jeudi 29 avril 2021

LE RÉALISATEUR ET LE MÉDIAN

 


LE RÉALISATEUR ET LE MÉDIAN

 

Version française – LE RÉALISATEUR ET LE MÉDIAN – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Il regista ed il medianoAlberto Cantone – 2018



CADAVRE

Félix Vallotton – 1910



Luciano Re Cecconi est un joueur de fouteballe italien, en 1948 à Nerviano et décédé en janvier 1977 à Rome ; il tenait la place de médian. Le 18 janvier 1977, il voulut faire une farce à un ami bijoutier à Rome et mima un braquage ; la blague tourna mal et il fut abattu à bout portant d’une balle dans la poitrine.

Pier Paolo Pasolini est un écrivain, poète, journaliste, scénariste et réalisateur italien, né en 1922 à Bologne, et fut assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, sur la plage d’Ostie, près de Rome. Ces deux assassinats ne sont aujourd’hui pas élucidés et sans doute, ne le seront-ils jamais.



Dialogue maïeutique


L’autre jour, Lucien l’âne mon ami, on avait promis que je ferais une version française (comprendre : une version en langue française. Française est ma langue maternelle et même paternelle, mais telle n’est pas notre nationalité ; nous pensons et nous écrivons en français sans frontière) d’une chanson en langue italienne d’Alberto Cantone. Eh bien, nous y voilà.


Tu veux sans doute me dire, Marco Valdo M.I. mon ami, que cette version française est terminée. C’est fort bien, mais quelle est donc cette chanson ?


Elle s’intitule assez énigmatiquement, répond Marco Valdo M.I., « Il regista ed il mediano » ; ce qui en français suggère une aussi impénétrable énigme : « Le réalisateur et le médian ».


Oui, en effet, dit Lucien l’âne. Ça laisse perplexe, mais on peut décrypter ces deux mots et les replacer dans leur contexte : le premier – le réalisateur – est un professionnel du cinéma et d’autres médias et le second – le médian – à ne pas confondre avec le média ou le médium – est un joueur de fouteballe, appelé aussi le milieu de terrain – sous-entendu, le joueur qui, quand on considère la disposition théorique de l’équipe à l’arrêt, occupe stratégiquement la place au milieu de la partie de terrain de son équipe ; on l’appelle aussi, si j’ai bien saisi la subtilité, l’arrière-centre ou le centre arrière.


C’est exactement de ces gens-là : du réalisateur et du fouteballiste, reprend Marco Valdo M.I., que parle la chanson. Pas des gens de ces professions-là en général, mais d’un réalisateur et d’un médian particuliers. En l’occurrence, ce ne sont pas des inconnus puisqu’il s’agit dans le cas du réalisateur de Pier Paolo Pasolini et dans celui du médian, de Luciano Re Cecconi. Cependant, ils ne sont pas là « ès qualités ».


Soit, dit Lucien l’âne, mais alors pourquoi ?


Eh bien, figure-toi Lucien l’âne mon ami, qu’ils sont là en raison de leur façon de mourir, d’être passés de l’état d’être vivant à celui de cadavre. On ne saurait dire les choses plus précisément et plus justement.


Oh, dit Lucien l’âne, ça m’a l’air fort trivial, fort plat, fort terre à terre et d’une certain manière, assez irrespectueux.


C’est effectivement le cas, dit Marco Valdo M.I. : ils ont été assassinés et il est évident qu’un assassinat (a fortiori plusieurs) est un acte trivial, plat, terre à terre et assez irrespectueux. Cela dit, la chanson va plus avant dans sa réflexion et dépasse cette obscénité de fait divers. Elle bâtit sur cette coïncidence de destins une fable moderne, un apologue contemporain, une sorte de conte moral, une manière de tombeau comme il était d’usage d’en faire naguère ainsi que le fit Maurice Ravel à la mémoire de ses amis morts au front de la Grande Guerre, celle qui était la préférée de Georges Brassens et qu’il chanta avec sa chanson « La Guerre de 14-18 », dont il fit un très fin commentaire dans une entrevue à la télévision française en 1978 – voir à ce sujet le document de l’INA : https://www.ina.fr/video/I04076281. Ravel l’entendait de la même oreille, donc, dans Le Tombeau de Couperin, où chaque partie est dédiée à un de ces malheureux amis du compositeur.

