mardi 21 juillet 2020

LA SORCIÈRE


LA SORCIÈRE

Version française – LA SORCIÈRE – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – La strega – Collettivo Víctor Jara – 1979



LA SORCIÈRE

Angelo Caroselli vers 1630




Dialogue Maïeutique


Une fois encore, Lucien l’âne mon ami, on revient à la question de la sorcière ; de la vraie sorcière, de ce personnage essentiel de la vie paysanne, de celle qui incarnait la fibre maternelle, qui était à elle seule le service de santé de la société – de santé physique, de la naissance (accoucheuse) à la mort (accompagnatrice du mourant), aidant l’humaine personne à entrer dans le monde et l’aidant à en sortir ; elle était aussi celle à qui on pouvait confesser ses malheurs, ses tristesses, ses faiblesses, celle qui savait vraiment ce qu’il en était de la vie réelle, la consolatrice et la salvatrice ; une femme savante qui savait les méandres des plantes et de l’humaine condition. Auprès de qui on allait chercher aussi des conseils de vie. On y revient cette fois-ci avec une chanson italienne intitulée : « La Strega » – « LA SORCIÈRE ».

Ce n’est, en effet, pas la première sorcière que l’on croise, dit Lucien l’âne. Je me souviens de « Katheline, la bonne sorcière », pour laquelle je demandaisdans le dialogue qui précédait la chanson dans l’édition papier de « La geste de Liberté » (La Légende libertaire) – pourquoi « la bonne sorcière », car généralement, les sorcières ont la mauvaise réputation et on entend plus souvent « la mauvaise sorcière ».

Oui, Lucien l’âne mon ami, j’ajouterais pour être complet à propos de Katheline, les deux autres chansons qui racontent son supplice et sa mort : « Katheline suppliciée » et « La douce Mort de Katheline ».

En somme, dit Lucien l’âne, il y a là comme une hagiographie et dans le fond, les sorcières le méritent bien. Et puis, toujours dans ce dialogue de la Légende, j’ajoutais parlant de Katheline :

« C’est donc une vraie sorcière, une de celles qui dans les villages et les campagnes soignent les gens et les animaux, une de celles ui connaissent les remèdes et les plantes, une de celles qui sont depuis toujours les conseillères intimes des femmes et exercent les talents si essentiels de sages-femmes – un nom très significatif. »

Cela étant, reprend Marco Valdo M.I., je n’ai pu résister au vrai désir et au vrai plaisir de (non pas faire une traduction) me confectionner en bon tailleur des mots une version sur mesure de cette « Strega » du Collettivo Víctor Jara. C’est franchement tout autre chose qu’une traduction et cette manière de procéder produit une chanson dans une autre langue, qui a le souci d’être elle-même, tout en gardant bien sûr – autant que faire se peut – la filiation avec le texte d’origine. À l’usage, j’ai pu constater que cette façon ouvre parfois de nouveaux horizons. Mais quoi qu’il en soit, libre à quiconque de composer une autre version ou même d’en proposer une véritable traduction. Et sans doute, tout le monde y gagnerait.

Oh oui !, dit Lucien l’âne, je le pense aussi. Maintenant, serait-il possible de dire quelques mots de cette version-ci et de son texte d’origine.

De fait, Lucien l’âne mon ami, tu fais bien de me rappeler à ma version et à son origine. C’est donc une sorte de prière-accusation qui met en cause une sorcière et la réponse de celle-ci ; une sorte d’étrange dialogue. Je n’en dirai pas plus : la vérité est poésie et je ne peux faire mieux que de m’en remettre à la chanson.

Fort bien, dit Lucien l’âne, c’est une sage précaution et l’expression d’une vérité ; car pas plus qu’on ne peut mettre en mots la musique ou la peinture ou mettre en musique ou en peinture, les mots, on ne peut mettre en prose la poésie, on ne peut la détailler, la décomposer sous peine de la perdre et d’en perdre le sens. On n’obtient pas de bons résultats par l’autopsie d’une chanson ; on se retrouve avec les morceaux de son cadavre. Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde guindé, sourd, malentendant, malentendu, croyant, vulgaire, brutal et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane









Brûlez la sorcière, elle lit l’avenir,
Parle au vent, parle à la lune.
Brûlez la sorcière, elle lit l’avenir,
Parle au vent, parle à la lune.
Vous qui connaissez les ombres fugaces,
Vous qui même la mort, ne craignez pas,
Au travers des miroirs, vous tendez les bras
Quand nous avons peur de nos propres faces.



Marbre, mes mains et pierre, ma peau ;
Et un jour, j’ai entendu le fleuve m’appeler ;
Et mes cheveux ont fondu, j’étais l’eau du ruisseau ;
Et feuilles, mes mains dans la rivière qui a chanté ;
Et maintenant, je n’ai plus peur, je n’ai plus peur,
Maintenant, je n’ai plus peur.



Vous qui venez nue, sans éclat,
Baiser notre corps dans nos songes ;
Lèvres humides, peau de neige,
Vous faites désirer ce qu’il ne faut pas.



La règle et le silence, la loi, la peur, le noir,
Un Dieu dirige le monde, la mort est son paladin,
Mais le fou cornu m’a donné de son vin,
Il m’a en chantant menée sur le pont de moire,
Il chantait la forêt, un Dieu pour chaque fleur,
Il m’a appelée la « vierge des couleurs » ;
Et juste à ce moment, le vent m’a parlé,
La lune m’a étreinte et je me suis envolée.



Chevalier et roi sans épée à la main,
Vous qui croyez au destin,
Brûlez la sorcière, elle lit l’avenir,
Parle au vent, parle à la lune.
Brûlez la sorcière, elle lit l’avenir,
Parle au vent, parle à la lune.



Et maintenant je n’ai plus peur, je n’ai plus peur.
Je suis chaux dans le roc ; et cendres dans les airs ;
Et feuilles, mes cheveux ; et blé, mon sourire ;
Et vent, ma voix ; et nuit, ma chimère ;
Et je viendrai encore, dans la nuit dansant,
Siffler avec le corbeau, rire avec le vent ;
Et quand soufflera le feu et son grand air,
Vous me sourirez et je regarderai le firmament ;
Vous me tendrez les bras, en pleurant,
Vous baiserez mon visage d’eau claire.



Et je serai libre.

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