dimanche 6 décembre 2020

GUERRE

GUERRE


Version française – GUERRE – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson néerlandaise – OorlogToon Hermans – 2000





 VELOUTÉ DE CHAMPIGNON



Dialogue Maïeutique 



Je ne te savais pas si savant, Marco Valdo M.I. mon ami, au point que tu puisses traduire le néerlandais.


Oh, Lucien l’âne mon ami, c’est là une vilaine taquinerie, car ici, on est tous censés connaître la langue de Vondel ou celle, en l’occurrence, de Toon Hermans. Et pour moi, c’est relativement vrai ; cependant, à la vérité, il faut reconnaître qu’on la connaît mal, moins bien encore qu’on ne sait le français.


Soit, dit Lucien l’âne, il doit bien y avoir des raisons à ça.


Certes, répond Marco Valdo M.I., et la première raison, c’est qu’on ne peut connaître toutes les langues. À entendre certains, il nous faudrait être tous polyglottes, question de s’entendre entre voisins. Moi, je veux bien, mais dans la ville ici où on vit, on recense plus de 150 langues et ce doit être à peu près pareil un peu partout en Europe dans les villes un peu peuplées. Moi, face à ce déluge, je reste d’avis qu’il conviendrait d’abord d’en maîtriser correctement une, chose que j’ai bien du mal à faire.


Évidemment, dit Lucien l’âne, il faudrait définir ce qu’on entend par maîtriser une langue. En prenant le seul vocabulaire, la maîtrise d’une langue comme le français suppose la connaissance fine de plusieurs milliers de mots – si ce n’est plus encore et leurs diverses significations.


De fait, dit Marco Valdo M.I. ; en plus, il faut avoir l’oreille et ça, c’est un acquit physiologique culturel, une aptitude – dès la plus petite enfance – à entendre la langue dans laquelle on vit, à entendre, à percevoir certaines sonorités. La tessiture, la tessiture, je te le dis, selon les langues, est plus ou moins étendue. Il paraît que la langue française est assez peu douée pour cet exercice, ce qui expliquerait bien des choses.


La tessiture, la tessiture, dit Lucien l’âne, tu as bien dit la tessiture ? Curieux, nous les ânes, on entend tout, mais on ne comprend rien. C’est du moins ce qu’on dit de nous.


Enfin, bref, tout ça pour te dire, Lucien l’âne mon ami, que finalement – inspiré par la traduction de Riccardo Venturi, je me suis autorisé à faire une version française d’une chanson en néerlandais et je pense ne pas m’en être trop mal tiré. Sans doute aussi, grâce à la rime, qui est – soit dit en passant – un merveilleux instrument, même si dans son Art poétique, Verlaine, grand rimeur, a tenté de faire croire le contraire.


« O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ? »


Pourtant et c’est effet de la rime, il ajoutait :


« Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint. 
»


Bien sûr, bien sûr, dit Lucien l’âne, mais sansdieu, que raconte cette chanson ? Elle devrait parler de la guerre, il me semble, pas d’art poétique.


De fait, dit Marco Valdo M.I., mais elle veut le faire, comme toute bonne chanson, poétiquement et elle fait donc ainsi avec une très jolie rengaine où des enfants s’amusent à sauter à la corde – peut-être, sous-entendu, et que les adultes se massacrent. Oui, une jolie rengaine, qui dit :


« Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants. »


Ah, dit Lucien l’âne, ce sont des enfants qui ont de la chance, s’ils peuvent jouer et s’ils ne sont les cibles de tireurs ou de bombardements.


Et puis, la chanson se pose aussi la question du « loup garou », dont on avait déjà causé dans le dialogue préliminaire à « Gare au Garou », quatre-vingt-huitième chanson de la suite Ulenspiegel le Gueux. Pour le reste, il suffit de lire la chanson.


Oui, c’est ce que je vais faire, dit Lucien l’âne. Allons, maintenant, tissons le linceul de ce vieux monde tueur, tuant, truand, tué, guerrier, guerroyant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane











Parfois, par les rats, les chats sont attaqués

Et les moutons dévorent les lions ;

Les mains douces commencent à frapper

Et le tendre murmure se mue en lamentation.



Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.



Parfois, les gens attaquent les gens,

Parfois, les gens perdent la raison en masse,

Les villes brûlent et les navires périssent.

Le journal dit : c’est la guerre, maintenant.



Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.



On déchire l’amour en morceaux

Et l’un l’autre, on se fait la peau,

Au lieu de cueillir des fleurs sauvages.

Le monde est mûr pour le carnage.



Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.



La bête, au fond de nous, gratte

Encore et sort à nouveau ses pattes.

C’est le temps des pleurs et du désarroi,

Encore une fois après déjà tant de fois autrefois.



Seuls les enfants sautent à la corde,

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.



Pourquoi les gens se font-ils tant de mal

Et trouvent ça normal ?

Seraient-ils de ces loups-garous

Qui des morts ont le goût ?



Seuls les enfants sautent à la corde

Sautent à la corde en chantant.

Seuls les enfants jouent à la corde,

Seuls les enfants sont des enfants.



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