Le Prélude est dédié à Jacques Charlot, qui avait transcrit pour le piano des œuvres de Ravel. La Fugue est dédiée quant à Jean Cruppi, alors que la Forlane et le Rigaudon sont dédiés respectivement au lieutenant Gabriel Deluc, et à Pierre et Pascal Gaudin, deux frères tués le même jour. Le Menuet est à la mémoire de Jean Dreyfus ; la Toccata finale à Joseph de Marliave.


Oui, j’entends fort bien de quoi il est question, dit Lucien l’âne. Mes oreilles d’âne en ont gardé un souvenir agréablement ému. Pourtant, c’est quand même bizarre, oui, bizarre ou étrange, je ne sais, ce genre – musical ou littéraire – du tombeau et cette déclinaison pour ainsi dire contemporaine. Mais je t’en prie continue.


Donc, quelques mots, dit Marco Valdo M.I., à propos de cette tombe un peu particulière, destinée à deux cadavres, qui, s’agissant d’un réalisateur de cinéma et d’un joueur de fouteballe, fait un montage de leurs existences et de leurs fins croisées. Ce qui est, à l’évidence, une technique de réalisation et un reportage artistique. J’arrête ici et je renvoie pour tout le reste à la chanson elle-même, qui donne en effet à méditer.

Par ailleurs, pour la méditation poétique, regarde les premières strophes et compare-les à ces deux premières strophes d’« Il pleure en mon cœur » de Paul Verlaine, un petit poème d’il y a cent cinquante ans :


« Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur la ville ;

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon cœur ?


Ô bruit doux de la pluie

Par terre et sur les toits !

Pour un cœur qui s’ennuie,

Ô le chant de la pluie ! »


Méditons, méditons alors, dit Lucien l’âne. Il convient de laisser place à la réflexion, mais en cela, on demande beaucoup à des gens peu habitués à méditer, car la chanson est rarement interprétée comme source de méditation. Quant à nous, reprenons notre route (de la soie) et tissons le linceul de ce vieux monde plein de vanités, de cadavres, de tombeaux et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.





Le matin, il
pleuvait un peu à Rome

Depuis la première aube déjà.

Il faisait un froid étrange, comme il n’en fait pas à Rome ;

Mais l’hiver, là, c’est comme ça.


Il pleuvait sur la chaise du réalisateur,

Il pleuvait sur le banc de l’entraîneur.

Aucun ne savait qu’il se trouvait

Face à son dernier arrêt.


Comme du reste on ne sait

Ou on ne peut saisir

Qu’au troisième coup de sifflet,

Est advenue l’heure de finir.


Puis, les ans et la moviola

Nous diront si cette fois-là,

Ce fut un but stupide ou un assassinat

À les éliminer du championnat.


Ou tuer tous deux en ces ans,

Menteurs et meurtriers,

Ans de bordel et de jeunes gens

De Pasolini tant prisés.


Voici le dernier passage,

L’ultime accrochage

Au milieu du terrain,

On rate le destin.


Et le fout, le fout n’est pas la vie :

Le fout est une passion

Et La Religion

De notre époque impie.


Au fout, on ne gagne ni ne perd.

Pas de bombardiers, pas d’arrières

On joue, Pa’, tu le sais certainement,

Pour rester un enfant.


La vie est une autre chose, la vie.

La vie emmène au loin

Une avenue, un centre et puis, ce rien

Qu’est la périphérie.


Et tout seul s’en va le néant

Hors de la mémoire

Sans un réalisateur un peu médian

Racontant une autre histoire.


