mercredi 15 avril 2020

L’infinie Terreur


L’infinie Terreur

Chanson française – L’infinie Terreur – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 54

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.


Un à un, les petits comédiens expirent.
À part le palatin, pas de militaire
Dans cette compagnie burlesque.



Dialogue Maïeutique

Vois-tu, Lucien l’âne mon ami, « La dernière Scène » se terminait sur la vision atroce du massacre des petits comédiens orphelins de leur directeur-déserteur par une bande de soldats ivres qui avaient surgi dans l’auberge en pleine nuit. Ce fut un pandémonium. Les marionnettes, le comte palatin Siegfried en tête, avaient crânement tenté la voie de la résistance, mais la lutte entre les pantins et les militaires de l’armée impériale était par trop inégale.

Oui, dit Lucien l’âne, je me souviens très bien de tout ça et du comportement ignoble des soldats ; mais pourquoi me racontes-tu ça ?

Eh bien, répond Marco Valdo M.I., tout simplement, car malgré ce que ce titre « La dernière Scène » laissait penser, le combat continue. Avant de passer à la suite, je récapitule : Siegfried, le comte palatin, était mort en preux ; Geneviève, la comtesse par ailleurs duchesse de Brabant mourait en martyre, odieusement et multiplement violée par les brutes avant d’être étranglée par l’adjudant ; la belle Hélène, habituellement généreuse de ses charmes érotiques, s’était défendue avec la dernière énergie comme Jeanne la Pucelle ; Méphistophélès avait rameuté les puissances infernales avant de succomber ; Basile, alias Don Basilio, avait tenté – sans succès – de négocier ; Labyrinthe, quasi-centenaire, avant de se suicider, avait abattu l’adjudant, vengeant ainsi la comtesse. On en était là et de fait, on pouvait penser l’affaire terminée.

Soit, s’étonne Lucien l’âne, mais serait-ce que tu voudrais me faire comprendre que ce n’est pas le cas ?

Très exactement, répond Marco Valdo M.I., ce n’est pas le cas ; le combat continue. C’est ce que raconte la nouvelle chanson. Au passage, j’en profite pour préciser que c’est là le cinquante-quatrième épisode de cette saga, qui donc actuellement comporte un total de 1296 vers, sans compter la ritournelle de Monsieur Polichinelle qui apporte elle 648 vers, soit au total 1944 vers.

Oh, dit Lucien l’âne en riant, c’est beaucoup moins que la Chanson de Roland, par exemple.

Bref, reprend Marco Valdo M.I., on pensait l’affaire close, mais c’était une erreur. Il restait des comédiens qui n’étaient pas encore venus sur scène pour cette ultime représentation. À l’imitation de Molière, ils avaient bien l’intention de finir leur vie sur les planches.

On ne se refait pas, dit Lucien l’âne.

Surtout à la fin, insiste Marco Valdo M.I. ; ainsi, ceux qui n’avaient pas encore pu se faire voir sont sortis de l’ombre. Pierrot, bien que manchot, par sa seule présence inquiète les agresseurs à l’idée que Bernadotte, le maréchal français dont ces pillards dépendent, impose la peine capitale à ceux qui s’en prennent aux civils.

C’était un bon début assurément, remarque Lucien l’âne.

De toute évidence, dit Marco Valdo M.I., mais aujourd’hui encore, il y a beaucoup à faire en la matière sans même insister sur le fait que ce n’est qu’une mesure cosmétique, en quelque sorte. Mais revenons à nos marionnettes en résistance. Pierrot n’est pas le seul acteur encore présent, car entre en scène alors, un autre témoin : l’intellectuel, le philosophe, le savant de la petite troupe, j’ai nommé le Docteur Johanès Faust, qui, en raison de l’impérieuse nécessité, transcendant sa nature, se rue au combat et de ses pieds et de ses poings, il frappe les troufions, qui rient aux éclats, tant il les chatouille. Puis, ces turlutins géants le trucident et en même temps que Pierrot, le tranchent en morceaux. Ce que voyant, David, de sa fronde biblique et de ses cinq cailloux, liquide cinq de ces truands. Puis, désarmé, il doit se rendre et contre toutes les lois de la guerre, ces briscards le torturent et il meurt dans cette horreur, les yeux noyés d’une infinie terreur. Point final.

Quelle histoire !, dit Lucien l’âne. Quelle héroïque résistance ! Décidément, ces petits hommes de bois me plaisent de plus en plus. Ils auront toujours une place dans ma mémoire, une scène réservée où ils pourront jouer tous les spectacles qui leur passeront par la tête et là au moins, il y aura un spectateur. Quoi qu’il en soit, tissons le linceul de ce vieux monde libidineux, mortuaire, funèbre, statistique et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Par manque d’expérience de la soldatesque,
Un à un, les petits comédiens expirent.
À part le palatin, pas de militaire
Dans cette compagnie burlesque.

Les cadavres restent bizarrement étendus,
La faux de la mort tue à tours de bras
Et les faux morts ne se relèvent pas.
Pierrot le manchot éperdu a tout vu.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Faust et Pierrot sont d’encombrants témoins,
Car le Docteur aussi a tout vu de sous la table.
Pour les tueurs, le poteau et le sable.
La peine capitale, pas moins !

Maintenant, c’est l’heure des courages,
Pierrot crie, Faust frappe avec rage.
Les soudards s’amusent de leurs colères,
Les détranchent et laissent les morceaux à terre.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

David, embusqué dans la cour,
Fait face à son tour.
Avec sa fronde et cinq pierres,
Il étend cinq mercenaires.

Sans plus de munitions, sans armes, prisonnier
David est longuement torturé.
Le regard fixe, il meurt dans l’horreur,
Les yeux noyés d’une infinie terreur.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

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