lundi 11 mai 2020

La Poule d’Homère



La Poule d’Homère


Chanson française – La Poule d’Homère – Marco Valdo M.I. – 2020

Quelques histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré, traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985 sous le titre La Ville du Sud.(3)







La Tête d'Homère




Dialogue Maïeutique


Quel titre étrange, une fois encore, Marco Valdo M.I. mon ami. Que peut bien raconter une chanson qui est intitulée « La Poule d’Homère ». C’est très ambigu. Enfin, pour ce qui est d’Homère, je sais qui c’est ; je l’ai promené un jour sur mon dos, il y a très longtemps, j’en conviens, mais j’ai une mémoire d’âne. Seulement pour ce que j’en sais, et j’en sais sans doute plus que quiconque actuellement, Homère voyageait seul. C’était une sorte de vagabond, le déserteur de tant de combats. Donc, s’il est question de lui attribuer une « poule », je pense que c’est une erreur. Avec le métier qu’il avait d’aller raconter des histoires de village en village et à pied encore bien, la plupart du temps, il ne pouvait pas s’encombrer d’une poule. Et de plus, à l’âge qu’il avait quand il s’était affublé du nom et de la réputation d’Homère, encore moins. Il n’en avait pas les moyens. Tout ceci évidemment, à supposer que nous parlons du même Homère ou que l’Homère dont nous parlons aujourd’hui est bien l’Homère d’alors.

L’Homère d’alors ?, soit ! Lucien l’âne mon ami, tu fais bien de parler de cet Homère-là. Le personnage ainsi visé dans la chanson est bien celui-là, il n’y a pas d’erreur : il s’agit de l’aède auquel on attribue l’Iliade et l’Odyssée. Quant à sa personne réelle et à la vie qu’il a vraiment vécue, c’est pareil que pour William Shakespeare, celui qui a vraiment écrit les pièces de théâtre publiées sous ce nom. On ne sait pas grand-chose, on suppute, on suppose mille choses.

Oui, je sais, dit Lucien l’âne, en guise de tête d’Homère, on a un buste ; pour Shakespeare, on a un mauvais portrait et aucun des deux – buste ou portrait – fait de leur vivant. Quoique pour ce qui est de William Shakespeare, les choses évoluent et on commence à lui trouver à l’incarner dans une personne réelle, dont le nom d’auteur serait un hétéronyme.

Mais laissons cela, dit Marco Valdo M.I., on risquerait une querelle d’Anglais et ça nous entraînerait trop loin. Maintenant, pour ce qui est de la poule, tu as été trop vite en besogne. Il s’agit d’une malheureuse gallinacée, déjà presque morte au début de la chanson.

Bien, bien, dit Lucien l’âne, tu me dis que cette volatile meurt et puis quoi ?

Il existe en français, Lucien l’âne mon ami, et presque tous les enfants la connaissent, une comptine, une très petite comptine qui a inspiré le début de la chanson. Cette comptine, vraiment enfantine, est très courte, si courte que je te la chante entièrement de mémoire à l’instant :

« Une poule sur un mur
Qui picore du pain dur
Picoti, Picota
Lève la queue et puis s’en va. »

Oh, dit Lucien l’âne, les comptines sont des choses fort mystérieuses. Je pense que leur grand secret, c’est d’être à la mesure de la mémoire enfantine.

Enfin, bref, reprend Marco Valdo M.I., cette poule se noie dans la citerne et on ne peut l’y laisser sous peine d’empoisonner toute la famille. Il faut donc extraire la poule, mais aussi, vider et nettoyer la citerne. On fait venir des ouvriers et parmi eux, il y a un certain Omer, qui va en quelque sorte ressusciter Homère.

D’accord, dit Lucien l’âne, mais que viennent faire les Allemands dans cette histoire de poule ?

Mais rien précisément, répond Marco Valdo M.I. ; ils n’ont rien à y faire sauf que dans la tête de l’enfant, perdu dans cette guerre qui ravage toute l’Europe d’alors, ces Allemands sont les affreux monstres qui mutilent et qui tuent. Ainsi, la guerre s’invite dans l’imaginaire des enfants.

En somme, dit Lucien l’âne, c’est toujours ainsi dans la Guerre de Cent Mille Ans ; elle est partout, elle s’insinue dans tous les moments de la vie, y compris dans celle des enfants ; elle façonne leur interprétation du monde, elle nourrit leurs peurs et leurs terreurs, mais elle nourrit aussi leurs jeux et leurs rêves. Enfin, que dire, tissons le linceul de ce vieux monde monstrueux, imaginaire, fantastique et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Une poule dans la cour,
S’en vient faire un petit tour ;
Trop curieuse de tout,
Elle tombe dans le trou.

Dans l’eau de notre citerne,
La poule caquetante se noie.
Tout le quartier à notre poterne
Se presse comme à l’opéra,

Pour voir ce spectacle rare
De la citerne qu’on nettoie.
Une citerne n’est pas une mare,
On ne la vide pas comme ça.

Ainsi, tel Diogène, l’homme au tonneau,
Les ouvriers, lanterne à la main,
Au bout d’une corde, depuis le matin,
Descendent et montent avec leur seau.

Le plus vaillant et le plus petit aussi
Au joli nom d’Omer répond.
Par le trou, je crie son nom
Et la citerne en écho renchérit.

Sais-tu qui était Homère ?, me dit mon père.
Un ancien aède aveugle des deux yeux,
Il racontait Hélène, Troie et la guerre.
Pourquoi les Allemands lui ont-ils crevé les yeux ?

C’était il y a très, très longtemps,
Il n’y avait pas encore d’Allemands.
Souvent, à présent, je crie « Omer ! » au trou
Et la citerne répond Homère à chaque coup.

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