Cependant, à la prochaine partie,

Ils seront tous deux absents.

L’équipe sera démunie

De ces deux éléments.


Et on ne peut plus les acheter

Au marché des transferts de janvier,

Votre génération devra jouer son temps,

Sans le réalisateur et sans le médian.

dimanche 25 avril 2021

SAMBA LANDÓ

 

SAMBA LANDÓ



Version française – SAMBA LANDÓ – Marco Valdo M .I. – 2021

Chanson chilienne (en espagnol) – Samba landóInti-Illimani – 1979

Chanson écrite par Patricio Manns, Horacio Salinas et José Seves, qui conclut le disque “Canción para matar una culebra”.


SAMBA




Inti-Illimani est un groupe chilien fondé en 1967, lié au courant « cultivé » (ayant étudié la musique) de la « nouvelle chanson latino-américaine ». Leur nom mélange le quechuan (“Inti”=soleil) et l’aymara (“Illimani”=le nom d’un sommet de la Cordillère des Andes).


« Que faisons-nous ce soir ? Je vais voir Inti-Illimani au Massenzio ». C’est ainsi que Nanni Moretti, dans « Ecce Bombo », donne le sens de ce que représentait ce groupe andin dans les années 70, lorsque l’engagement social était fort, au point de devenir une mode, et que le Chili était le symbole de l’oppression fasciste en Amérique du Sud.

Les Inti-Illimani sont depuis longtemps retournés vivre au Chili qu’ils avaient dû fuir en 1973 en tant qu’exilés politiques à la suite du coup d’État de Pinochet où ils ont recueilli les sons de la nouvelle avant-garde musicale latino-américaine, renouvelant leur sonorité typique. « Nous avons récupéré l’écho de notre continent – dit Salinas – surtout grâce à un long travail de recherche sur la musique populaire, la chanson et les nouveaux rythmes. Un panorama qui va du Pacifique au Mexique, de l’Afrique au Chili. ».




Sur le manteau de la nuit,

La lune scintille ;

De mille feux, elle brille

Pour établir un édit :

« Pour les Noirs, liberté !

Chaînes pour le négrier ».


Samba landó, samba landó

Qu’as-tu que je n’ai pas ?

Samba landó, samba landó

Qu’as-tu que je n’ai pas ?


Mon père si pauvre, si sage,

Laissa ce somptueux héritage :

« Pour ne plus jamais être traités

Comme des choses, disait-il plein d’esprit,

Prenez garde, mon ami,

Que ne reviennent les négriers ».



Les gens disent que c’est dommage

Que j’ai la peau noire,

Comme si j’étais une ordure,

Jetée sur le trottoir,

Ils ne savent pas la colère

Qui dans ma race mature.


Aujourd’hui, nous élevons nos voix

En une seule mémoire.

De Ayacucho à l’Angola,

Du Brésil au Mozambique

Il n’y a plus personne qui réplique,

Nous sommes une seule et même histoire.


vendredi 23 avril 2021

ULYSSE

ULYSSE


Version française – ULYSSE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – OdysseusFrancesco Guccini – 2004



 

 

Ulysse et les sirènes


John William Waterhouse - 1891


 

 

 

Dialogue maïeutique


Ah, dit Lucien l’âne, Ulysse, quelle odyssée ! Mais il faut avoir connu Pénélope pour comprendre d’où est surgie toute cette histoire. D’abord, il faut dire qu’Ulysse n’a jamais été prince ou roi, c’était un paysan et comme beaucoup de paysans des âges anciens, quand la terre ne donna plus assez, il s’en est allé à la guerre. En fait, Ulysse et les autres de la bande à Homère étaient des mercenaires.


Hou-la, mon ami Lucien l’âne, je sais que tu as croisé Homère et peut-être même Ulysse et la bande, mais quand même, tu y vas fort. Imagine, Ulysse et tous ces grands héros de la grande épopée fondatrice de notre civilisation ramenés au rang d’une bande d’aventuriers, de bidasses réinventant leur guerre et magnifiant leurs exploits. On peut difficilement digérer que toute la grande histoire repose sur des conversations de bistro.


