour survivre.
Les certitudes et les berceaux pleins vont revivre ;
Femme, tu pourras de nouveau honorer ton devoir.
Oh mein Führer, il est temps de revenir de l’enfer.
Éclopés, artistes, débauchés, faites vos bagages.
Avant-gardistes audacieux, il faut montrer notre visage.
Je suis votre chef, peut-être grossier, mais fier.
J’ai un plan parfait dans ma tête,
Un but stratégique, un coup décisoire.
Il me faudra convaincre, il me faudra savoir
Inventer un ennemi terrible, une tempête.
Cela peut sembler un choix fermé
De ne laisser qu’un seul parler.
Viens à nous, Grand Frère !
Laisse ta moustache au vestiaire.
Avec ta malignité et ton poing de fer,
Tu as su y faire.
Liquidons le Moyen Âge,
Moto et sac de couchage.
Je suis votre condottiere,
J’ai un évangile et de la rage
Et le cœur noir (Ah ah, la la la la la),
Noir (Ah ah, la la la la),
Noir (Ah ah, la la la la la).
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