Le Rêveur de la Plage
Chanson française – Le Rêveur de la Plage – Marco Valdo M.I. – 2021
Dialogue maïeutique
Je pense, Lucien l’âne mon ami, que tu n’auras aucune peine à te remémorer la chanson dont on parlait tout récemment où au milieu de baigneuses et d’enfants se sont échoués comme le font les cachalots des migrants rejetés par la mer.
Oui, très bien, Marco Valdo M.I. mon ami, cette histoire m’est gravée dans la tête comme dans le cœur, tout comme l’est depuis des siècles celle d’Ulysse et de Nausicaa.
Alors, reprend Marco Valdo M.I., tu vas fort bien comprendre ce qui suit. Ainsi, alors que je préparais la version française L’ÉTÉ SUR UNE PLAGE BONDÉE de cette chanson italienne Summer on a spiaggia affollata, à l’endroit où il est dit :
« Une
de ces femmes modernes crie fort :
« Ne dérangez pas
monsieur ! Il dort. »,
il m’est revenu en tête un passage, deux vers d’Arthur Rimbaud.
Halte, Marco Valdo M.I. mon ami, laisse-moi le temps. Je pense savoir de quel vers il s’agit.
Eh bien, Lucien l’âne mon ami, va-z-y, j’attends. Je suis très curieux de ta réponse.
J’y suis, dit Lucien l’âne. J’y suis, adsum, j’y suis. J’en suis sûr. C’est la fin du Dormeur du Val, dont le titre exactement orthographié est « Le Dormeur du Val ».
« Il
dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a
deux trous rouges au côté droit. »
Je te savais savant, mon ami l’âne Lucien, mais te voilà presque devin, car c’est bien ces deux vers-là qui m’étaient revenus de la mémoire. Tellement fort qu’ils m’ont poussé, tiré, attiré, mené, emmené, amené à concevoir une chanson, un vrai pastiche, un pastiche véritable, un pastiche au plein sens du terme de ce poème d’Arthur Rimbaud et c’est le résultat de cette illumination que je m’en vas te montrer, te lire, te dire, tout ce qu’il te plaira.
Il me plaira certainement de tout entendre, de tout connaître, dit Lucien Lane.
Puisqu’il en est ainsi, Lucien l’âne mon ami, je vais profiter de ta bienveillance pour t’en dire quelques mots préliminaires de plus, car il te faut savoir que ce Rêveur de la Plage, c’est finalement son titre, avait commencé sa carrière nanti du titre de Dormeur de la Mer, un mixte entre Le Dormeur (du Val) de Rimbaud et (Les Travailleurs) de la Mer d’Hugo. Voilà, au passage, comment s’entremêlent des bribes de culture dans une tête fatiguée comme la mienne.
Il y a là-dedans, dit Lucien l’âne, des étincelles, des courts-circuits. Il faudrait consulter ; il faudra sans doute te soigner la cervelle.
Oh, mais Lucien l’âne, je me soigne au beaujolais – exclusivement, ces derniers temps ; d’autres fois, d’autres saveurs, d’autres liqueurs ont eu ma préférence. Le génépi, par exemple ; au fait, Connais-tu le pays où le génépi fleurit ? Bref, telle n’est pas l’affaire qui nous occupe ; revenons à nos cochons, revenons à nos dindons et à la confection de ma chanson. Pour la faire, j’ai repris la scène de L’ÉTÉ SUR UNE PLAGE BONDÉE : une plage, des estivants, du soleil, un décor : le ciel, le soleil et la mer à l’été ; ajoute-z-y des enfants, des ballons et un corps étendu de tout son long, un corps sombre, un corps noir, venu de la mer, rejeté là par une vague plus forte. Il a la tête posée sur son avant-bras droit, à son tressaillement, on peut imaginer qu’il rêve, on le voit qui sourit. Voilà mon « Rêveur de la Plage ».
C’est une scène touchante, dit Lucien l’âne. Et peut-être, une des estivantes curieuse ou un enfant courant après son ballon vont-ils le réveiller ?
Ça m’étonnerait, dit Marco Valdo M.I., son tressaillement est un spasme, son rire, un hoquet et son sourire, sa dernière grimace. Cet homme meurt ; il ne se réveillera plus.
Ah, dit Lucien l’âne, il me fait penser à la chanson Le Clown de Giani Esposito, tu sais celle où le clown se meurt.
« Ouvrez donc les lumières
Puisque le clown est mort
Ouvrez donc les lumières
Puisque le clown est mort »
Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, c’est comme dans Rimbaud ; c’est comme pour tout le monde, finalement, on meurt. C’est logique. Que peut-on face à la mort, depuis si longtemps qu’elle nous suit. Oncle Archibald avait bien résumé l’affaire. Et puis, elle n’est pas pressée, elle a tout le temps devant elle. J’arrête là, sinon je m’embarquerais pour une péroraison sans fin et on ne connaîtrait jamais ma chanson.
Soit, dit Lucien l’âne, de toute façon après, tu auras tout le loisir de lui conter fleurette à ta Dulcinée, mais place à ta chanson, elle m’intrigue. En alexandrins, tu disais ? Et puis, tissons le linceul de ce vieux monde impitoyable, périssable, vacillant, mortifère, morticole et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
C’est une plage l’été où la foule récupère
Balançant en l’air insouciante ses ballons
D’enfant ; où le soleil doré adoré prospère
Sur un petit estran alangui sans façon.
Un
homme jeune, bouche ouverte, tête
nue
Et
le bras
étendu sur le sable brûlant
Dort ;
il étale
son
être
sous
la nue,
Sombre
sur
sa couche où la lumière ment.
Les
pieds en
éventail,
il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un
somme :
Il
rit en rêvant.
Lui aussi croit
au bonheur.
Les
parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il
dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Frères,
sœurs,
regardez-le
bien
maintenant :
il meurt.
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