Soit, dit Lucien l’âne, d’abord, c’est toujours comme ça après les guerres – ceux qui en reviennent ou se taisent ou en font toute une épopée et puis, tu n’as encore rien entendu. Ce n’est pas par hasard que je t’ai demandé si tu connaissais Pénélope, une maîtresse femme celle-là. Ulysse l’avait épousée comme le font les jeunes paysans pour avoir une compagne et une aide pour les travaux quotidiens. Rien que de très coutumier. Mais après quelque temps, il s’est rendu compte de l’erreur qu’il avait commise. Il avait importé en sa demeure un dragon domestique, une femme à poigne, qui ne rigolait pas et qui s’y entendait pour régenter le ménage. Cette calamité ajoutée à la disette, c’était vraiment trop pour lui. Comme on le verra, ce fut aussi le cas pour bien de ses camarades. Alors, il partit à la guerre ; avec les copains, l’affaire lui paraissait plus attrayante. Ils s’en allaient la fleur au bout de la lance.


Ah, répond Marco Valdo M.I., là, tu m’expliques pourquoi Ulysse et les autres sont partis à la guerre ; mais son histoire, celle de la chanson, c’est principalement celle de son voyage de retour. Remarque que si on compare son destin à celui d’Achille ou d’Agamemnon, Ulysse s’en est bien tiré.


En effet, reprend Lucien l’âne, mais Ulysse était plus malin et il avait écouté les anciens du contingent et les vieilles histoires de famille. Donc, Ulysse au régiment rencontra des camarades et ils firent la guerre de Troie. C’est du moins ce qu’Homère a raconté. Je rappelle qu’à l’époque, il n’y avait pas de journaux, pas de journalistes, pas de correspondants de guerre au jour le jour, sur le terrain. Ainsi, Homère, qui était aveugle (réellement ou volontairement) n’a rien vu du réel ; il a raconté ce qu’on lui a raconté. A-t-elle vraiment eu lieu cette guerre et en tout cas, a-t-elle vraiment connu les événements qu’a rapporté le vieil Homère ?


Oh, dit Marco Valdo M.I., c’est comme pour la Bible ou le Coran, ce ne sont que des on-dits, de fols racontars, de la mise en récit de rumeurs, de propos de bistro ou de commérages.


Bref, dit Lucien l’âne, Homère va rapporter ce que la bande lui a raconté le soir à l’auberge tandis que les soirées allaient de libations en libations. Comme il l’a rapporté, c’est Ulysse qui a inventé l’histoire du cheval de bois. Cependant, tout à une fin, le siège de Troie aussi devait bien s’achever un jour et ces joyeux mercenaires devaient bien rentrer chez eux en ramenant le fruit de leurs exploits. C’est là que les choses se sont gâtées pour la plupart d’entre eux – du moins, ceux qui avaient survécu. Comme quoi, il s’était quand même passé quelque chose.


Oui, dit Marco Valdo M.I., mais ça, c’est l’Iliade et la chanson raconte l’odyssée d’Ulysse, sa mirifique aventure maritime.


J’y viens, dit Lucien l’âne. Donc, Pénélope lui avait dit quand il était parti : « Ne t’avise pas de traîner au retour ou alors, il faudra que tu m’inventes une fameuse histoire, que tu présentes de solides raisons. » Et c’est ce qu’Ulysse a fait. Comme on sait, les histoires, les excuses et les mensonges, plus c’est gros, mieux ça passe. La fiction noie la réalité dans les flots du récit. Il faut dire qu’avant de rentrer, Ulysse avait pris le temps de roder son conte à dormir debout avec le spécialiste de l’entourloupe qu’était Homère et avait assaisonné le tout avec les racontages des marins du port. Et comment faire passer ces aventures avec les dames de la côte ? Il fallait embellir le tout et envelopper le tout dans le mystérieux manteau de la poésie. Heureusement pour lui, Ulysse était lui-même un formidable hâbleur, un spécialiste du narrativium. Il fit donc de Nausicaa et des sirènes (en réalité, toutes des jeunes dames aux amours tarifées) : une princesse salvatrice, qui l’avait soigné avec tendresse et des magiciennes étourdissantes, qui l’avaient envoûté. Et puis, faute avouée est à moitié pardonnée et il comptait sur l’effet salvateur du retour, comme pour le fils prodigue.


