Déshabillez-moi !
Chanson
française – Déshabillez-moi ! – Juliette Gréco – 1969
Texte :
Robert Nyel – Musique : Gaby Verlor
Pour la
saison, un slogan :
« Déconfinez-moi ! »
Par
Juliette Gréco :
Par
Mylène Farmer :
Danseuse
Edward Hopper
1941 |
Dialogue
Maïeutique
L’autre
jour, Lucien l’âne mon ami, tu avais mis en commentaire avec plein
d’humour et de raison (à la chanson Second
Life), car, disais-tu, Plaisir d’humour dure toute la vie, une
série de chansons de chansons (françaises) en illustration de ton
propos et tu les avais judicieusement classées dans la rubrique :
« Chansons déconfinées ». Je dirais même déconfessées,
déconfessionnées ou déconfessionnalisées. En fait, les quatre à
la fois.
En
vérité, je vous le dis, je n’avais pas pensé à ça, dit Lucien
l’âne en riant, mais c’est vrai qu’elles pouvaient être
qualifiées ainsi ; surtout à l’époque où elles avaient été
conçues. En ce temps-là, elles étaient de véritables morceaux de
bravoure de la libération des confessions et des confessionnaux.
Il ne
faut jamais perdre de vue la dimension historique, Lucien l’âne
mon ami, tu fais donc bien de rappeler que les religions et les
religieux ont une furieuse tendance à confiner la pensée et les
hommes (les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, par
exemple), d’autant que si l’hydre religieuse s’est un peu
repliée depuis, le ventre est encore fécond, tu connais la suite de
la citation.
Évidemment,
dit Lucien l’âne, elle dit « Le ventre est encore fécond
d’où a surgi la bête immonde ».
Exact,
la bête immonde, l’hydre, reprend Marco Valdo M.I., et il faut
encore et toujours se méfier des coups de queue des clercs –
toutes religions confondues ; ici, du moins, de toutes celles
dites du Livre : Torah, Bible ou Coran, même combat contre les
impies – que nous sommes. Ainsi cette chanson que tu suggérais
était : « Déshabillez-moi ! », tout un
programme.
Et
quel programme, dit Lucien l’âne, il m’arrive encore d’en
rêver. Donc, Juliette Gréco chanta cette chanson – en tenue fort
stricte de femme en noir, pour souligner le trait, mais elle l’a
fait pour diverses raisons. En plus de la considérer comme une
chanson fort plaisante, Juliette l’avait adoptée en manière de
réponse féminine et un peu féministe à la domination masculine, à
la façon dont certains hommes (une majorité!) traitaient les femmes
en objet de leurs fantasmes sexuels et oedipiens. Résumé :
« Toutes des putes, sauf maman ! » C’en faisait
une chanson de combat (sans jeu de mots laid).
Assurément,
Lucien l’âne mon ami, ce n’est pas un calembour bon. D’autant
– l’anecdote vaut le détour- que Juliette avait adopté la
chanson, refusée par d’autres chanteuses de l’époque, à la
condition qu’elle puisse y ajouter les deux derniers vers :
« Et
vous,
Déshabillez-vous ! »
Ces
deux derniers vers renversaient la perspective ou mieux encore,
mettaient à égalité les deux partenaires. En cela, elle est plus
féminine que féministe ; autrement, défendant l’une
sans faire la guerre à l’autre. Car, dans ces affaires humaines
comme dans toutes les autres, on trouve la trace et les travers de la
Guerre de Cent Mille Ans que les puissants font aux plus faibles
(ou supposés tels) pour (r)assurer leur domination. Par ailleurs, on
trouve la preuve de la valeur de cette déconfessionnalisation dans
le barrage médiatique que les radios et les télévisions avaient
formé en interdisant purement et simplement sa diffusion sur les
ondes. Ainsi, cette chanson connaissait le sort de sa
consœur « Le
Déserteur » de Boris Vian et voilà une
raison de plus de la reproduire ici dans toutes ses paroles. Du
reste, Juliette
et Boris étaient des amis.
Oh,
dit Lucien l’âne, il y aurait encore tant de choses à dire, à
dire et à entendre, mais brisons là, il n’y a qu’à voir et
entendre la chanson elle-même qui est si belle quand Juliette la
serine ; et puis, tissons le linceul de ce vieux monde sexué,
sexuel, pinailleur, confessé, confessionné, confiné et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Déshabillez-moi !
Déshabillez-moi !
Pas
tout de suite,
Pas
trop vite.
Sachez
me convoiter,
Me
désirer,
Me
captiver.
Déshabillez-moi !
Déshabillez-moi !
Ne
soyez pas comme
Tous
les hommes,
Trop
pressé
Et
D’abord,
le regard ,
Tout le temps du prélude,
Tout le temps du prélude,
Ne
doit pas être rude,
Ni
hagard.
Dévorez-moi
des yeux
Mais
avec retenue
Pour
que je m’habitue,
Peu
à peu.
Déshabillez-moi !
Déshabillez-moi !
Pas
tout de suite,
Pas
trop vite.
Sachez
m’hypnotiser,
M’envelopper,
Me
capturer.
Déshabillez-moi !
Déshabillez-moi !
Avec délicatesse,
Avec délicatesse,
En
souplesse,
Et
doigté.
Choisissez
bien les mots,
Dirigez
bien vos gestes :
Ni
trop lents, ni trop lestes,
Sur
ma peau.
Voilà,
ça y est, je suis
Frémissante
et offerte
De
votre main experte, allez-y !
Déshabillez-moi !
Déshabillez-moi !
Maintenant
tout de suite,
Allez
vite !
Sachez
me posséder,
Me
consommer,
Me
consumer !
Déshabillez-moi !
Déshabillez-moi !
Déshabillez-moi !
Conduisez-vous en homme
Conduisez-vous en homme
Soyez
l’homme,
Agissez !
Déshabillez-moi !
Déshabillez-moi !
Et
vous,
Déshabillez-vous !
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