LE CHÊNE
Version française – LE CHÊNE – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson italienne – La quercia – Massimo Dellanilla – 2017
LE CHÊNE SOUS LA NEIGE
Caspar Friedrich 1827
Dialogue Maïeutique
Te souviens-tu, Lucien l’âne mon ami, du grand chêne que chantait Tonton Georges ?
Le grand Chêne, dit Lucien l’âne, sûr que je m’en souviens et je suis fort marri de la fin qu’on lui fit.
« Comme du bois de caisse, amère destinée !
Il périt dans la cheminée. »
J’espère que cette fois, il n’est pas encore question d’un arbricide, d’un chênicide, d’assassinat. J’ai horreur de ça.
Hélas, hélas, hélas, cent fois hélas, Lucien l’âne mon ami, il s’agit pourtant de ça : d’un phuteuicide, d’un futéicide, d’un arboricide.
Don Quichotte, L’Homme de la Mancha, avait raison, dit Lucien l’âne, quand il proclamait :
« Écoute-moi
Pauvre
monde, insupportable monde
C’en
est trop, tu es tombé trop bas
Tu es trop gris, tu es trop
laid
Abominable monde
Écoute-moi »
mais, à présent, dis-moi toi, ta chanson.
Ma chanson, certes, Lucien l’âne mon ami, mais il convient de préciser que c’est une version française d’une chanson italienne de Massimo Dellanilla, intitulée La quercia - « LE CHÊNE ». Remarque qu’elle est bien plus récente que celle e Brassens que j’évoquais en commençant ; ce qui prouve que le sort des chênes et au-delà, celui des arbres et de toutes les espèces vivantes est malmené par les humains.
Oh, dit Lucien l’âne, nous les ânes, on est bien au fait de la brutalité des humains et d’un certain côté, on pense qu’il y aura une justice le jour où à force de détruire les autres, l’espèce humaine elle-même s’anéantira. Et peut-être, qui sait, d’autres espèces trouveront le moyen de s’en tirer et de refaire autrement le monde. En attendant on en est aux massacres sournois, aux lents génocides qui sont une des dimensions de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants humains et leurs affidés font aux pauvres et à tous les êtres vivants pour satisfaire leurs ambitions incommensurables, leurs envies infinies, leurs caprices multiples, leurs grossiers appétits, leurs goûts les plus exotiques ou leurs penchants pervers ; bref, leur futilité.
C’est, comme tu le pressens fort bien, Lucien l’âne mon ami, le sens profond de la chanson, avec le chêne, ami des oiseaux, abattu, détruit pour faire place à une route et le chœur – oui, oui, comme dans la tragédie antique – des oiseaux qui se lamente.
Eh bien, voyons ça, dit Lucien l’âne, et tissons le linceul de ce vieux monde autodestructeur, autophage, mité, mythé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Une
pie en queue de pie lisse
ses plumes
D’un noir si noir, plus noir que le noir de minuit,
Et dit au hibou hululant là-dessus dans la brume :
« Qu’est-il arrivé au vieux chêne, notre ami ? »
« Le grand chêne, ma chère, a été abattu »
Répond le hibou sage assis, de marbre,
Avec une grande componction, le cul
Sur le sol, où trônait le grand arbre.
Le friquet discret qui avait son lit là
Était là, vrai témoin, quand l’arbre, on coupa
Et quand enfin, le chêne s’effondra,
Il poussa un grand cri, il cria un grand ha.
L’alouette Brigitte, amoureuse du titan,
Désespérée par la mort du géant,
Accablée, atterrée, ajouta : « Les hommes
Vont encore faire une route à la gomme,
À la place du chêne tombé, terrassé,
Et puis, tout l’été, venir dans leurs voitures,
Enfermés, répandre leurs effluves pollués.
Sans
égard
aux
blessures
infligées à la nature. »
Un instant
plus tard,
un merle
passe
par là
Et sifflant sa chanson en un haut la
Triste, il soupire : « Je ne verrai jamais
Un arbre aussi beau, un arbre aussi grand. »
Alors, la pie, le hibou, le friquet,
L’alouette et le merle se tenant
Par les ailes font une belle ronde
Pour honorer ces géants hospitaliers
Que massacre l’abominable, l’insupportable monde
Au nom d’un gros gras gris progrès auto-proclamé.
Et d’un coup, les cœurs des oiseaux ont lâché la bonde,
Et alors, en pleurs, en chœur, ils ont chanté.
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