Eh bien, Lucien l’âne mon ami, tout ça me paraît assez justement décrypter la chanson.


Alors, Marco Valdo M.I. mon ami, regardons-la et puis, comme on n’a pas le temps de refaire toute l’Iliade et l’Odyssée, tels des pénélopes modernes, tissons le linceul de ce vieux monde (notre Ulysse et son odyssée contemporaine) raconteur, narrateur, hâbleur, guerrier et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Il me faut fortement l’affirmer :

À l’évidence, je ne suis pas marin.

Même si les dieux de l’Olympe et les humains

M’ont un jour poussé à naviguer,

Quand je regarde une île pierreuse,

Au-delà de la colline idéalement,

Il y a au comble de toutes choses,

Pour mon cœur et mon tempérament de paysan,

Une île de charrue et de froment,

Sans pêcheurs et sans voiles,

Où le corps et la terre suent l’argent,

l’or coule du vin et de l’huile.


Quand regardant une montagne en face,

On sent une autre montagne pousser,

Une île avec la mer qui l’embrasse

Qui vous appelle de l’autre côté

Et donne un visage à ces chimères,

Ces vaisseaux audacieux et fiers,

Navires concaves aux voiles noires,

Ainsi, ma vie plongea dans la mer,

Et la mer ignorée m’a submergé.

Alors, mon avenir quitta la terre

Avec le doute incertain

D’une navigation sans destin.


Dans le futur, les trames du passé

S’unissent aux lambeaux du présent,

L’eau s’exhale et de son goût salé

Brûle l’esprit innocent.

Chaque voyage réinvente un mythe ;

Chaque rencontre redessine le monde

Et on se perd dans les choses interdites

Aux saveurs toujours plus profondes.


Aller dans l’incendie des jours blancs,

À la force des bras, au souffle du vent,

La main à la barre et prendre en pleine face

L’écume et son éphémère trace

Pour aller dans la nuit sous la voile

Scrutant le scintillement des étoiles,

La grande Ourse et sa piste claire,

Tout droit vers le nord de la Polaire.

Et partir comme poussé par la nature,

Vers une guerre, vers l’aventure

Et se tourner contre les vaticinateurs,

Contre les dieux et contre la peur.


Aller dans des îles enchantées,

Vers d’obscurs arcanes, vers d’autres amours,

Mes compagnons perdus et les barques naufragées,

Des mois, des années, ou seulement quelques jours.

La mémoire confond et fonde l’oubli,

De qui étaient Nausicaa et les sirènes

Circé et Calypso, perdues dans les cris

De leurs voix aux échos obscènes

Et le cri de Polyphème aveuglé.

Mon gouvernail, ma voile, mon aviron

M’ont soudain échappé

Et pour finir, mon éperdue navigation.


À fuir, on meurt et quand tout se tait,

Si proche, je sens ma mort

Sur la mer, et je ne trouve pas la paix

Et je maudis ce décor.

Seul sur ma barque, je suis très frêle,

Mais ne tremble pas ma main

Et je change les rames en ailes

Pour m’envoler au-delà de l’humain.


La voie de la mer indique de fausses routes,

Ses pistes sont trompeuses, toutes ;

Seuls sont restés les récits engendrés

Dans la nuit de celui qui m’a chanté

Et m’a donné à moi, reclus

Dans ses vers, une éternelle vie

Et dans ses rythmes et dans ses rimes, la joie infinie

D’entrer dans des ports inconnus.