EUROPE
Version française – EUROPE – Marco Valdo M.I. – 2020
d’après la version italienne de Riccardo Venturi
d’une chanson allemande – Europa – Die Toten Hosen – 2012
Album : Ballast der Republik
L'ENLÈVEMENT D'EUROPE Maerten de Vos - 1590 |
Chanson du groupe allemand Die Toten Hosen, qui parle de la difficile traversée des migrants en Méditerranée pour rejoindre l’Europe et de la mort que beaucoup d’entre eux trouvent au fond de la mer.
Dialogue Maïeutique
Europe ?, dit Lucien l’âne, la chanson s’intitule Europe ?
Euh, oui !, dit Marco Valdo M.I., Europe, tout simplement, Europe. Pourquoi ? Pourquoi elle ne pourrait pas s’appeler ainsi ?
Eh bien, non !, dit Lucien l’âne. Elle peut parfaitement s’appeler ainsi, mais je voulais juste savoir de quoi elle causait, ce qu’elle pouvait raconter, car c’est un sujet proprement historique et mythologique. Un sujet épique, tragique, tragi-comique et pour tout dire, continental. Une histoire de nymphe et de taureau et de leurs fricotages érotico-tauromachiques, une histoire qui ne manque pas de sel, pas de piquant, non plus ; l’histoire de la marche de l’homme d’Engis et de Néanderthal vers la démocratie. Un très, très long chemin, tu peux me croire.
Donc, Europe, reprend Marco Valdo M.I., c’est logique, même si, en fait, Europe n’apparaît jamais dans la chanson, même si comme l’Arlésienne, elle est le personnage central du drame qui se joue dans la chanson.
Et alors ?, demande Lucien l’âne. Il y a une histoire dans cette chanson, j’imagine.
Une histoire, certainement, la voici, Lucien l’âne mon ami. C’est une histoire que tu connais quasiment depuis toujours et d’abord, car elle se situe aux pourtours de la Méditerranée, cette mer dont tu as fait le tour des dizaines, si ce n’est des centaines de fois et si j’oserais dire, que tu connais comme ta poche d’Odessa à Madaure, d’Alexandrie à Tanger, toi qui as encore connu Troie debout, toi qui as vu le cheval de bois.
Bon, c’est autour de la Méditerranée, dit Lucien l’âne, et puis, quoi ?
C’est, Lucien l’âne mon ami, l’histoire désolante de la fuite vers l’Europe, puis en Europe, de gens qui laissent tout derrière eux : famille, amis, village, ville, montagne, forêt, fleuve, lac, plaine, rivages océaniques, désert, que sais-je ? et qui ont comme objectif, comme but, comme destination — mot dont on oublie trop souvent qu’il signifie le lieu du destin et comme on le sait, le destin est versatile — l’Europe, du moins, ses rives méditerranéennes. Pourquoi ? Tout simplement, car ils arrivent du sud ou de l’orient par la mer. Ils viennent chercher refuge face à une destinée contraire. Du moins, c’est ce qu’ils espèrent, et cette espérance est ce qui constitue le drame, qui institue dès le départ la tragédie. En gros, ou ils meurent en route, ou on les ramène de l’autre côté, ou alors, ayant réussi le saut, ils trouvent une vie au rabais. On ne sait ce qui est le mieux.
Oh, dit Lucien l’âne, j’ai entendu dire que parfois, peut-être, il y a des exceptions, parfois, l’histoire se termine à peu près bien.
Pour la chanson, rien n’est moins certain, répond Marco Valdo M.I., et sa conclusion est terrible :
« Ce n’est pas un conte pour enfants :
Pas de fin heureuse pour ces gens
Et s’ils ne sont pas morts,
Aujourd’hui, ils meurent encore. »
Oh, dit Lucien l’âne, c’est une chanson ancienne, elle date déjà. Les choses se sont sans doute améliorées.
Tu rêves, Lucien l’âne mon ami. Pour ce que j’en sais, j’ai quand même le sentiment qu’elles n’ont fait qu’empirer. Cependant, il ne faut pas oublier que toute cette histoire se déroule au cœur de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les nantis font aux pauvres et aux démunis afin de maintenir leurs privilèges, d’assurer leur domination, de garantir leur croissance ad infinitum, de protéger leur eldorado et d’accroître leurs richesses insensées.
Alors, Marco Valdo M.I mon ami, tissons le linceul de ce vieux monde féroce, atroce et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dans le port, ils lèvent les voiles,
Ils partent vers le grand large.
Les familles leur font signe adieu
Et les suivent longtemps des yeux.
L’eau s’étale comme un miroir ;
Ils vont silencieux dans le noir
À cinquante miles de la destination
Si proche derrière l’horizon.
Dites-moi que c’est un conte,
Une fin heureuse pour tout le monde,
Et qu’ils ne sont pas morts,
Et qu’ils vivent aujourd’hui encore.
Ils viennent par milliers, mais en grande majorité,
La terre promise jamais, ils n’atteindront,
Car les patrouilles les attraperont
Pour, en notre nom, les déporter.
Et les rescapés finiront noyés
Dans le charnier de la Méditerranée
Ce n’est pas un conte pour enfants :
Pas de fin heureuse pour ces gens
Et s’ils ne sont pas morts,
Aujourd’hui, ils meurent encore.
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